Eglises d'Asie

L’évêque catholique de Mannar inquiété par les autorités pour son soutien aux populations tamoules

Publié le 25/05/2012




Au nord du Sri Lanka, l’Eglise catholique et les ONG présentes dans la partie tamoule de l’île s’inquiètent de la sécurité de l’évêque de Mannar, Mgr Rayappu Joseph, et avec lui, de l’ensemble du clergé catholique soutenant les populations tamoules dont les droits sont toujours bafoués.« Il est urgent de veiller à protéger l’évêque catholique au franc-parler, Mgr Rayappu Joseph, d’un éventuel assassinat ou d’une possible ‘disparition’ ,… 

ainsi que les prêtres des territoires du nord et de l’est qui le suivent, et tous ceux qui se désignent eux-mêmes comme appartenant à la société civile, et qui sont aujourd’hui les seules voix du peuple tamoul dans cette partie du Sri Lanka ». L’éditorial du Weekend Leader du 11 mai 2012 appelant la communauté internationale à prendre conscience que la vie de l’évêque est « plus menacée que jamais » a suivi de peu l’intervention de la police criminelle le 8 mai dernier dans les locaux de l’évêché de Mannar.

Selon différentes sources locales, deux agents du redouté Criminal Investigation Department (CID) sont venus interroger Mgr Rayappu Joseph à l’évêché, le mardi 8 mai, au sujet de son rapport présenté en février dernier devant la commission du LLRC (1), dans lequel il interpellait le gouvernement sur les disparitions de 146 680 personnes durant la dernière phase de la guerre civile, entre 2008 et 2009.

Comme la plupart des évêques des territoires à dominante tamoule, Mgr Rayappu Joseph n’en est pas à sa première demande d’élucidation de ces milliers de disparitions, parmi lesquelles se trouvent des prêtres et de très nombreux laïcs chrétiens. C’est donc avec étonnement, selon les témoins qui ont assisté à l’interrogatoire, qu’il a répondu aux questions des officiers de la Brigade criminelle.

Il a déclaré notamment avoir soumis à la commission tous les documents en sa possession et s’être appuyé pour son rapport sur les chiffres et statistiques officiels, que chacun pouvait consulter ouvertement dans toutes les administrations d’Etat. Les deux officiers du CID, des musulmans parlant tamoul selon les témoins, ont également demandé à l’évêque s’il avait connu personnellement l’une ou l’autre des personnes disparues. Mgr Rayappu aurait répliqué que le fait qu’il y ait eu effectivement parmi elles un prêtre de son diocèse [le P. Jim Brown. NDRL], ne l’empêchait pas de s’inquiéter du sort de tous les disparus, quels qu’ils soient.

Cet interrogatoire ainsi que la déposition à laquelle l’évêque a été obligé de se soumettre, ont été perçus par la communauté catholique de Mannar, comme un avertissement explicite des autorités à celui dont les dénonciations récurrentes des violations des droits de l’homme au Sri Lanka, embarrassent de plus en plus Colombo.

Depuis son envoi en mars dernier d’une lettre cosignée par une trentaine de prêtres catholiques, appelant les Nations Unies à faire pression sur le gouvernement sri-lankais afin qu’il reconnaisse ses crimes de guerre, le prélat est la cible de menaces, de pressions et d’accusations diverses. Bien que l’appel à l’arrestation immédiate de l’évêque de Mannar et des 30 signataires pour « propos anti-gouvernementaux » et « complicité terroriste » lancé par le parti bouddhiste nationaliste (JHU), membre de la coalition au pouvoir, n’ait pas été suivi d’effet, le gouvernement sri-lankais ne lui a pas pardonné ce camouflet qui l’a humilié sur la scène internationale.

La campagne de calomnie orchestrée par les autorités à l’encontre du prélat catholique, et aujourd’hui ces mesures d’intimidation, inquiètent la communauté catholique mais aussi les observateurs et les ONG présents dans la partie tamoule de l’île. Depuis Hongkong, l’Asian Center for the Progress of Peoples, une organisation de défense des droits de l’homme, a lancé une pétition internationale afin de soutenir « l’action courageuse » de l’évêque.

Alors que ce 24 mai, la tension est encore montée d’un cran avec le lancement d’une grève de la faim suivie par plus de 500 personnes pour dénoncer la détention sans jugement de milliers de prisonniers tamouls depuis la fin de la guerre (2), de nouvelles sanctions viennent de viser l’entourage ecclésiastique de l’évêque de Mannar.

Selon le Srilankamirror du jeudi 24 mai, le juge du district de Mannar a envoyé dans la soirée des assignations à comparaître devant le tribunal à 9h30 demain, à cinq prêtres catholiques soupçonnés par les autorités de préparer pour le 27 mai prochain une « manifestation pouvant provoquer des troubles à l’ordre public ». Ces prêtres du diocèse de Mannar, parmi lesquels se trouve le recteur du sanctuaire de Madhu, sont accusés d’avoir le projet de bloquer les routes, de brûler des effigies des ministres ou encore d’attaquer les musulmans.

Selon une source ecclésiastique locale, les prêtres convoqués tenteront d’expliquer que la manifestation prévue est en réalité la célébration de la Pentecôte, laquelle se tiendra dans les locaux de l’église et ne donnera lieu à aucune procession ou mouvement de foule à l’extérieur, faute d’autorisation de la police.

Mais, précise encore cette même source, les cinq assignés n’ont aucun doute sur la raison véritable de ces convocations, le rassemblement du 27 mai ayant été avant tout organisé pour permettre aux fidèles du diocèse de Mannar d’exprimer leur solidarité et leur soutien à leur évêque, Mgr Rayappu Joseph.