Eglises d'Asie

Hongkong : des milliers d’étudiants en grève pour la démocratie

Publié le 23/09/2014




Le bras de fer annoncé a commencé. Dans la mouvance du groupe Occupy Central, mouvement pro-démocratie qui menace de paralyser le quartier d’affaires de Hongkong si Pékin ne renonce pas à « étouffer la démocratie » dans l’ancienne colonie britannique, une grève étudiante massive a débuté lundi 22 septembre… 

Alors que l’année universitaire vient de débuter, des milliers d’étudiants ont entamé une semaine de manifestation et de « boycott des cours », soutenus par plusieurs centaines d’enseignants, d’intellectuels et de militants. « En tant qu’enseignants et en tant que citoyens, nous sommes peinés et scandalisés de voir le processus démocratique à Hongkong étouffé et réprimé », écrivent les universitaires dans un manifeste publié hier.

Selon les organisateurs, lundi 22 septembre, plus de 13 000 étudiants venus des quelque 25 universités du territoire ont séché les cours pour se rassembler sur le campus de l’Université chinoise de Hongkong, vêtus de T-shirts blancs, couleur du deuil, un ruban jaune noué autour du poignet. Brandissant des banderoles où l’on pouvait lire « La démocratie maintenant » ou encore « Désobéir pour prendre en main son destin », les étudiants ont protesté dans le calme contre la décision de Pékin de limiter la portée du suffrage universel dans la Région administrative spéciale de Hongkong (1).

Zhou Yongkang, président de la Fédération des étudiants de Hongkong, qui a organisé la manifestation – avec le groupe, plus radical, Scholarism, mené par Joshua Wong – a appelé à la démission de l’actuel chef de l’exécutif, Leung Chun-ying. « Nous n’avons plus d’autre choix que celui d’intensifier notre action et de l’étendre à d’autres formes de désobéissance civile », a déclaré quant à lui à la foule, Alex Chow, secrétaire général de la fédération étudiante.

Toute la semaine sont prévus, en marge des manifestations, des concerts, des tables-rondes, des projections et plus de 80 conférences publiques, dont l’une sera donnée par l’évêque émérite de Hongkong, Mgr Joseph Zen Ze-kiun, lequel soutient ouvertement le mouvement depuis ses débuts.

Le mouvement de grève étudiant devrait s’étendre aux collégiens et lycéens à partir de la semaine prochaine, voire de ce vendredi 26 septembre. Démontrant, s’il en était besoin, la forte implication de l’Eglise catholique dans le mouvement pour la démocratie, des rassemblements de prière avec les élèves du secondaire devraient clôturer les manifestations.

L’Eglise catholique, si elle est peu présente dans l’enseignement supérieur, scolarise environ un quart des élèves de Hongkong, et à ce titre a assuré que les jeunes de ses établissements ne seraient pas pénalisés s’ils participaient à la grève en septembre, du moment qu’ils pourraient produire une autorisation écrite de leurs parents.

Des consignes qui, dans l’ensemble, n’ont pas rencontré l’approbation des protestants, eux aussi très présents dans le système scolaire hongkongais, mais qui ont incité leurs élèves à faire preuve, tout au contraire, de neutralité et de discrétion. Comme le fait remarquer l’agence AsiaNews lundi 22 septembre, les chefs religieux de l’Eglise anglicane ont dans leur très grande majorité conseillé à leurs membres de « garder le silence » face aux conflits sociaux, comme « le Christ l’avait fait lui même sur la croix ».

Des propos qui indignent certains leaders protestants qui se sont démarqués en s’engageant aux côtés de l’Eglise catholique pour soutenir l’«expression pacifique de la désobéissance civile. » Ainsi le cofondateur d’Occupy Central, le pasteur baptiste Chu Yiu-Ming a rétorqué aux « pusillanimes » des Eglises protestantes qu’il n’y avait « rien de pire que de citer la Bible pour appuyer ses dires » et créer ainsi des dissensions internes.

A l’issue de cette semaine de grève étudiante, Occupy Central prévoit que le 1er octobre, fête nationale célébrant la proclamation de la République populaire de Chine, soit marqué par un sit-in silencieux.

La première journée de protestation étudiante du 22 septembre a coïncidé avec la rencontre à Pékin de plus de 60 leaders politiques et hommes d’affaires puissants de Hongkong avec le président chinois Xi Jinping. Ces derniers n’ont pas caché qu’ils demanderaient au président chinois une intervention « plus musclée » afin de « stopper Occupy central », avant que le mouvement pro-démocratique « ne détériore le climat économique ». Depuis le début du bras de fer entre les militants d’Occupy central et le gouvernement, la menace d’un effondrement financier plane sur Hongkong, comme le révèle un sondage réalisé par l’Université chinoise de Hongkong, selon lequel 21% des habitants envisageraient de quitter le territoire si la situation continuait de se dégrader.

Mais Pékin a déjà préparé sa contre-attaque et, après avoir exercé des pressions à l’encontre des membres d’Occupy Central cet été, a menacé à leur tour les étudiants de représailles, comme le rapporte l’édition étrangère du Quotidien du peuple (Renmin Ribao), organe du Parti communiste chinois : « Les étudiants qui participeront à la grève devront assumer une lourde responsabilité, et seront punis en conséquence si leurs activités contreviennent à la loi. »

Des menaces qui sont prises au sérieux par les leaders du mouvement, lesquels reconnaissent la réalité des « risques encourus », mais encouragent les militants pro-démocrates à « s’engager dans le voie du non-retour », comme l’exprimait récemment le cardinal Zen.

Dans la même ligne, le Rév. Chu Yiy-ming reconnaît avoir « peur d’aller en prison et peur du Parti communiste », dans les colonnes du South China Morning Post. Mais, ajoute-t-il, il est prêt « à payer le prix pour la démocratie » quand il le faudra. « J’ai déjà 70 ans, poursuit-il, et je ne reviens sur le devant de la scène que dans le seul espoir de pouvoir faciliter la tâche aux générations futures en tentant d’aplanir quelques obstacles. »

Mais les menaces de répression du mouvement étudiant par Pékin inquiètent néanmoins les dissidents comme Hu Jia, qui, depuis la Chine continentale, a appelé la communauté internationale à veiller à ce que les manifestations étudiantes ne finissent pas aussi tragiquement que celles de Tiananmen. « Les Etats-Unis et la communauté internationale doivent empêcher la perpétration d’un autre massacre », a-t-il écrit dans une tribune du Wall Street Journal ce mardi 23 septembre.

Aujourd’hui, plusieurs centaines d’étudiants se sont rassemblés devant le siège du pouvoir exécutif et législatif de Hongkong où une première échauffourée s’est déjà produite ce matin. Leung Chun Ying a été pris à partie par certains des jeunes manifestants après une conférence de presse où il avait déclaré que « les propositions de Pékin étaient tout à fait en accord avec l’évolution démocratique prévue pour Hongkong ». Les étudiants ont menacé d’intensifier leurs actions si le chef de l’exécutif n’acceptait pas le dialogue avec leurs représentants d’ici 48 heures.

Ils continuent actuellement à se masser, toujours plus nombreux, dans le parc Tamar, devenu le lieu emblématique des contestations d’Occupy Central. Certains rappellent qu’un bras de fer assez semblable avait été couronné de succès en 2012 lorsqu’il avait été question d’introduire des cours de patriotisme dans les programmes scolaires. Face aux protestations massives qui s’étaient tenues dans ce même parc, le gouvernement avait abandonné le projet.

(eda/msb)