Eglises d'Asie

Une église protestante attaquée et dévastée par une foule de bouddhistes en colère

Publié le 17/12/2012




Dimanche 9 décembre, pendant l’office dominical, une foule d’un millier de bouddhistes menée par près de 80 bonzes a attaqué et vandalisé une église protestante du sud de l’île, dont le pasteur avait refusé de céder à leurs menaces en arrêtant toute activité religieuse.

La nouvelle n’est parvenue que récemment aux principaux médias chrétiens, mais dès le 9 décembre au soir, la National Christian Evangelical Alliance of Sri Lanka rapportait l’incident qui venait de se produire le matin même. L’attaque a eu lieu à Weeraketiya (district d’Hambantota), situé dans la Province du Sud, connue pour être un bastion nationaliste de l’île (1). La foule, composée de plus d’un millier de bouddhistes en colère, a déferlé sur l’église protestante Jeevanalokaya Sabhawa que ne protégeait qu’un cordon de huit policiers affectés à la défense de la communauté chrétienne.

En effet, la veille, samedi 8 décembre, rapporte dans son édition du 12 décembre le Morning Star, média international d’obédience chrétienne, une délégation de laïcs et de moines bouddhistes était venue menacer le pasteur, le Rév. Pradeep, de détruire son église s’il ne s’engageait pas à cesser toute activité chrétienne d’ici le lendemain.

Les moines avaient affirmé être en droit de lui imposer cet ultimatum, tout culte ne pouvant être mené sans l’autorisation formelle des autorités bouddhistes. Le pasteur avait rétorqué que la liberté religieuse était inscrite dans la Constitution du Sri Lanka et qu’il n’avait pas à se soumettre à leur injonction. Il avait ensuite prévenu la police qui ne lui avait envoyé que huit fonctionnaires de police, une réaction que les chrétiens dénoncent comme une « volonté manifeste et habituelle » de l’Etat de ne pas assurer la protection des minorités.

Lors de l’attaque, très violente, au cours de laquelle deux des policiers ont été blessés, les assaillants ont pénétré dans l’édifice qu’ils ont totalement dévasté, ravageant le mobilier liturgique, le matériel du culte et frappant les fidèles à coups de pierre. Le pasteur souffre quant à lui de blessures à la tête et au bas-ventre mais n’a pu se rendre rapidement à l’hôpital, les agresseurs ayant volontairement empêché son évacuation. Les véhicules se trouvant garés à l’extérieur ont été également vandalisés. Depuis la semaine dernière, des renforts de policiers ainsi que des militaires ont été dépêchés sur les lieux.

Comme cela a déjà été le cas à de nombreuses reprises cette année, la communauté chrétienne a demandé au gouvernement sri-lankais de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour assurer sa protection et défendre la liberté religieuse qui fait partie des droits constitutionnels au Sri Lanka. Ces derniers temps, les attaques de bouddhistes contre les minorités religieuses dans l’île se sont en effet multipliées, provoquant l’inquiétude des instances internationales qui dénoncent « la montée de l’extrémisme religieux au Sri Lanka ». Musulmans, hindous mais surtout chrétiens sont de plus en plus souvent l’objet d’attaques de moines bouddhistes qui, agissant en collusion étroite avec les autorités, bénéficient « d’une totale impunité », comme l’a déclaré l’une des victimes au Morning Star, peu après l’attaque du 9 décembre.

Dans l’île, où le bouddhisme est religion d’Etat (2), le Jathika Hela Urumaya (JHU, Front national de la liberté), puissant parti nationaliste des bonzes, gouverne au sein de la coalition United People’s Freedom Alliance (UPFA) dirigée par le président Mahinda Rajapaksa. Le parti bouddhiste, inquiet du développement des minorités religieuses au Sri Lanka, tente également, de façon récurrente, de faire passer un projet de loi anti-conversion.

En 2012, les communautés chrétiennes de différentes confessions au Sri Lanka ont enregistré plus de 50 attaques de la part de bouddhistes, toujours menés par des bonzes. En septembre dernier, l’évêque catholique de Mannar, Mgr Rayappu Joseph, qui avait demandé une enquête internationale sur les violations des droits de l’homme envers les Tamouls de l’île et qui depuis subit la vindicte du gouvernement sri-lankais l’accusant de complot contre l’Etat, a été lui aussi blessé à coups de pierre par des bouddhistes lors de l’attaque de l’église catholique de Karusal, dans le district de Mannar. En août 2012, des moines bouddhistes, après une attaque similaire, ont occupé les locaux d’une église adventiste à Deniyaya (dans le district de Mataya, situé dans la même Province du Sud) et l’ont transformée en temple bouddhiste.

Environ 70 % des Sri-Lankais sont bouddhistes et appartiennent majoritairement au groupe ethnique dominant, les Cinghalais. Les chrétiens, essentiellement des catholiques, représentent un peu plus de 8,4 % de la population, dont 40 % appartiennent à la minorité tamoule. Parmi les autres minorités religieuses importantes, les hindous représentent environ 15 % de la population et les musulmans 8 %.
 

(eda/msb)