Eglises d'Asie

Dans les régions à majorité tamoule, des agressions ciblant des prêtres catholiques restent impunies

Publié le 29/04/2011




Près de deux ans après la reddition des Tigres tamouls, si les armes se sont tues au Sri Lanka, la tension reste vive dans les régions à majorité tamoule, où les autorités de Colombo laissent perdurer un climat d’insécurité latente. Des défenseurs des droits de l’homme notent en particulier les agressions dont sont victimes des membres de l’Eglise catholique et dénoncent le fait que ces incidents restent impunis.

Le 1er avril dernier, le P. C. G. Jayakumar, prêtre du diocèse catholique de Jaffna et ancien directeur de Caritas-Jaffna, a été pris à partie par un groupe d’assaillants qui l’ont aspergé à l’aide de seaux d’eau mêlée à de la bouse de vache. L’agression a eu lieu de nuit, sur les lieux mêmes de l’habitation du prêtre, et, lorsqu’un des aides du prêtre, a voulu lui porter secours, un assaillant l’a aspergé de poudre de piment.

 

Quelques mois plus tôt, l’ancien directeur de la Commission diocésaine ‘Justice et Paix’ a été abordé par un groupe d’hommes menaçants qui lui ont pris sa carte d’identité. Celle-ci n’a jamais été rendue depuis. « Nous ne nous sentons plus en sécurité. Nous avons à la fois peur et nous sommes en colère », a assuré l’ancien directeur.

 

Durant la première moitié du mois d’avril, devant les conseils des paroisses St James, St John et Ste Marie (la cathédrale de Jaffna), des paroissiens se sont plaints de la persistance des menaces adressées aux prêtres catholiques et à ceux qui se osent se dresser pour les défendre.

 

A l’évêché de Jaffna, on préfère rester discret sur ces agressions. Lors de la messe chrismale, à l’assemblée de ses prêtres et aux centaines de fidèles réunis dans la cathédrale, Mgr Thomas Savundaranayagam a exhorté chacun à prier pour les prêtres. « Nous avons la chance de compter un grand nombre de prêtres dans notre diocèse (1). Mais nous devons en accueillir plus, car les besoins sont grands dans les diocèses voisins où les églises en ruine sont nombreuses », a-t-il déclaré en chaire.

 

Dans les paroisses et parmi les fidèles, les appels sont plus directs et dénoncent l’inaction des autorités civiles à rechercher et arrêter les auteurs des agressions visant les membres du clergé catholique. Anton Jeganathan dirige un cabinet juridique à Jaffna et est engagé de longue date dans la défense des droits de l’homme. Il déclare comprendre la prudence de la hiérarchie catholique sur ces sujets car « le retour à la normale pour les populations tamoules est loin d’être acquis et tout reste à faire quant à leur avenir ». Cependant, explique-t-il, « traditionnellement, les Sri Lankais respectent le clergé, à quelque religion que celui-ci appartienne, et chacun sait que quatre religions sont implantées dans ce pays. Il n’est pas possible de penser que des actions visant des prêtres peuvent continuer à se produire sans être sanctionnées. »

 

Depuis deux ans déjà, des laïcs de l’Eglise catholique ainsi que des militants des droits de l’homme appellent les autorités à enquêter sur ces affaires. Des pétitions ont été lancées, des lettres ouvertes adressées à la presse locale et hommes politiques tamouls ont évoqué ce problème dans leurs discours publics. Mais, pour certains Tamouls catholiques, cela ne suffit pas. De son côté, le commandant militaire de Jaffna, le général Mahinda Hathurusinghe, répond que les patrouilles militaires seront renforcées et que toute personne contrôlée en possession d’une arme sera arrêtée.

 

Dans un pays où les chrétiens offrent la particularité d’être présents aussi bien au sein de la minorité tamoule, majoritairement hindoue, qu’au sein de la majorité cinghalaise, majoritairement bouddhiste, l’appartenance religieuse demeure une question sensible (2). Depuis la fin des combats en mai 2009, le calme est loin d’être revenu dans les régions Nord et Est, à dominante tamoule. En janvier dernier (3), l’évêque catholique de Mannar, Mgr Rayappu Joseph, dénonçait les violations persistantes des droits de l’homme, la cinghalisation forcée des populations tamoules, l’occupation militaire par les troupes de Colombo et un climat de peur et de violence. Le prélat ajoutait que les intimidations ciblant les populations tamoules allaient de paire avec une « bouddhisation » de la région, de nombreux lieux de culte et de nombreuses statues de Bouddha étant édifiés par le gouvernement dans des régions à dominante hindoue ou chrétienne. L’évêque de Mannar se faisait l’écho de « la peur » ressentie par « une population majoritairement hindoue, chrétienne et musulmane face à une hégémonie bouddhiste grandissante ».