Eglises d'Asie – Chine
POUR APPROFONDIR – Hongkong après la Révolution [Partie I]
Publié le 28/10/2014
… et d’observer 87 secondes de silence en souvenir des 87 salves de gaz lacrymogène tirées par les policiers le 28 septembre dernier ?
C’est ce que tente d’analyser Willy Lam (1), dont le texte ci-dessous a été mis en ligne en langue anglaise le 23 octobre dernier sur le site de la Jamestown Foundation, think-tank basé aux Etats-Unis.
La traduction –qui sera publiée en deux parties – est de la rédaction d’Eglises d’Asie.
Hongkong après la Révolution – [Première partie]
par Willy Lam
Les manifestations pour la démocratie qui se poursuivent encore à Hongkong – connues aujourd’hui sous le nom de « mouvement Occupy Central » ou de « Révolution des parapluies » – ont d’ores et déjà changé profondément les relations entre le gouvernement central à Pékin et la Région administrative spéciale (RAS) [de Hongkong].
Pour la première fois depuis la rétrocession de Hongkong à la Chine en 1997, des centaines de milliers d’habitants sont descendus dans la rue pour faire entendre leur opposition à la mainmise de Pékin sur le système politique de la RAS. Bien plus significatif encore, cette manifestation du « pouvoir du peuple », aussi inattendue que véhémente, a forcé Pékin à reconnaître les limites de « l’exception chinoise », celle qui part du principe que le Parti communiste chinois a le droit d’ignorer les valeurs universelles et que les pays étrangers n’ont pas à s’immiscer dans les affaires intérieures du pays.
Des dizaines de personnalités de Chine continentale ont exprimé leur soutien aux militants de Hongkong, tandis que des médias et des hommes politiques étrangers ont appelé le gouvernement de Xi Jinping à répondre aux demandes des manifestants étudiants de la RAS. Si les autorités chinoises sous la férule du président Xi décident d’écraser la rébellion à Hongkong et sur le continent, elles révèlerons alors clairement au monde la voie politique que le président chinois entend suivre pour poursuivre sa rapide ascension en tant que super-puissance.
Pour un autre système politique à Hongkong
Le principal défi que les militants de Hongkong – dont la majorité est formée d’étudiants et de lycéens – pose à Pékin peut être mieux compris à la lumière des changements politiques qui ont concerné la RAS. A première vue, la campagne menée par les étudiants d’Occupy Central est une protestation contre la décision unilatérale et autoritaire prise en août dernier par l’Assemblée nationale populaire au sujet du processus d’élection du chef de l’exécutif à Hongkong, système qui doit être effectif en 2017 (Xinhua, 31 août 2014).
Alors que ce processus électoral était présenté comme une élection au suffrage universel sur la base du système « une personne, une voix », Pékin avait en réalité mis en place un comité de sélection (Nomination Committee) comprenant 1 200 représentants principalement pro-Pékin, chargé de choisir les candidats. Avant de pouvoir se présenter en tant que candidat à l’exécutif, les politiciens doivent ainsi tout d’abord obtenir l’appui de plus de 50 % des membres de ce comité électoral. Selon l’avocat pro-démocrate et ancien président du Barreau de Hongkong, Alan Leong, « il s’agit d’un système électoral de style nord-coréen », ce qui est à l’opposé des promesses de « haute autonomie » qui avaient été faites [par Pékin] à Hongkong (Singtao Daily [Hongkong], 2 sept. 2014 ; Associated Press, 31 août 2014).
A un autre niveau, le mouvement Occupy Central, dont le slogan « Ayez foi dans le peuple, le changement ne peut se produire que dans la confrontation et la lutte », représente un degré de prise de conscience et d’émancipation politique sans précédent dans l’histoire de Hongkong (Radio Free Asia, 24 sept. 2014, Singtao Daily, 22 sept. 2014). Alors que l’on considère souvent les habitants de Hongkong comme des êtres matérialistes ne se souciant que de préserver leur style de vie, des centaines de milliers d’habitants ont défié les gaz lacrymogènes et autres assauts de la police pour occuper le quartier du gouvernement central ainsi que la plupart des artères principales du centre-ville.
Depuis les années 1980, la première génération de politiciens hongkongais avait, de manière générale, respecté le cadre fixé par son gouvernement – l’administration coloniale britannique tout d’abord, puis après 1997, les dirigeants chinois –, dans sa lutte pour ses droits électoraux et autres objectifs démocratiques. Selon Joseph Lian, un commentateur politique hongkongais, la croisade politique en cours, qui pour la première fois est menée par des étudiants, incarne « une nouvelle génération qui ose remettre en question les règles du jeu fixées par les dirigeants du Parti communiste chinois » (2).
« Depuis que de nombreux leaders étudiants deviennent des personnalités qui seront visiblement appelées à jouer un rôle actif dans les vingt ou trente années à venir, Pékin se retrouve face à des adversaires puissants », ajoute encore Joseph Lian, qui est également l’ancien rédacteur en chef du Hong Kong Economic Journal, (HKEJ, 9 octobre 2014). Pour Ho-Fung Hung, sociologue à l’université Johns Hopkins, la « révolution des parapluies » peut être vue comme « un rite de passage vers une société civile autonome ». Le professeur de sociologie fait également remarquer que les leaders du mouvement sont « jeunes et forment les nouveaux citoyens autonomes qui se sont organisés eux-mêmes à travers les réseaux sociaux » (Ming Pao [Hongkong], 13 octobre 2014).
Des soutiens sur place et à l’étranger
Pour aggraver les problèmes de Pékin, la « révolution des parapluies» a attiré l’attention des médias du monde entier ainsi que des hommes politiques occidentaux . Depuis la rétrocession de 1997, seul le gouvernement américain s’était autorisé à commenter le fait que Pékin honorait ou non son engagement à donner aux sept millions d’habitants de la RAS le « haut degré d’autonomie » promis.
En raison, très probablement, de l’influence croissante de la Chine sur la scène internationale ainsi que de l’importance de son immense marché, même le Royaume-Uni avait renoncé à émettre des remarques négatives sur le non-respect de l’engagement de Pékin à instaurer « un pays, deux systèmes », qui était pourtant à la base même de la déclaration sino-britannique de 1984 réglant les modalités de rétrocession de l’ancienne colonie britannique à la mère patrie.
Mais, suite aux 87 salves de gaz lacrymogènes tirées par la police de Hongkong sur les manifestants le 28 septembre, le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon lui-même, a publié une déclaration dans laquelle il exhortait « les différentes parties à résoudre leurs différends de manière pacifique et selon les principes démocratiques » (UPI, 30 sept. 2014).
C’est la première fois dans histoire récente que le chef de l’ONU a fait part d’une quelconque réaction concernant la politique menée à Hongkong. Et le même fait s’est reproduit dans des pays qui étaient pourtant devenus de très proches partenaires économiques de la Chine. Ainsi, à la veille de la visite du Premier ministre Li Keqiang en Allemagne début octobre, le président allemand Joachim Gauck a comparé la révolution des parapluies aux manifestations anti-soviétiques qui s’étaient produites en Allemagne de l’Est à la fin de l’année 1989. Le président a ajouté que l’expérience de l’Allemagne de l’Est avait montré « combien il était important de défendre la démocratie, même aujourd’hui », avant de préciser que « les jeunes manifestants de Hongkong l’avaient très bien compris » (ABC News, 9 octobre 2014, RTHK [Hongkong] 9 octobre 2014).
[fin de la première partie]
(eda/msb)