Eglises d'Asie

Expulsion de réfugiés : Colombo récidive malgré les condamnations internationales

Publié le 10/10/2014




Malgré les admonestations de la communauté internationale, le Sri Lanka s’apprête à rapatrier de nouveau des réfugiés issus de minorités religieuses au Pakistan, où ils risquent la peine de mort.Des organisations de défense de droits de l’homme et de la société civile ont alerté lundi 6 octobre dernier la communauté internationale …

… sur la récente décision de la Cour suprême de Colombo validant les arrêts d’expulsion de plusieurs réfugiés pakistanais dont le statut de demandeurs d’asile était pourtant en cours de validation par le Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unis (UNHCR).

Il s’agit de membres de minorités religieuses du Pakistan, chrétiens, musulmans chiites et ahmadiyas (1), qui ont fui les persécutions qu’ils subissaient dans leur pays. « S’ils sont renvoyés dans leur pays, ils seront assassinés », s’inquiète le P. Sathyavelu, qui a pris part à une pétition pour empêcher l’expulsion des réfugiées, déposée devant la Cour suprême en août dernier.

Cette pétition, qui a été signée par plus de 80 militants des droits de l’homme, avait fait suite à une déclaration de l’UNHCR le 2 août, révélant que les autorités sri-lankaises avaient arrêté 214 demandeurs d’asile pakistanais et afghans depuis le 9 juin dernier et commencé à les expulser. « Ces actes vont à l’encontre des lois internationales interdisant les rapatriements forcés et le refoulement des [populations réfugiées] confrontées à des risques graves et imminents », s’était indigné l’agence onusienne, qui avait également rappelé que renvoyer un individu dans un pays où il encourrait le risque d’être torturé ou tué était interdit par la Convention des Nations Unies contre la torture dont le Sri Lanka est signataire.

« La plupart des demandeurs d’asile en provenance du Pakistan appartiennent à des minorités religieuses, dont les ahmadiyas, les chrétiens et les chiites, qui sont victimes de persécution, discrimination et violences dans leur pays », avait rappelé Rita Izsák, rapporteur spécial de l’ONU chargé des minorités, dans une autre déclaration datée du 14 août dernier. « Un grand nombre d’entre eux ont été expulsés [du Sri Lanka] malgré leur enregistrement auprès de l’UNHCR et le fait qu’ils étaient en attente de la validation de leur certificat de demandeurs d’asile. »

Le Colombo Telegraph du 22 août avait ensuite consacré un long article aux arrestations arbitraires et aux expulsions illégales, tout en détaillant les arguments de la pétition qui venait d’être déposée devant la Cour suprême. Citant les responsables de l’UNHCR, les pétitionnaires confirmaient que les « retours au pays » des Pakistanais entraient bien dans la catégories des rapatriements forcés, les réfugiés ayant eu leurs passeports et certificats de demandeurs d’asile saisis par les autorités avant d’être embarqués contre leur volonté sur des vols à destination du Pakistan.

Le quotidien en ligne sri-lankais soulignait également les différentes entorses à la loi qui avaient accompagné les arrestations des réfugiés : aucune information sur les raisons de leur interpellation, non-présentation devant un tribunal et surtout, placement en détention des réfugiés dans un centre dépendant non du département de l’Immigration mais de celui chargé d’appliquer la loi de Prévention du Terrorisme (Prevention of Terrorism Act, PTA).

Enfin, la pétition faisait également mention d’actes de violences, de tortures et de « traitements inhumains et dégradants » commis à l’encontre des réfugiés, en violation avec l’article 11 de la Constitution sri-lankaise concernant les personnes se trouvant sur le territoire sur Sri Lanka, indépendamment de leur nationalité.

Cet article a valu au Colombo Telegraph une vague de menaces du gouvernement et plusieurs tentatives de blocage de son site Internet, des actions répressives dont le média en ligne fait régulièrement les frais.

Suite à cette mobilisation citoyenne et aux déclarations de l’UNHCR, la Cour de Colombo avait rendu le 15 août une ordonnance provisoire interdisant l’expulsion de tout réfugié ou demandeur d’asile enregistré auprès du HCR et ce jusqu’au 29 août, date de reprise de l’affaire.

Mais le 29 septembre dernier, la décision de la Cour suprême délivrant les arrêtés d’expulsion semble avoir mis un terme au débat juridique, et ce malgré le dépôt d’une nouvelle requête en justice. Le mois dernier en effet, six avocats spécialisés dans les droits de l’homme ont déposé une requête devant la Cour suprême, dans laquelle ils réaffirmaient l’irrégularité des arrêtés d’expulsion et le « grand péril » qu’encourraient les demandeurs d’asile s’ils étaient renvoyés dans leur pays d’origine.

Mais la Cour a rejeté la demande, arguant du fait que des militants des droits de l’homme ne pouvaient agir en justice au nom de demandeurs d’asile et que « le pays n’avait aucune obligation envers lesdits ressortissants pakistanais, étant donné qu’il n’était pas signataire de la Convention des réfugiés de 1951 ».

L’UNHCR a cependant de nouveau exhorté Colombo à stopper sa politique d’expulsion et d’arrestation arbitraire des réfugiés. Une réunion houleuse s’est par ailleurs tenue sur le sujet au siège des Nations Unies à Genève le 12 septembre dernier.

« Depuis début juin, les autorités sri-lankaises ont arrêté et détenu 328 réfugiés et demandeurs d’asile au total et expulsé 183 d’entre eux vers le Pakistan et l’Afghanistan », a rapporté le porte-parole du Haut Commissariat aux Réfugiés, Babar Baloch. « Nous pensons qu’il y a encore 102 personnes relevant de la compétence de l’UNHCR en détention, dont 38 Pakistanais et 64 Afghans », a-t-il ajouté.

Lors d’une précédente réunion avec des représentants du gouvernement sri-lankais, l’UNHCR avait pourtant reçu des assurances concernant la libération immédiate de tous les demandeurs d’asile et réfugiés arrêtés et détenus depuis juin. « Nous sommes consternés par l’attitude du gouvernement sri-lankais, et le fait que les arrestations, détentions et expulsions aient repris », a poursuivi le porte-parole des Nations Unies. « Nous réitérons donc notre demande auprès des autorités pour qu’elles nous autorisent l’accès aux demandeurs d’asile détenus afin de pouvoir évaluer leurs besoins de protection internationale. »

Une demande à laquelle la représentante du Sri Lanka à Genève, Samantha Jayasuriya, a répondu en disant que le pays devait faire face à un « afflux sans précédent de demandeurs d’asile », mettant en péril ses propres ressources et « posant de sérieux problèmes de sécurité, d’ordre et de santé publique ». Et de s’appuyer sur un rapport d’avril dernier, signalant que dix cas de malaria avaient été découverts parmi les demandeurs d’asile, alors que « le Sri Lanka était en train d’être inscrit par l’Organisation mondiale de la santé comme ayant éradiqué la maladie » (2).

« Au cours des deux dernières années, le Sri Lanka a connu une augmentation de près de 700 % du nombre de demandeurs d’asile et de réfugiés », a-t-elle déclaré devant les représentants de l’UNHCR, ajoutant que ces réfugiés n’étaient généralement pas de véritables demandeurs d’asile mais « des migrants économiques ou impliqués dans des réseaux de traite des êtres humains ». L’envoyée spéciale pour le Sri Lanka a conclu en accusant l’UNHCR de ne pas « faire correctement son travail », en faisant durer les procédures d’enregistrement des demandeurs d’asile et en ne prenant pas la responsabilité de rapatrier les réfugiés dont les demandes avaient été rejetées.

(eda/msb)