Eglises d'Asie

En Malaisie orientale, chrétiens et musulmans disent ne pas comprendre la polémique sur l’usage du mot ‘Allah’

Publié le 25/03/2010




En Malaisie orientale, et principalement dans l’Etat de Sarawak (1), la polémique qui a cours en Malaisie péninsulaire au sujet de l’emploi par les chrétiens du mot ‘Allah’ (2) surprend bon nombre de chrétiens et de musulmans. Les uns comme les autres indiquent que ce mot est utilisé depuis des lustres dans la région, sans que la communauté musulmane trouve à y redire.

Interrogé par l’agence Ucanews (3), James Jang, paroissien de l’église Saint-Charles, située à Selanggau, au centre de Sarawak, explique que « depuis le XVIIème siècle au moins, [les chrétiens] utilisent le mot ‘Allah’ » pour dire Dieu. Membre de l’ethnie iban, en grande partie convertie au christianisme, il ajoute que, dans cette région de Sarawak, la langue la plus usitée est l’iban, proche du malais. Dans cette langue utilisée pour célébrer le culte, c’est tout naturellement le mot ‘Allah’ qui est employé pour dire Dieu. « Sur la péninsule, ils ont beau en faire toute une histoire, nous, les chrétiens et les musulmans, ne voyons pas où est le problème », renchérit Ata Ngaden, paroissien lui aussi de Saint-Charles.

Quant à l’annonce faite par Nazri Aziz, ministre du gouvernement fédéral, selon laquelle les chrétiens de Sabah et Sarawak seraient finalement autorisés à utiliser dans leur liturgie et leurs écrits le mot ‘Allah’, les chrétiens ne la comprennent pas. Comment pourrait-il se faire que ce qui est autorisé en Malaisie orientale ne le soit pas en Malaisie péninsulaire, où vivent des chrétiens originaires de Sabah et de Sarawak ?, interrogent-ils.

Pour Segiong Radi, un chrétien de Selanggau, les musulmans qui vivent en Malaisie orientale n’ont jamais ressenti le besoin d’objecter à l’usage par les chrétiens du mot ‘Allah’, et la polémique actuelle ne les fera pas changer d’avis. Interrogée à ce propos, Kalsum Daud, une musulmane, confirme que chrétiens et musulmans vivent en bonne intelligence à Selanggau. Elle précise que, bien que les chrétiens y soient majoritaires, elle n’a pas rencontré de difficultés lorsqu’elle a ouvert un restaurant offrant exclusivement de la nourriture halal, alors que l’échoppe voisine qui proposait des plats elle aussi, était tenue par un chrétien.

Pour d’autres chrétiens, le gouvernement fédéral se montre inconséquent avec lui-même. D’un côté, il promeut l’usage de la langue malaise et, de l’autre, il affirme que les musulmans peuvent se trouver troublés dans leur foi par l’usage du malais par les chrétiens. Pour Kalsum Daud, « si un musulman éprouve un trouble, c’est ou bien que sa foi est chancelante ou bien qu’il est un extrémiste. Mais ici à Selanggau, aucun musulman n’est comme cela. Pour nous, musulmans, tous ces commentaires au sujet des chrétiens qui utilisent le mot ‘Allah’, c’est ‘nadai namanama’ (‘il n’y a pas de problème’) ».

En Malaisie péninsulaire, où ces dernières semaines, une dizaine d’actes de vandalisme ont pris pour cible des lieux de culte chrétiens, la polémique s’est calmée ces derniers jours, même si la tension reste forte. Le 21 janvier, dans l’Etat de Johor, deux salles de prière musulmanes ont subi des dégâts légers après avoir été visées par des cocktails Molotov. Le surlendemain, la police annonçait l’interpellation de quatre suspects, âgés de 16 à 28 ans. Par ailleurs, le 20 janvier, la police avait annoncé l’interpellation de huit jeunes âgés de 21 à 25 ans, suspectés d’avoir pris part aux attaques visant les églises chrétiennes. Enfin, le 27 janvier, trois têtes de cochon ont été découvertes devant deux mosquées de la banlieue de Kuala Lumpur. Le ministre des Affaires étrangères a condamné ce qu’il a qualifié de tentative « visant à semer le chaos dans le pays ». Le Conseil consultatif de Malaisie du bouddhisme, du christianisme, de l’hindouisme, du sikhism et du taoïsme, un organe promouvant le dialogue interreligieux, notamment avec la majorité musulmane, a publié un communiqué invitant les Malaisiens à ne pas « répondre au piège de la provocation ». « Toute violence contre un lieu de culte et de prière est un péché très grave », peut-on lire.