Eglises d'Asie

Un an après le passage du typhon Yolanda, l’Eglise célèbre la « résilience des victimes »

Publié le 13/11/2014




Alors que les Philippines commémorent le triste anniversaire du passage du typhon Yolanda, qui a ravagé toute une partie des Visayas, au centre-est de l’archipel, le 8 novembre 2013, l’Eglise accuse Manille d’utiliser la visite du pape comme excuse pour dissimuler le retard pris dans la réhabilitation et la réinstallation des victimes. 

« Il n’y a aucune raison de parler du pape quand il s’agit de justifier le retard pris dans la réinstallation des milliers de déplacés par le typhon Yolanda ! », s’est indigné le P. Amadeo Alvero, porte-parole de l’archidiocèse de Palo, l’un des plus durement touchés par la catastrophe. Un an après le typhon, a-t-il ajouté, la dernière manœuvre du gouvernement philippin « est aujourd’hui de faire croire que beaucoup de familles vont perdre leur abri à cause du pape François ».

Manille vient en effet de faire expulser 250 familles de leurs baraquements provisoires dans le centre d’accueil de Candahug, sur l’île de Leyte, sous le prétexte de préparer l’arrivée du souverain pontife (1). « Ne mêlez plus le pape à vos excuses, a conclu le P. Alvero, et n’oubliez pas que ce sont justement les victimes de Yolanda que le pape François vient voir en priorité. »

Il y a un an, le 8 novembre 2013, le typhon Yolanda (ou Haiyan) frappait les îles Visayas aux Philippines, causant plus de 8 000 morts, affectant près de 12 millions de personnes et occasionnant des dégâts estimés à plus de 10 milliards de dollars.

Dès les premières semaines, les sinistrés dénonçaient une « imprévoyance criminelle » et une absence totale de réactivité du gouvernement vis-à-vis de la catastrophe. Aujourd’hui, les rescapés du cataclysme attendent toujours les aides financières promises par Manille et quelque 20 000 personnes sont encore entassées dans des abris temporaires ou des dortoirs pour réfugiés dans les provinces de Samar et de Leyte. Quant aux 364 logements construits par l’Etat à Leyte, l’une des régions les plus ravagées par le typhon, ils font l’objet d’une forte polémique en raison de leur coût, de leur utilité, et surtout des malfaçons notoires de l’ouvrage.

Au cours des dernières semaines, la Conférence des évêques catholiques des Philippines (CBCP) a quant à elle installé 1 600 logements en dur pour les déplacés, répartis dans les neuf diocèses frappés par la catastrophe. Plus de 3 700 autres sont attendus d’ici la fin de l’année (ou début mars tout au plus).

Dès le passage de Yolanda, les organisations d’Eglise, essentiellement par le biais des Caritas locales et internationales, avaient mis en place rapidement et efficacement les secours, puis l’acheminement des vivres et des soins d’urgence pour les rescapés. Alors que les autorités, qui semblaient « dépassées par la catastrophe », tentaient d’évaluer seulement les besoins des grandes villes les mieux desservies, les volontaires des diocèses acheminaient déjà les premiers colis de secours dans les îlots éloignés et ravagés par le typhon, où aucun représentant du gouvernement n’envisageait de se rendre avant plusieurs semaines.

L’Eglise catholique des Philippines a cette année dépensé plus de 9 millions de dollars dans des opérations de secours, de réhabilitation et d’aide aux deux millions de sinistrés directement affectées par le typhon Yolanda, affirme sur son site internet la Commission épiscopale pour l’Action sociale, la Justice et la Paix (NASSA-CBCP).

Dès les premiers mois, la Caritas philippine a mis en place un système « cash for work » (une allocation journalière en échange d’un travail) afin de répondre aux besoins les plus urgents des rescapés. Parallèlement, le programme « Adopter une paroisse » (www.adoptaparish.org), lancé dans tout le pays, a réuni plusieurs milliers d’euros récoltés auprès des fidèles de tous les diocèses des Philippines, pour reconstruire rapidement les maisons, les bateaux, les écoles et les églises.

« Aujourd’hui, nous avons accompli plus de la moitié du projet », a déclaré le P. Edu Gariguez, secrétaire exécutif de la NASSA sur les ondes de Radio Veritas, le 7 novembre dernier. « Les bâtiments construits sont des logements permanents et non pas des abris provisoires », a t-il ajouté, précisant que les neuf diocèses les plus touchés par Yolanda bénéficieraient du projet de réhabilitation appelé REACH Philippines, destiné à plus de 141 100 bénéficiaires, qui jusqu’à présent « n’avaient reçu que très peu d’aide ».

Financé par les Caritas du monde entier, « ce programme veut répondre aux différents besoins de chaque survivant, qu’il s’agisse du logement, de l’alimentation comme de l’aide pour retrouver un travail», a t-il encore expliqué. Sont également pris en compte « l’hygiène et la sanitation (Water, Sanitation and Hygiene, WASH), mais aussi la réduction des catastrophes climatiques, (Disaster Risk Reduction, DRR), l’organisation communautaire, la formation (y compris spirituelle) et le rétablissement des écosystèmes » .

« Pour ce projet, nous nous appuyons sur la résilience de ces gens qui ont résisté à cette catastrophe ; ils se reconstruisent eux-mêmes en reconstruisant leurs maisons et leur environnement », a conclu le secrétaire de la NASSA.

Le 15 novembre, se tiendra en clôture des commémorations du passage du typhon, organisées par la Conférence épiscopale des Philippines, l’évènement « Rising Above Yolanda », axé sur « la résilience des Philippins qui ont tenu bon face au typhon et qui reconstruirons une vie encore plus forte ».

Une grande course pour récolter des fonds pour les victimes lancera la journée qui s’achèvera par une messe solennelle. « Il faudra des années aux communautés touchées pour se remettre. Mais après une année de chaos total, l’esprit philippin est aujourd’hui plus fort que ne l’a été la catastrophe Yolanda », assure Mgr Rolandao Tria Tirona, archevêque de Caceres et directeur de la NASSA-CBCP.

« Il y a un an, nous appelions à la compassion et l’intercession ; durant ces prochains jours, nous sommes appelés à l’action de grâce et à célébrer la résilience », a ajouté le prélat dans une interview le 7 novembre dernier.

Samedi 8 novembre, déclaré Jour national de prière pour les victimes et les survivants du typhon par la CBCP, les cloches de toutes les églises philippines ont sonné à 6h00 précises, heure où Yolanda s’est abattue violemment sur les Visayas.

Dans chaque paroisse, les fidèles catholiques ont été invités à réciter cette prière envoyé par la Conférence des évêques philippins :

« Père très aimant, il y a un an, la fureur du typhon Yolanda nous faisait connaître l’expérience de l’obscurité et de la douleur de perdre tout ce qui nous était cher; Il nous a fait comprendre le sens du désespoir.
Mais au milieu de tout cela, Vous ne nous avez pas abandonnés.
De la manière la plus spéciale, Vous nous avez donné le courage et la force de nous relever.
De la manière la plus aimante, Vous nous avez raffermis avec miséricorde et compassion.
Et Vous avez accompli des miracles à travers ceux qui nous sont venus en aide.
Et alors que nous nous souvenons aujourd’hui, nous vous remercions pour le don de la foi, de l’espérance et de l’amour.
Nous vous remercions de nous faire toujours plus proches de vous. Nous vous remercions de nous avoir permis de vivre un autre jour.
Protégez notre nation de la colère de la nature, de même que nous cherchons les moyens de prendre soin de votre création ».

(eda/msb)