Eglises d'Asie – Chine
Selon l’évêque de Hongkong, seul le dialogue permettra d’obtenir le suffrage universel
Publié le 21/08/2014
… par un « dialogue permanent et pacifique » entre les parties en présence qu’un « modèle électoral démocratique » pourra être mis en place.
La prise de position du cardinal Tong intervient dans un contexte local tendu. Depuis des mois, un mouvement de désobéissance civile, appelé « Occupy Central » (du nom du quartier d’affaires de Hongkong et en référence au mouvement Occupy Wall Street né à New York en septembre 2011 pour dénoncer les excès de la finance), appelle à la mise en place du suffrage universel direct. Les leaders du mouvement mettent en avant la promesse contenue dans la Loi fondamentale, qui fait office de Constitution pour Hongkong, d’instaurer le suffrage universel à l’horizon 2017. Ils demandent à Pékin qu’à cette date, les candidatures au poste de chef de l’exécutif ne soient pas « pré-sélectionnées » par le gouvernement chinois, et que le principe ‘un homme, une voix’ soit respecté aussi bien pour l’élection du chef de l’exécutif que pour celle du Legco, le Parlement local. Lors d’un référendum informel organisé par Occupy Central en juin dernier auquel 800 000 personnes avaient pris part, une écrasante majorité avait demandé l’instauration du suffrage universel direct.
En face, les partisans pro-Pékin, réunis sous la bannière de l’« Alliance pour la paix et la démocratie », affirment la nécessité de maintenir le système en place et mettent en garde contre le risque de « chaos » que fait peser Occupy Central sur la stabilité de Hongkong et sa réputation de place financière sûre. Dimanche 17 août, lors d’une grande manifestation dans les rues de la ville, le porte-parole de l’Alliance, Robert Chow, a déclaré : « Nous voulons faire savoir au monde que nous voulons la paix ; nous voulons la démocratie, mais, de grâce !, ne nous menacez pas, n’essayez pas de plonger la ville dans la violence ! » La manifestation marquait le point d’orgue d’une intense mobilisation de tous les intérêts pro-Pékin de Hongkong pour dénigrer les démocrates auprès des Hongkongais et faire valoir à ces derniers que mieux valait accepter ce que Pékin était prêt à concéder maintenant plutôt que de demander plus et risquer de ne rien obtenir du tout.
Dans le cortège, des milliers de manifestants étaient vêtus de rouge pour marquer leur allégeance à Pékin, certains portant des bannières « Longue vie au Parti communiste chinois », d’autres venant directement de Chine, pour soutenir « la paix à Hongkong ». Selon la police, 111 800 personnes ont pris part à la manifestation. Des observateurs indépendants plaçaient toutefois le curseur à 57 000 manifestants, en se basant sur une étude des photos du traditionnel défilé pro-démocratie du 1er juillet qui, cette année, avait rassemblé 98 600 manifestants selon la police et entre 122 000 et 172 000 personnes selon des estimations indépendantes.
C’est donc dans ce contexte de passions exacerbées que le cardinal Tong a choisi de s’exprimer. Agé de 75 depuis le 31 juillet dernier, il lui a été demandé par le pape François d’assurer son office d’évêque de Hongkong durant trois années supplémentaires. Sa lettre, intitulée « En soutien à un dialogue constant et à une action responsable – Lettre pastorale à propos de la réforme électorale et au sujet des moyens de subsistance », a été postée sur le site Internet du diocèse le 19 août et diffusée par fax à toutes les paroisses le même jour. Elle est publiée en anglais et en chinois dans l’hebdomadaire du diocèse de ce dimanche, daté du 24 août. Le diocèse en avait, dès le 4 août, exposé les grandes lignes en conférence de presse.
Le cardinal écrit que, « face à la polarisation » des opinions, il lui a semblé « nécessaire » d’écrire cette lettre de manière à « offrir aux fidèles une aide » afin de leur permettre de mieux comprendre « la position du diocèse ».
Mgr Tong explique que « le bien-être d’une société » est intimement lié au fait de disposer d’un « système politique solide ». Il note qu’au sein de la population de Hongkong, « les aspirations à une démocratie véritable et à un vrai suffrage universel » sont « évidentes ». « Ces aspirations sont constitutionnellement fondées et moralement justes », écrit-il.
Ceci posé, continue-t-il, « nous maintenons que c’est par un dialogue constant entre toutes les parties concernées, suivi par une action responsable, que nous pouvons parvenir à un modèle électoral réellement démocratique ». Le Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire devant se réunir à Pékin entre le 25 et le 31 août prochains pour décider des réformes à mettre en place en vue des élections de 2017 à Hongkong, le cardinal appelle à « continuer » le dialogue.
L’évêque de Hongkong cite le pape François et l’insistance de ce dernier à toujours recourir au dialogue pour progresser. Il ne cache pas que les « promesses » faites aux Hongkongais en vue du suffrage universel doivent être précisées car nul ne connaît encore « les dispositions concrètes » que prépare Pékin. Citant l’Epître de Jacques (1,20) « (…) la colère de l’homme n’accomplit pas la justice de Dieu », il ajoute aussi « croire fermement que la justice ne peut être obtenue par la confrontation ou la violence ».
Il conclut en soulignant que si l’édification d’un système véritablement démocratique à Hongkong et la mise en place d’un gouvernement qui rende des comptes à ses citoyens pourraient certainement contribuer à renforcer la légitimité des institutions en place, la revendication pour le suffrage universel ne doit pas oblitérer « les nombreuses et urgentes questions qui se posent à Hongkong en matière de justice sociale et de moyens de subsistance ». Le cardinal rappelle à ce propos les textes publiés à ce sujet par le diocèse en février 2012 puis en septembre de la même année.
Selon les observateurs, si le cardinal Tong, par cette Lettre pastorale, soutient pleinement les aspirations démocratiques exprimées par une large frange de la population de Hongkong, il se garde toutefois d’afficher un soutien direct et explicite au mouvement Occupy Central. Son attitude contraste avec celle de l’évêque émérite de Hongkong, le cardinal Zen Ze-kiun, qui appelle les Hongkongais à ne pas se laisser intimider par Pékin, ainsi qu’avec celle des évêques auxiliaires qui ont été nommés le 11 juillet dernier à Hongkong et qui, pour au moins l’un d’entre eux, ont justifié le recours à la désobéissance civile.
(eda/ra)