Eglises d'Asie – Chine
Xinjiang : les Ouïghours privés de Ramadan par les autorités
Publié le 03/07/2014
Le Congrès mondial ouïghour, ONG basée en Allemagne, qui lutte pour la reconnaissance des droits de cette communauté, a confirmé ces informations relayées par ses sources locales et condamné cette politique coercitive de Pékin dans une déclaration publiée mercredi 2 juillet.
L’organisation ouïghoure, considérée par la Chine comme un mouvement « séparatiste » au même titre que le gouvernement provisoire de Dharamsala pour le Tibet, a averti les autorités locales que ces mesures de rétorsion ne feraient qu’exacerber le conflit, risquant d’entraîner de nouvelles violences.
Depuis des années, les Ouïghours, une ethnie turcophone très majoritairement musulmane dont la population dépasse les 9 millions de personnes au Xinjiang, dénoncent la répression culturelle et religieuse de Pékin, ainsi que la discrimination qui leur est infligée par les Chinois hans, venus par centaines de milliers coloniser la région « dans une optique de sinisation forcée ».
La politique répressive de Pékin envers les Ouïghours, que certains comparent à celle exercée au Tibet, s’est considérablement durcie depuis les attentats du printemps dernier qui ont fait plusieurs dizaines de morts. Ces attaques meurtrières, revendiquées des groupes extrémistes ouïghours, ont été fermement condamnées par les leaders des communautés musulmanes du Xinjiang, ce qui n’a pas empêché la répression chinoise de s’exercer sur l’ensemble de la population de la région.
Selon les directives publiées par les sites officiels du gouvernement, la pratique du Ramadan, comprenant le jeûne comme la prière à la mosquée, est interdit à tous les fonctionnaires (y compris ceux à la retraite), aux « élèves scolarisés et aux étudiants » mais aussi à tous les enseignants ouïghours.
Cette interdiction ne concerne que la région autonome du Xinjiang ; partout ailleurs en Chine continentale, les musulmans ont pu entamer dimanche dernier le jeûne du mois du Ramadan sans être inquiétés.
La région ouïghoure, qualifiée par Pékin de « réservoir à terroristes séparatistes », a bénéficié d’une campagne spéciale, assistée par la presse d’Etat qui a multiplié ces derniers temps les articles sur les effets néfastes pour la santé du jeûne et les appels à « dénoncer les pratiques archaïques ».
Sur les sites Internet des entreprises d’Etat, fleurissent également des slogans et publicités destinées à encourager les musulmans à abandonner la pratique du Ramadan. Ainsi, l’on peut voir sur l’un de ces sites, une photo montrant des « cadres musulmans [des Ouighours en tenue traditionnelle] en train de déjeuner en plein Ramadan », la mine réjouie et « affichant une attitude positive », selon le commentaire qui l’accompagne.
Ces incitations à abandonner la pratique du Ramadan ne sont cependant pas nouvelles. Chaque année, le régime chinois donne pour consigne aux responsables communistes locaux de limiter le plus possible les activités religieuses au Xinjiang, particulièrement pendant le mois du Ramadan. Mais, explique le Washington Post, jusqu’à aujourd’hui, Pékin avait toujours nié avoir recours à des mesures coercitives. En 2012, Hou Hanmin, porte-parole du gouvernement du Xinjiang, avait ainsi affirmé au Global Times, média d’Etat, que « si les autorités encourageaient les habitants à se nourrir suffisamment pour pouvoir assurer leur travail ou leurs études, jamais elles ne forçaient [les musulmans] à manger durant le Ramadan ».
Depuis les attentats sanglants de Kunming en mars dernier, suivis de ceux d’Urumqi en avril puis de la gare de Canton en mai, le gouvernement de Xi Jinping ne cache plus sa volonté d’« écraser les rebelles ouïghours comme des rats ».
Dès avril dernier, les autorités du district de Shaya – considéré comme particulièrement suspect aux yeux de Pékin – avaient officiellement incité la population à dénoncer les personnes se laissant pousser la barbe, contre une récompense pouvant aller jusqu’à 50 000 yuans (5 800 euros).
En ce début de Ramadan, les forces de l’ordre ont été chargées de patrouiller dans les villes du Xinjiang, afin de s’assurer que les interdictions ont été respectées. Des contrôles sont effectués par la police dans les maisons aux heures des repas pour vérifier que l’on n’y pratique pas le jeûne et certains chefs de villages musulmans se voient offrir de la nourriture par les fonctionnaires locaux.
Dans une dépêche du 2 juillet, la BBC rapporte que des entreprises et des hôpitaux d’Etat ont imposé à leurs employés musulmans un accord écrit stipulant qu’ils ne pratiqueraient pas ni jeûne ni la prière du Ramadan.
Avec ces dernières mesures édictées par Pékin pour le Ramadan, l’évolution de la situation dans la région autonome ouïghoure est scrutée avec attention par la communauté internationale. La semaine dernière, un rapport du département d’Etat américain a fait part de « sa profonde inquiétude » concernant le sort « des bouddhistes tibétains, des musulmans ouïghours et des chrétiens » en Chine continentale.
(eda/msb)