Eglises d'Asie

Trois mois et demi après le typhon Haiyan, un évêque catholique dénonce l’inertie gouvernementale dans l’organisation de la reconstruction

Publié le 24/02/2014




« Je me rends très souvent dans les zones détruites [par le typhon Haiyan, ou Yolanda, ainsi qu’il est désigné aux Philippines], mais tout ce que je vois sur place ne sont que des habitats collectifs temporaires. A ce jour, c’est tout ce que le gouvernement a été capable de réaliser concrètement. Rien n’a été fait en ce qui concerne …

… la reconstruction ou la réorganisation du gagne-pain des gens. » Tels sont les propos tenus par Mgr Crispin Varquez, évêque de Borongan, dans les Visayas orientales, et diffusés le 19 février dernier par CBCP News, le site d’information de la Conférence épiscopale catholique des Philippines.

Evêque d’un diocèse dont le territoire, situé sur la province de Samar Oriental, a été touché de plein fouet par le typhon Yolanda qui a ravagé toute une partie de la région centrale de l’archipel philippin le 8 novembre 2013, Mgr Varquez se plaint de l’inefficacité de l’action gouvernementale. Trois mois et demi après le passage du typhon, les rescapés du cataclysme naturel n’ont pas encore vu le bénéfice des programmes que Manille dit avoir mis en place. « Je ne sais pas quand [ces programmes] débuteront ou bien s’ils sont encore en phase de conception. Nous n’en avons pas la moindre idée », a ajouté l’évêque, en se plaignant du fait que les victimes étaient plongées dans un état d’incertitude quant à leur avenir, ce qui nuit à la remise en état de la région.

Deux jours auparavant, le 17 février, environ un millier de rescapés du typhon étaient montés à Manille pour manifester devant les grilles de Malacanang, le palais présidentiel. Emmenés par une coalition d’organisations locales, ils demandaient à être reçus par le président Aquino pour faire entendre leurs revendications, au nombre desquelles figuraient la distribution d’une allocation de 40 000 pesos (650 euros) à tous les survivants, la suppression de la politique de non-construction sur la bande littorale dans les provinces de Samar et Leyte ou bien encore la poursuite de la distribution des aides alimentaires. Selon Sr Edita Eslopor, porte-parole de Tindog People’s Network (‘Réseau du peuple qui se lève’), « ce qui est le plus frappant en ce qui concerne les programmes de reconstruction post-Haiyan, c’est que la population locale en est tenue à l’écart ». Face aux enjeux financiers de la reconstruction – les estimations qui circulent vont jusqu’à 15 milliards de dollars –, les appétits s’aiguisent, explique encore la religieuse.

A ces pressions, le président Benigno Aquino a réagi en commençant par prendre les manifestants de haut, s’interrogeant publiquement sur la meilleure utilisation qui aurait pu être faite des fonds utilisés pour organiser le voyage à Manille de ce millier de survivants du typhon. Mais, sentant la contestation monter, il s’est rendu ce 24 février, pour un voyage express de quelques heures, sur l’île de Bohol, une des îles des Visayas frappée par le typhon, afin d’inspecter les maisons collectives qui y ont été construites.

Ces maisons collectives conçues comme des abris provisoires sont au centre d’une polémique quant à leur coût et à leur utilité, certains dénonçant des constructions livrées non conformes aux spécifications demandées et d’autres s’interrogeant sur l’opportunité de continuer à construire trois mois après le passage du typhon des abris provisoires là où seraient bienvenus des travaux de reconstruction pérenne.

Sur place, dans les régions détruites, la vie a repris un semblant de normalité, les enfants étant de nouveau scolarisés et les familles s’attachant à reconstruire leurs maisons, le plus souvent avec des matériaux de récupération. Des bateaux de pêche ont été remis en état. Mais la tâche restant à accomplir demeure colossale, soulignent les organismes de l’Eglise catholique qui œuvrent sur place. La Caritas philippine, qui coordonne les aides issues de la communauté catholique, a annoncé que, trois mois après le 8 novembre, 100 millions de pesos avaient été distribués localement, principalement sous la forme de « cash for work » (une allocation journalière en échange d’un travail, notamment pour palier la disparition des sources de revenus de la population survivante). Désormais, les programmes de reconstruction montent en puissance : réparation des bateaux, reconstruction des écoles et des églises, etc. La Conférence épiscopale des Philippines continue par ailleurs de promouvoir activement auprès des Philippins son projet « Adopter une paroisse » (www.adoptaparish.org), qui vise à créer des liens matériels et spirituels au profit des 36 paroisses les plus touchées par le typhon.

Les aides venues du réseau international des Caritas demeurent importantes. Début février, Mgr Joseph Kurtz, président de la Conférence des évêques catholiques des Etats-Unis, était dans la ville de Tacloban, particulièrement ravagée par le typhon, en compagnie d’une délégation internationale de responsables ecclésiastiques. Outre l’aide matérielle de CRS (Catholic Relief Services), la Caritas américaine, l’archevêque de Louisville a témoigné « du courage et de la résilience du peuple philippin ». Fin janvier, le cardinal Robert Sarah, du Conseil pontifical Cor Unum, était venu de Rome porteur d’un don de 150 000 dollars du pape François. Lors d’une messe célébrée à Barangay, sur l’île de Leyte, il a aussi fait part de « la proximité spirituelle » du pape avec les victimes et ajouté : « Je ne vous donnerai pas de date, mais le Saint-Père m’a dit : ‘Il se peut que j’aille moi aussi là-bas’ », déclenchant vivats et applaudissements dans l’assistance.

Outre le voyage du pape en août 2014 en Corée du Sud, le Saint-Siège a récemment fait état d’un futur déplacement en Asie, qui mènerait le pape François à l’horizon 2015 aux Philippines et au Sri Lanka.

(eda/ra)