Eglises d'Asie

L’Eglise demande au gouvernement d’enquêter sur les disparitions des prêtres et laïcs catholiques durant la guerre civile

Publié le 24/08/2011




Les responsables chrétiens et les proches des nombreux prêtres et membres de l’Eglise portés disparus lors la dernière phase de la guerre civile entre les forces sri-lankaises et les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), ont demandé à Colombo de « faire enfin justice », en enquêtant sur ces cas toujours non résolus…

… Malgré l’achèvement en mai 2009 de la guerre civile qui a déchiré le Sri Lanka pendant plus de trente ans (1), des milliers de disparitions restent toujours inexpliquées. L’Eglise catholique, qui a versé un lourd tribut au conflit avec de nombreux prêtres et laïcs tués alors qu’ils oeuvraient au service de leurs communautés, réitère régulièrement sa demande d’explication concernant la disparition, dans des circonstances non élucidées, de six prêtres et d’un nombre indéterminé de laïcs chrétiens.

Un nouvel appel au gouvernement a été lancé dimanche dernier 20 août, lors de la messe célébrée en l’église Saints-Pierre-et- Paul à Mandaitivu, dans le diocèse de Jaffna, en commémoration de la disparition il y a 5 ans, du P. Thiruchchelvan Nihal Jim Brown, 34 ans, et de son assistant, Wenceslaus Vincent Vimalathas, 38 ans, père de cinq enfants.

Les deux hommes ont été vus pour la dernière fois le 20 août 2006 au checkpoint d’Allaipiddy, un village de l’extrême pointe de la presqu’île de Jaffna, alors placé sous contrôle militaire. Ils avaient l’intention de se rendre à motocyclette sur l’île de Mandaitivu à quelques kilomètres, pour y célébrer la messe. Selon l’armée sri-lankaise, le prêtre et son assistant n’auraient pas été autorisés à se rendre à Mandaitivu en raison du couvre-feu, une version des faits infirmée par un rapport d’Amnesty International, situant la disparition des deux hommes après leur passage, attesté par des témoins, dans la zone militaire.

Ruki Fernando, responsable du Law and Society Trust, une association locale en faveur des droits de l’homme, se souvient du P. Jim comme d’un « jeune prêtre entièrement dévoué à ses paroissiens » et tentant de d’oeuvrer « à la paix et à la réconciliation » au plus fort de la guerre civile. Il venait d’être nommé curé de l’église Saint-Philippe-Néri à Allaipiddy, dix jours seulement avant sa disparition.

Peu après son arrivée, le prêtre avait dû faire face au bombardement de son église la nuit du 13 août 2006, alors que s’y étaient réfugiés les habitants des environs afin d’échapper aux tirs à l’arme lourde qui s’abattaient sur leurs villages. Si le P. Jim avait survécu à l’attaque, plus de vingt civils avaient péri et des centaines d’autres gravement blessées. Le prêtre avait ensuite transporté les blessés à Jaffna pour qu’ils soient soignés puis fait évacuer quelque 300 familles vers la paroisse Sainte-Marie à Kayts. Ces actes lui avaient valu d’être convoqué par les autorités militaires et accusé de prêter main-forte à la rébellion tamoule (2).

« Saurons-nous enfin ce qui lui est arrivé ainsi qu’à ces centaines d’autres disparus ? Justice leur sera-t-elle rendue un jour ?», s’interroge sans grande conviction Ruki Fernando.

Déjà à l’époque des faits, les responsables de l’Eglise catholique avaient fortement critiqué l’inaction délibérée de la police. En décembre 2007, Mgr Thomas Savundaranayagam, évêque de Jaffna, exprimait son indignation devant les médias : « Bien que le Bureau des enquêtes criminelles à Colombo compte bon nombre de policiers connaissant les langues parlées dans le nord de l’île, ses responsables ont choisi, quinze mois après la disparition du P. Jim Brown, d’envoyer à Jaffna un enquêteur qui ne parle pas un mot de tamoul ! ».

Les évêques catholiques, les représentants des Eglises chrétiennes au Sri lanka, ainsi que de nombreuses ONG, s’étaient alors tournés vers les instances internationales, multipliant les pétitions et les appels à mener les investigations nécessaires à la résolution de ces disparitions inexpliquées de catholiques tamouls.

Parallèlement à ces actions, menées encore plus activement depuis la fin de la guerre en 2009, les évêques sri-lankais dénoncent également les agressions et menaces dont les membres de l’Eglise sont régulièrement victimes, ainsi que les violations persistantes des droits de l’homme, la cinghalisation forcée des populations, l’occupation militaire aujourd’hui injustifiée des territoires du nord de l’île où règnent « un climat de terreur permanent ». (3)