Eglises d'Asie

Les Tibétains demandent une enquête internationale et appellent l’ONU à intervenir

Publié le 07/03/2013




A quelques jours de l’anniversaire redouté du soulèvement de Lhassa, toujours source de troubles importants dans la région, plusieurs dirigeants tibétains se sont déplacés en Europe pour sensibiliser les Etats à la situation du Tibet et demander au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, en session à Genève, de faire avancer les négociations –  aujourd’hui au point mort avec Pékin –, alors que la répression grandit dans les zones de peuplement tibétain et que les immolations par le feu ne cessent d’augmenter.

Face au silence de Pékin, à l’intensification de la répression depuis 2008 (1) et à la multiplication des immolations qui viennent de dépasser les 115 victimes (au rythme, ces dernières semaines, d’un suicide tous les deux jours), le gouvernement tibétain en exil à Dharamsala a lancé un appel pressant à la communauté internationale et à l’ONU, leur demandant d’intervenir concrètement en faisant pression sur Pékin et d’envoyer une commission d’enquête indépendante sur les violations des droits de l’homme au Tibet.

Une délégation tibétaine, conduite par Kyabje Kirti Rinpoche, chef spirituel en exil du monastère de Kirti, s’est rendue à Genève où se tient actuellement la 22ème session du Conseil des droits de l’homme (qui a débuté le 25 février et s’achèvera le 22 mars) afin d’exposer la gravité de la situation au Tibet et de dénoncer « le génocide ethnique, culturel et religieux » qui y est en cours.

Le responsable du monastère de Kirti a rencontré les principaux rapporteurs de l’ONU sur la question tibétaine, en particulier Heiner Bielefeldt, rapporteur spécial pour la liberté de religion, avec lequel, lundi 4 mars, il a longuement échangé sur les immolations, un sujet qu’il connaît bien, le monastère de Kirti se trouvant au coeur de la résistance à l’oppression chinoise et de la vague des suicides par le feu. Il a également attiré l’attention du rapporteur des Nations Unies sur le danger qu’encourraient les familles et les proches des immolés, menacés, arrêtés et parfois condamnés à mort.

Kirti Rinpoche, qui effectue parallèlement une tournée en Europe afin de sensibiliser l’opinion publique, a présidé également à un grand rassemblement à Genève, organisé par plusieurs ONG, en marge de la session du Conseil des droits de l’homme. Assistaient à l’événement plusieurs centaines de Tibétains de la diaspora suisse venus manifester et prier durant deux veillées devant le siège des Nations Unies, mardi et mercredi derniers. Lors de ces manifestations, ils brandissaient en silence des pancartes portant les noms des quelque 115 personnes suicidées par le feu dont l’identité est connue (selon Dharamsala, un grand nombre d’immolations sont passées sous silence par les autorités).

Après avoir effectué les rituels à la mémoire des Tibétains immolés, le supérieur du monastère de Kirti s’est adressé à la foule, réaffirmant que leur combat devait rester non-violent, mais qu’ils avaient le devoir « de trouver rapidement le moyen de répondre à l’appel à l’aide de leurs frères du Tibet ». Kirti Rinpoche a conclu en lisant une lettre ouverte à Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations Unies, dans laquelle le gouvernement tibétain en exil le priait de mettre la Chine devant ses responsabilités au sujet « des atrocités flagrantes perpétrées à l’encontre des Tibétains » ainsi que de répondre des engagements pris vis-à-vis des Nations Unies, spécialement en ce qui concernait la liberté de religion et les droits de l’homme.

En novembre dernier en effet, la Haut Commissaire aux droits de l’homme, Navi Pillay, avait adressé un nouvel avertissement aux autorités chinoises, les pressant de « respecter les droits d’expression et de manifestation pacifique au Tibet » et demandant « que soient relâchés tous les prisonniers emprisonnés pour la simple raison qu’ils avaient exercé leurs droits universels et inaliénables ».

L’heure n’est plus aux atermoiements, explique sur son site officiel Phayul Lobsang Sangay, chef du gouvernement tibétain en exil, et les immolations continueront si les nations se contentent de manifester un soutien formel au Tibet sans agir concrètement. C’est pourquoi les Tibétains en exil s’adressent aujourd’hui à l’ONU mais aussi à toutes les instances internationales afin de « sauver leur peuple avant qu’il ne disparaisse ».

Lors de son voyage en Europe, la délégation tibétaine a ainsi pour mission de demander aux Etats de faire pression sur la Chine pour qu’elle accepte l’envoi d’une commission d’enquête indépendante, l’accès des médias au Tibet, et la mise en place de négociations entre l’administration tibétaine en exil et Pékin. Les ONG qui soutiennent à Genève la cause tibétaine espèrent plus encore, comme la libération de tous les prisonniers politiques (dont le 11ème panchem lama (2)) ou encore l’aide de l’ONU pour assurer le retour au Tibet du dalaï lama.

Forte du soutien du Parlement européen, qui a déjà adopté plusieurs résolutions sur le Tibet, et de celui du Haut Représentant de l’Union européenne, Catherine Ashton, qui, à de nombreuses reprises, a exprimé sa préoccupation concernant les violations des droits de l’homme au Tibet, la délégation de Dharamsala veut demander à l’Union de nommer un coordonnateur spécial sur le Tibet dont la tâche principale serait de faciliter le dialogue entre l’administration tibétaine en exil et le gouvernement chinois.

Lors de la seconde Assemblée spéciale du peuple tibétain en septembre dernier, il avait été décidé, « à l’unanimité », rapporte encore le site Phayul, que le Tibetan National Uprising Day [le soulèvement du 10 mars 1959 (3)] serait à partir de cette année également célébré comme la journée des « martyrs tibétains », en hommage à tous ceux qui ont « sacrifié leur vie pour le Tibet ». La décision a été entérinée par le Parlement tibétain la semaine dernière et annoncée lors d’une conférence de presse le 5 mars à Dharamasala.

Le 10 mars prochain, qui inaugurera donc pour la première fois la commémoration commune du soulèvement de Lhassa contre Pékin et des « martyrs du Tibet », plusieurs manifestations sont prévues en soutien au peuple tibétain dans la plupart des grandes villes d’Europe mais aussi en Amérique du Nord, Australie, Asie et Amérique du Sud.