Eglises d'Asie

Hongkong : le cardinal Zen : « Avec Occupy Central, nous avons provoqué la colère de l’empereur »

Publié le 11/09/2014




L’évêque émérite de Hongkong lance ici un appel à poursuivre « avec courage » les actes de désobéissance civile initiés par Occupy Central, groupe pro-démocratique qu’il soutient ouvertement depuis ses débuts. 

Alors que les événements d’août dernier et la fin de non-recevoir de Pékin ont affaibli le mouvement protestataire, Mgr Joseph Zen Ze-kiun appelle les citoyens à « ne pas céder à la peur », et à lutter pour leur liberté. La traduction de ce texte, publié par l’agence AsiaNews le 10 septembre 2014, est de la Rédaction d’Eglises d’Asie.

Certaines personnes nous disent : « Vous pensez vraiment pouvoir effrayer le gouvernement central en brandissant la menace d’Occupy Central ? Plus vous ferez de menaces, plus le gouvernement central refusera de faire des concessions : vous n’avez obtenu que ce que vous méritez ! ».

Dans un reportage sur la province du Shandong, j’ai lu qu’un père avait giflé et frappé à coups de pied sa fille à trois reprises pour avoir refusé d’aller à l’école le premier jour de la rentrée. Nous aussi, citoyens de Hongkong, nous avons reçu trois claques retentissantes ces derniers jours.

La première de ces claques a été le fait que Pékin avait décidé que la seule Commission qui aurait autorité pour nommer les candidats à la prochaine élection du chef de l’exécutif serait établie selon les règles de la Commission électorale. La seconde claque a été qu’une majorité absolue serait nécessaire pour élire le chef politique, et la troisième, qu’il ne pourrait y avoir que deux, voire trois candidats aux élections seulement (1).

Devons-nous maintenant réagir comme cette petite fille du Shandong : frictionner notre joue rouge et enflée par les claques, ravaler nos larmes et suivre, la peur au ventre, notre père qui nous conduit à l’école ?

D’autres personnes pensent même que nous nous en sommes tirés à bon compte : pour un crime similaire – un véritable crime de lèse-majesté –, nous aurions mérité de mourir sous les balles de l’Armée populaire de libération ! Si nous avions supplié à genoux, ne nous aurait-on pas déjà accordé la grâce d’une véritable élection générale ? Mais tous ces jeunes de la place Tiananmen ne s’étaient-ils pas mis à genoux devant le bâtiment de l’Assemblée nationale ? A quoi cela leur a t-il servi ?

Il est impossible à un gouvernement totalitaire de comprendre la démocratie, le concept selon lequel le peuple est son propre maître. Ici [le gouvernement] est maître et seigneur. En fait, il est l’Empereur.

Les nazis, les fascistes, les communistes sont tous semblables ! Dans un régime démocratique, les gouvernants sont les serviteurs et lorsqu’ils ne font pas leur travail – comme poursuivre leurs propres intérêts au lieu de chercher le bien commun –, le peuple n’est pas censé ménager ses mots pour exprimer son mécontentement.

Et lorsque le mécontentement populaire a atteint son point de rupture, il est permis de hurler, car c’est la marque du désespoir. Dans ces cris et ces larmes, les dirigeants, ceux en tout cas qui ne sont pas des despotes mais des pères, entendent la clameur de ceux qui sont en train de pleurer.

Ce n’est qu’après avoir été confrontés au rejet du dialogue rationnel que nous en sommes arrivés à défiler dans les rues, à faire ces fameuses « marches », à aller voter pour le « référendum » et à transpirer pendant huit heures dans les rues suffocantes de la ville, le 1er juillet dernier.

Est-ce que ce sont des menaces ? Non, ce sont des supplications ! Mais des supplications exprimées dans la dignité. Elles n’ont rien à voir avec ces ridicules « pétitions » et « marches patriotiques » formées de mercenaires : de purs produits de la manipulation que l’on ne voit que dans les pays fascistes.

Le gouvernement clame qu’il n’a pas peur d’Occupy Central. Nous n’en doutons pas ; pourquoi serait-il effrayé ? Occupy central ne risque pas de causer d’importants dégâts et les autorités ont tous les moyens nécessaires pour garder la situation sous contrôle. C’est plutôt nous qui devrions avoir peur. Une fois que l’on commence un acte de désobéissance civile, on peut se retrouver dans une position complètement passive, parce que c’est un mouvement pacifique, motivé par l’amour !

Nous avons toutes les raisons de craindre devoir payer un prix plus élevé que nous l’envisagions. Je voudrais encourager tous ceux qui ont prévu de prendre part au mouvement « N’ayez pas peur de la peur ! ». Nous tous, concitoyens, compatriotes, encourageons-nous à avancer sur cette voie du non-retour !

Il y a une chose que les communistes et leurs acolytes n’ont pas peur de faire – et ils devraient pourtant –, c’est de blesser notre cœur. L’attaque des forces impérialistes ne conduit qu’à des dommages matériels, mais lorsqu’il s’agit de nos frères chinois qui veulent nous asservir pour toujours, cela blesse notre cœur.

Mais si nous ne voulons pas nous résigner à devenir des esclaves, quel autre choix avons-nous alors que celui de résister ?

Cardinal Joseph Zen Ze-kiun, évêque émérite de Hongkong

(eda/msb)