Eglises d'Asie

Les avocats des détenus chrétiens ont été battus pour pour avoir voulu rencontrer leurs clients

Publié le 19/12/2013




Le 12 décembre dernier, les avocats d’un groupe de chrétiens protestants détenus à Nanle, dans le Henan, ont été frappés par des hommes de main à la solde du gouvernement après avoir protesté qu’ils ne pouvaient avoir accès à leurs clients. La nouvelle, rapportée par Radio Free Asia dès le 13 décembre, a été depuis confirmée par différentes sources.

Les faits se sont produits devant le centre de détention du district de Nanle où la douzaine d’avocats chargés de défendre plusieurs protestants emprisonnés avec leur pasteur, le Rév. Zhang Shaojie, depuis le 16 novembre dernier, avaient réclamé de voir leurs clients qu’ils n’avaient toujours pas pu rencontrer.

« Environ une centaine de personnes sont sorties de plusieurs cars, nous ont entourés et ont bloqué les portes de la prison », a témoigné Me Chen Jiangang, l’un des avocats de la défense, sur les ondes de Radio Free Asia le 16 décembre.

« Bon nombre d’entre nous avons été passés à tabac », confirmait pour sa part le jeudi 12 décembre l’avocat spécialiste des droits de l’homme Liu Weiguo, qui a déjà été victime lui-même de ces violences policières (1). Les assaillants ont également essayé d’arracher leur portable aux avocats, rapporte-t-il encore, assurant que ces derniers n’ont cependant pas l’intention d’abandonner leurs efforts pour rencontrer les détenus.

L’affaire des chrétiens protestants de Nanle remonte au samedi 16 novembre dernier. Ce jour-là, rapporte Yunyun, la fille du pasteur emprisonné, dans un reportage de la chaine britannique SkyNews TV en date du 16 décembre, une douzaine de « policiers en civil » ont pénétré dans l’église et ont arrêté sans aucune explication son père et vingt-trois autres paroissiens qui étaient présents. « Depuis ce jour, personne ne les a revus et nous ne savons pas où ils ont été emmenés », raconte la jeune femme qui est aujourd’hui obligée de se cacher et de changer de lieu tous les jours avec son nouveau-né. Elle rapporte avoir reçu de nombreuses menaces de mort par téléphone et que les membres de la communauté protestante encore en liberté n’osent plus se rendre au temple, de peur d’être arrêtés à leur tour.

Les avocats refoulés devant le centre de détention de Nanle avouent en effet n’être pas certains que leurs clients y soient incarcérés « Devant le refus des autorités de nous répondre, nous tendons à penser qu’ils sont détenus quelque part ailleurs », ont-ils déclaré à China Aid, qui, depuis les Etats-Unis, milite pour la défense pour les droits de l’homme en Chine. C’est l’organisation elle-même qui a d’ailleurs délégué le groupe d’avocats, spécialisés dans la défense des droits de l’homme, pour assurer la défense des vingt-quatre chrétiens.

Interrogé par l’équipe de SkyNews, l’avocat principal, Me Xia Jun, qui représente le Rév. Zhang Shaojie, a dénoncé le fait que « les droits fondamentaux étaient déniés par les autorités, y compris celui de pouvoir être défendu ».

« A quatre reprises, je suis allé au bureau de la Sécurité publique expliquer que je n’avais pas été autorisé à rencontrer mon client, mais toutes mes plaintes ont été rejetées. » Tout comme les autres avocats du groupe, il rapporte également faire l’objet d’une surveillance permanente, dont « la filature par différentes personnes qui nous photographient et nous filment ouvertement depuis des voitures sans plaques d’immatriculation ».

Si, en Chine continentale, la répression à l’encontre des Eglises non officielles ou « Eglises domestiques » est en augmentation constante, le fait qu’elle touche désormais des communautés « officiellement » reconnues, témoigne du franchissement d’une étape importante dans la politique antichrétienne du gouvernement.

L’Eglise protestante du Rév. Zhang Shaojie est en effet dûment affiliée au « Mouvement des Trois autonomies », l’instance officielle d’enregistrement des Eglises protestantes ‘autorisées’ par le gouvernement. Or, rappelle China Aid, Pékin a justement lancé ces derniers mois une grande campagne visant à inciter les Eglises non homologuées récalcitrantes à intégrer les structures officielles, afin notamment d’échapper au harcèlement et à la répression qui touchent les Eglises domestiques.

Le fait que les Eglises affiliées au « Mouvement des trois autonomies » soient aujourd’hui également l’objet des mêmes menaces de harcèlement, d’arrestations arbitraires, d’emprisonnement et de confiscation de biens que les Eglises ‘non reconnues’ par l’Etat inquiète les experts des questions religieuses en Chine.

« Le Rév. Zhang a été arrêté sans aucun document légal, ni mandat, ni présentation de chefs d’accusations », rapporte encore China Aid qui ajoute que le compte bancaire de l’Eglise a été suspendu. Des actes illégaux confirmés par tous les fidèles de l’Eglise protestante que SkyNews a rencontrés. Les paroissiens présents lors des événements du 16 novembre décrivent tous des arrestations de masse par des « personnes en civil, mais portant des armes », interpellations qui ressemblaient davantage à des enlèvements.

Les journalistes de la chaîne de télévision britannique concluent leur reportage par les faits violents qui viennent soudain interrompre leur entretien avec les paroissiens et les avocats des 24 détenus. Un groupe de « sbires du gouvernement » comme l’expliquera plus tard l’un des avocats réfugié avec les journalistes dans une pièce barricadée, entoure le groupe et se met alors à frapper les membres du « rassemblement illicite », attestant ainsi de la réalité des faits qui venaient d’être rapportés par les témoins, les avocats, les chrétiens et désormais les reporters eux-mêmes.

 (eda/msb)