Eglises d'Asie

Maharashtra : l’Eglise rappelle au BJP ses devoirs envers les pauvres et les minorités

Publié le 04/11/2014




Le cardinal Oswald Garcias, archevêque catholique de Bombay (Mumbai), a salué le nouveau gouvernement formé par le parti hindouiste Bharatiya Janata Party (BJP – Parti du peuple indien), vainqueur aux élections au sein de l’Etat le 15 octobre dernier… 

… et lui a rappelé son engagement à protéger les pauvres et les minorités.

« Les membres des minorités, les pauvres, les marginalisés et les personnes âgées doivent être la priorité pour bâtir une société digne de ce nom », a t-il lancé à l’adresse du nouveau gouvernement du Maharashtra qui vient de remplacer celui mené par le Parti du Congrès, au pouvoir depuis quinze ans.

Dans cet Etat, considéré comme le plus riche de l’Inde, le BJP a gagné les élections le 15 octobre dernier avec une majorité absolue, remportant 122 sièges à l’Assemblée. Le Shiv Sena, qui appartient à la mouvance hindouiste la plus extrême, a obtenu de son côté 45 sièges, soit à peine plus que le Congrès qui a signé l’un de ses plus mauvais scores avec seulement 42 députés pour le représenter.

Le 31 octobre dernier, Devendra Fadnavis, nouveau ministre-président de l’Etat, a prêté serment et invité le cardinal Gracias à la cérémonie.

« A cette cérémonie d’investiture, a rapporté l’archevêque de Bombay à l’agence AsiaNews, le 3 novembre, le fait d’être assis parmi les représentants des différentes religions était un moment d’immense gratitude envers Dieu, pour notre magnifique pays, qui est aussi une démocratie laïque. »

« L’Inde est le berceau de nombreuses spiritualités, et la terre d’accueil et de développement de croyances diverses, a-t-il poursuivi. Et la mosaïque de ces religions, croyances, traditions et langues étroitement mêlées en Inde, est une source inépuisable d’inspiration. »

Dans sa déclaration à l’intention du nouveau gouvernement, l’archevêque de Bombay a déclaré espérer que « les dirigeants donneraient un nouvel élan au dialogue interreligieux et à la promotion d’une culture du respect de l’autre, qui créeront le climat d’harmonie et de coexistence pacifique nécessaires à la construction d’une société plurireligieuse, rassemblant tous les peuples autour de ce qui conduit à l’unité, l’amour, la vérité, la justice et la paix ».

Un autre sujet de préoccupation majeure de l’Eglise a aussi été signalé à l’attention des dirigeants de l’Etat : « Il faut travailler à trouver une solution rapide au terrible drame des suicides d’agriculteurs. L’Eglise se sent particulièrement concernée par le nombre croissant de paysans qui décident aujourd’hui de mettre fin à leurs jours. »

Depuis plusieurs années en effet, l’Etat du Maharashtra fait régulièrement la Une des journaux indiens pour ses vagues de suicides de paysans, récurrentes après chaque épisode climatique difficile. La plupart d’entre eux choisissent de s’empoisonner avec leurs pesticides qu’ils emploient dans leurs champs. Ce phénomène de société, qui a atteint un nouveau pic à la veille des élections générales indiennes au printemps dernier, a joué un rôle important dans la défaite du Congrès au Maharashtra en octobre, accusé de « ne rien faire pour des malheureux qui ne sont que davantage opprimés sous le poids des dettes ».

Les catholiques, rapporte le Mumbai Mirror du 14 octobre, ont, semble-t-il lors de ce dernier scrutin, été nombreux à voter en faveur du BJP, « écœurés par la corruption du Congrès ».

C’est en particulier dans la mégapole de Bombay que le glissement électoral de la communauté chrétienne a été le plus frappant. Dans la circonscription de Bandra West par exemple, qui était l’un des bastions du Congrès depuis des années, plusieurs groupes catholiques se sont rangés sous la bannière du leader du BJP, Ashish Shelar. D’autres sont restés fidèles au représentant du Congrès, Kripashankar Singh, provoquant ainsi des tensions au sein de la communauté des catholiques, qui constitue 11 % des électeurs de la circonscription.

Alors que l’importante communauté catholique de la ville a toujours soutenu traditionnellement le Congrès, « il y a beaucoup de colère parmi les électeurs contre ceux qui étaient au pouvoir ces derniers mois », explique Anil Joseph, ancien vice-président de l’Association catholique de Bombay.

En votant en faveur de celui qui offrait de « meilleures garanties de bonne gouvernance », et non pas en fonction de sa couleur politique, les chrétiens n’ont fait que suivre les consignes de l’Eglise catholique, qui étaient de « voter pour des candidats luttant contre la corruption et respectant le mieux la laïcité de la Constitution », affirme encore Jennifer Rodrigues, professeur d’histoire au Collège national de Bandra à Bombay, dans les colonnes du Times of India, le 21 octobre dernier.

L’une des particularités de vote qui a porté au pouvoir le BJP et Narendra Modi cette année, semble en effet avoir été le soutien de plusieurs groupes issus des minorités, qui ont voté contre le Congrès, profondément déçus par sa politique et la corruption de ses membres.

Malgré l’inquiétude des nombreux responsables chrétiens concernant la volonté du BJP – peu affichée cependant pendant la campagne électorale – d’instaurer dans le pays un hindouisme nationaliste, certains évêques ou leaders catholiques ont ainsi préféré se rallier à des candidats promettant la transparence et la protection des minorités plutôt que de réélire les hommes particulièrement honnis du Congrès.

Pour conclure, le cardinal Gracias a renouvelé auprès du nouveau gouvernement du Maharashtra, « l’engagement de l’Eglise catholique à servir le pays par son investissement dans le domaine de l’éducation et de la santé, afin de contribuer de façon efficace au bien-être social et à la construction de la nation ».

(eda/msb)