Eglises d'Asie

Un attentat suicide revendiqué par les talibans fait plus de 60 morts

Publié le 03/11/2014




Un attentat-suicide revendiqué par les talibans a fait plus de 60 morts et près de 200 blessés graves à la frontière indo-pakistanaise. L’attentat à la bombe s’est produit dimanche 2 novembre dans la soirée, juste après la cérémonie du baisser de drapeau… 

… qui attire tous les jours des milliers de personnes des deux côtés de la frontière. 

A Wagah, à mi-chemin entre Amritsar (Pendjab indien) et Lahore (Pendjab pakistanais), unique poste frontière franchissable par la route entre l’Inde et le Pakistan, la cérémonie du baisser de drapeau est un événement qui, chaque jour, entretient à coups de parades militaires et de gesticulations guerrières, la rivalité entre les deux pays. Le cérémonial compliqué et le rituel d’affrontement symbolique des protagonistes de chaque côté de la frontière attirent quotidiennement des foules d’Indiens et de Pakistanais qui viennent en famille ou par classes entières se livrer à de grandes démonstrations nationalistes.

C’est dans ce village, côté pakistanais (1), que le kamikaze, âgé d’une vingtaine d’années, a fait sauter les 5 kg d’explosifs qu’il portait sur lui, peu après 18h00, à l’issue de la « parade ». L’attentat suicide a donc tué principalement des civils (seuls trois membres du personnel de sécurité sont pour le moment recensés parmi les victimes), dont au moins une dizaine d’enfants. Plusieurs corps n’ont pas encore été identifiés.

Les gouvernements de l’Inde et du Pakistan ont immédiatement condamné l’attentat par la voix de leurs Premiers ministres respectifs, Nawaz Sharif et Narendra Modi, et ont mis la région est en état d’alerte générale. Une indemnisation de 500 000 roupies (5 000 dollars) pour les familles des victimes a été annoncée par le Premier ministre pakistanais, dont Lahore est le fief politique. L’ambassadeur des Etats-Unis au Pakistan, Richard Olson, a également condamné l’attaque et offert son assistance aux services chargés de l’enquête sur l’attentat.

Pour la première fois depuis la fin de la guerre en 1971, les cérémonies de baisser du drapeau seront interrompues durant trois jours en signe de deuil, du côté pakistanais comme du côté indien.

Lors de l’explosion, la foule commençait à se retirer après la parade. « Le kamikaze ne pouvait pas aller plus loin en raison du dispositif de sécurité très strict instauré sur la frontière même. Il s’est donc fait exploser à environ 500 mètres du poste-frontière, près de l’une des principales portes de sortie », a expliqué Tahir Javed, chef des gardes-frontières du Pendjab.

Trois groupes talibans ont revendiqué la responsabilité de l’attentat. Tout d’abord le Jundullah, une branche du Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP), organisation chapeautant divers groupes de talibans pakistanais que l’on soupçonne d’être liés à al-Qaeda, puis le Jamaat ul-Ahrar , une faction dissidente du TTP, et enfin le Mahar Mehsud, un groupe islamiste moins connu, actif dans le Waziristan-Sud.

Le Jundullah, responsable de l’attentat contre l’église de Peshawar en septembre dernier, qui avait fait 80 victimes, – soit l’attaque la plus meurtrière commise à l’encontre des chrétiens au Pakistan -, a fait savoir par une déclaration téléphonique que l’attentat de Wagah était « la réponse à l’opération militaire du Pakistan au Waziristan », région occupée par les talibans à la frontière de l’Afghanistan, et « à la mort d’Hakimullah Mehsud », l’un de leurs leaders, dans une attaque de drone américain l’année dernière.

Selon les premiers éléments de l’enquête, il semblerait cependant que le Jamaat-ul-Ahrar soit en réalité le véritable commanditaire de l’attentat. Outre le fait que le porte-parole du mouvement terroriste, Ehsanullah Ehsan, a révélé le nom du kamikaze (Hafiz Hanifullah), le groupe taliban a annoncé depuis l’Afghanistan que « la vidéo de l’attaque serait bientôt postée sur Internet ».

« Nous continuerons à mener de telles attaques », a encore menacé Ehsanullah Ehsan, dans une déclaration publiée ce 3 novembre par l’Express Tribune . « Cet attentat a été commis en représailles de la mort de toutes ces personnes innocentes qui ont été tuées par l’armée du Pakistan, particulièrement dans le nord du Waziristan. »

Après avoir engagé des pourparlers de paix controversés, l’armée pakistanaise mène en effet aujourd’hui des raids importants dans les fiefs talibans du Nord-Ouest, alors que les groupes terroristes continuent d’exiger la libération d’une centaine de prisonniers, le retrait de l’armée pakistanais des zones tribales, et l’introduction de la charia (loi islamique) sur les territoires qu’ils occupent, sous la menace de mener d’autres attentats terroristes dans le pays.

Le ministre de l’Intérieur du Pendjab, Mujtaba Shujaur Rehman, a stigmatisé le « grave manquement à la sécurité » qui avait permis cet attentat-suicide dans le poste-frontière le plus surveillé du Pakistan. Il a appelé les enquêteurs à se pencher sur « la façon dont un kamikaze avait pu réussir à infiltrer les systèmes de sécurité jusqu’à atteindre l’entrée principale de la Parade Avenue ».

Des alertes à l’attentat auraient cependant été transmises par les services secrets, indiens comme pakistanais, aux responsables des forces de sécurité. Mais, rapporte un fonctionnaire du ministre de l’Intérieur, les autorités avaient pensé que la menace concernait essentiellement les processions de la fête de l’Achoura, qui commencent aujourd’hui, et avaient concentré leur attention sur la surveillance des grandes villes où la minorité musulmane chiite, qui la célèbre, est importante. Les célébrations musulmanes de l’Achoura sont régulièrement endeuillées par des attentats des groupes sunnites extrémistes, en particulier des talibans.

Une attaque lors des processions n’est cependant toujours pas écartée et des milliers de policiers ont été déployés dans la capitale du Pakistan, Islamabad, et dans plusieurs villes sensibles.« « L’armée et la police assureront la sécurité des processions de l’Achoura à Lahore et sont particulièrement en état d’alerte, suite à l’attaque de dimanche », a confirmé le chef de la police du Pendjab, Mushtaq Sukhera

A l’heure où nous publions cette dépêche, le dernier bilan de l’attentat, qui est de 62 morts et 200 blessés, dont la plupart dans un état grave, est amené à s’alourdir davantage, selon les forces de l’ordre.

(eda/msb)