Eglises d'Asie

Les victimes civiles se comptent par centaines, malgré les appels au cessez-le-feu de la communauté internationale et de l’Eglise catholique

Publié le 25/03/2010




Lundi 2 février, selon l’agence Associated Press (AP), des tirs de l’armée sri-lankaise ont touché, dans le nord-est du Sri Lanka, l’hôpital surpeuplé de Puthukkudiyiruppu, l’un des derniers à fonctionner encore dans la portion de territoire toujours aux mains des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE). Le Dr Varatharajah, chef des services médicaux de l’établissement, …

… a déclaré que le décompte des morts était en cours. Le Comité international de la Croix-Rouge ainsi que Gordon Weiss, porte-parole de l’ONU, font mention d’un dernier tir d’artillerie qui aurait touché principalement le service pédiatrique. Paul Castella, chef de la délégation du CICR, a fait part de son indignation : « Les blessés et les malades, le personnel médical (…) sont protégés par le droit international humanitaire (…). L’hôpital a été touché, et ce, pour la deuxième fois ces dernières semaines » (1).

L’armée sri-lankaise, qui nie viser les lieux où se trouvent des civils, a réaffirmé cependant se détermination à vaincre définitivement la guérilla tamoule, active depuis plus de 25 ans (2). Depuis l’offensive massive menée par Colombo contre les rebelles à l’automne dernier, des populations civiles sont prises au piège dans la zone des combats, utilisées comme bouclier humain par les Tigres tamouls et subissant les bombardements de l’armée. Selon des sources humanitaires – les journalistes étant toujours interdits d’accès –, plus de 300 civils ont été tués et plus de 1 500 ont été blessés, au cours de la semaine dernière. Le 29 janvier dernier, la Commission ‘Justice et Paix’ du diocèse catholique de Jaffna a fait état, quant à elle, de plus de 400 civils morts dans les combats.

Ces derniers jours, la communauté internationale et les ONG ont multiplié les condamnations du « drame humanitaire » qui en train de se dérouler dans le nord-est de l’île et les appels au cessez-le-feu. Vendredi 30 janvier, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a appelé le gouvernement sri-lankais et la rébellion tamoule à négocier l’évacuation des quelque 300 000 civils piégés dans la région de Vanni (3). L’UNICEF, en la personne de son directeur pour l’Asie du Sud, Daniel Toole, a également exhorté les belligérants à assurer la sécurité des milliers d’enfants prisonniers des combats.

En réponse au communiqué des Nations Unies, le ministre sri-lankais des Droits de l’homme, Mahinda Samarasinghe, a déclaré le 30 janvier : « Il n’y aura pas de cessez-le-feu (…). Nous allons poursuivre nos opérations militaires et continuer à libérer des zones qui ne l’ont pas été jusqu’à présent (…). Nous allons éradiquer totalement le terrorisme. » Le ministre a nié qu’il y ait une catastrophe humanitaire et accusé le CICR de ne pas comprendre « les réalités du terrain » (4).

Néanmoins, l’armée gouvernementale a annoncé une accalmie samedi 31 janvier afin de permettre l’évacuation de milliers de civils, enfants et blessés de la zone des combats. De son côté, le CICR a tenté de négocier avec les Tigres tamouls l’établissement d’un couloir humanitaire pour les blessés les plus graves. Mais aucune information n’a pu filtrer sur le nombre de personnes ayant pu être réellement évacuées.

Dans les zones de combat, seul le CICR est encore sur place ainsi que les membres des Eglises chrétiennes, qui, depuis des semaines, tentent d’alerter la communauté internationale, tout en venant en aide aux civils piégés dans la région de Vanni. Le 28 janvier dernier, Mgr Savundaranayagam, évêque catholique de Jaffna, le diocèse le plus touché par la guerre, après de multiples démarches demeurées sans effet (5), a entamé une grève de la faim, suivie par 300 chrétiens et hindous. Parmi les participants, installés sur le parvis de la cathédrale Sainte-Marie de Jaffna, se trouvent des évêques anglicans, des prêtres catholiques, des religieuses, des prêtres de l’Eglise de l’Inde (6) et des membres d’associations hindoues. Tous ont prié côte à côte, appelant la communauté internationale à réagir.

« Nous attendons plus d’action concrète de la part de la communauté internationale », a déclaré Subramaniam Paramanathan, un hindou âgé de 75 ans, qui fait partie du People’s Council for Peace and Goodwill (7). « Il est temps d’exprimer notre solidarité. Ces personnes [prisonnières] dans la zone en guerre, qu’elles soient hindoues ou chrétiennes, sont nos frères et sœurs », a-t-il ajouté.

Mgr Savundaranayagam a rappelé que les prêtres et religieux qui vivaient dans les zones de combats sont restés auprès des populations civiles, se « déplaçant avec eux ». Il conclut : « Ayant vécu à leurs côtés toutes leurs souffrances depuis le début, ils ne les abandonneront pas maintenant. »