Eglises d'Asie

Hongkong : ordination de trois évêques auxiliaires, à l’aube d’une grave crise politique

Publié le 01/09/2014




Ce sont les premières ordinations épiscopales depuis la rétrocession à la Chine de l’ancienne colonie britannique en 1997. Cet événement, très important pour l’Eglise de Hongkong, a été célébré ce week-end, peu avant que n’éclate, par le jeu des coïncidences, la fronde du mouvement démocratique Occupy Central.

Samedi 30 août dernier, le Cardinal John Tong Hon a ordonné évêques auxiliaires du diocèse de Hongkong, les PP. Joseph Ha Chi-shing, Stephen Lee Bun-sang et Michael Yeung Ming-cheung, en la cathédrale de l’Immaculée Conception. La dernière ordination épiscopale à Hongkong s’était tenue en 1996 pour les PP. Joseph Zen et John Tong qui étaient devenus respectivement évêques coadjuteur et auxiliaire du diocèse.

L’évêque émérite de Hongkong, le cardinal Joseph Zen Ze-kiun et l’archevêque Savio Hon Tai-fai, Secrétaire de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, ont également concélébré l’ordination. Sept autres évêques et 166 prêtres ont assisté à la cérémonie à laquelle étaient présents plus de 2 000 catholiques dont de nombreux prêtres et laïcs venus de Chine continentale.

« En tant que pasteur, je sais que les quelque 500 000 catholiques de notre diocèse ont eu immense besoin de prêtres », a rappelé le cardinal Tong dans son homélie. Remerciant le pape François d’avoir nommé trois auxiliaires pour l’assister dans « les défis auxquels notre époque devait faire face », le prélat a précisé que les nouveaux évêques l’aideraient en priorité dans la difficile mission concernant les relations entre l’Eglise en Chine et l’Eglise universelle.

Les PP Joseph Ha, Stephen Lee et Michael Yeung, tous prêtres originaires de Hongkong, ont été désignés par le pape François le 11 juillet dernier. Le Saint-Père avait lors de ces nominations, également maintenu le cardinal John Tong Hon à la tête du diocèse pour trois ans supplémentaires. En effet Mgr Tong Hon, évêque de Hongkong depuis 2009, devait selon le droit canon, présenter sa démission pour raison d’âge (soit le 31 juillet 2014, date à laquelle il devait fêter ses 75 ans).

Parmi les trois nouveaux auxiliaires, l’un d’entre eux, Mgr Michael Yeung Ming-cheung, est vicaire général depuis 2009 et connait parfaitement les rouages du diocèse où il exerçait en tant que responsable de la communication, de l’information et de la Caritas locale. Il s’est récemment opposé avec fermeté mais diplomatie à la demande de Pékin de supprimer la commission « Justice et paix », régulièrement impliquée dans le mouvement en faveur de la démocratie à Hongkong. Membre du conseil pontifical Cor Unum, Mgr Yeung Ming-cheung est également engagé dans le soutien au référendum non officiel sur le suffrage universel.

Mgr Stephen Lee Bun-sang, ancien Vicaire régional de l’Opus Dei pour l’Asie orientale, fait partie de l’officialité du diocèse de Hongkong. Spécialiste du droit canon dans le contexte particulier de l’Eglise en Chine, il a notamment été responsable de l’école catholique Tak Sun sur Kowloon.

Le troisième évêque auxiliaire, Mgr Joseph Ha Chi-shing, appartient à l’ordre franciscain dont il a été le supérieur pour Hongkong. Membre de la commission vaticane sur l’Eglise en Chine, il est particulièrement au fait de la situation des catholiques sur le continent. Très engagé auprès de la jeunesse ainsi qu’auprès des groupes militant pour les droits de l’homme, il s’est tout récemment fait connaître en soutenant explicitement le mouvement Occupy Central. Ce dernier menace le gouvernement de bloquer, pacifiquement, mais avec plus de 10 000 manifestants, l’accès au quartier Central, centre des affaires de Hongkong ,si dans la perspective des élections de 2017, le gouvernement chinois n’accepte pas de réforme démocratique du scrutin. « L’Eglise est très claire à ce sujet, a-t-il déclaré. La désobéissance civile est licite lorsque les autorités, qui devraient agir pour le bien commun de la société et en étant guidées par des principes moraux, ne suivent pas ces principes, ou alors si la législation est injuste. »

Avec ces nouvelles ordinations, le diocèse de Hongkong présente désormais la particularité d’avoir deux cardinaux (l’évêque émérite Mgr Joseph Zen Ze-kiun et l’évêque actuel Mgr John Tong Hong) ainsi que trois évêques auxiliaires choisis par Rome, lesquels appartiennent tous à cette Eglise spécifiquement hongkongaise qui sait manier avec diplomatie la résistance à l’autoritarisme de Pékin et le militantisme pacifique en faveur des droits de l’homme.

Mais ces trois nouveaux évêques auxiliaires qui ont déjà signifié, tout comme le cardinal Zen et le cardinal Tong -, leur soutien au mouvement pour la démocratie, devront vraisemblablement à l’aube de leur prise de fonction, faire entendre la voix de l’Eglise au milieu de la tourmente politique et sociale qui s’abat aujourd’hui sur Hongkong..

Un appel à la désobéissance civile vient en effet d’être lancé ce même week-end par le mouvement Occupy Central à la suite de l’annonce de la formule très restrictive arrêtée pour les élections de 2017 par Pékin (1). Le mouvement pro-démocratie a annoncé hier 31 août qu’il mettrait sa menace à exécution en paralysant le quartier d’affaires, tandis que les partis démocrates ont déclaré de leur côté qu’ils ne voteraient pas le projet de loi électoral.

« C’est le jour le plus sombre et le plus douloureux du mouvement démocratique à Hongkong » a déclaré hier dimanche 31 août, le parlementaire Ronny Tong. Quant au le leader du mouvement étudiant, Alex Chow, il a qualifié la décision de Pékin de « totalement inacceptable », ajoutant qu’il « n’y avait plus d’autre choix désormais que de résister ». Benny Tai Yiu-ting, co-fondateur du groupe Occupy Central, a pour sa part confirmé aujourd’hui à la BBC que « [ la réponse de Pékin] signant la fin de toute forme de dialogue, Occupy Central intenterait donc dans les semaines à venir, des actions incessantes [ à l’encontre du gouvernement] ».

Les premières manifestations ont débuté dans la nuit de dimanche à lundi. Vêtus de noir, un bandeau jaune autour du front, des milliers de manifestants ont convergé vers Tamar Park, siège du gouvernement, scandant des slogans appelant à la désobéissance civile pacifique.

Ce 1er septembre, la police a dispersé, à grands renfort de gazs lacrymogènes particulièrement nocifs, des manifestants cherchant à entrer dans l’enceinte du Parlement, tandis que des députés ont été expulsés pour avoir protesté lors du discours de Li Fei, haut responsable chinois venu défendre la position de Pékin.

(eda/msb)