Eglises d'Asie

Les chrétiens de l’Eglise de Shouwang s’apprêtent à célébrer les fêtes de Pâques malgré l’interdiction des autorités

Publié le 20/04/2011




Ce mardi 19 avril, en dépit des menaces et arrestations en masse qui ont touché ces dernières semaines leur communauté, les pasteurs de l’Eglise protestante de Shouwang ont appelé leurs fidèles à se rassembler en public pour célébrer les fêtes de Pâques dimanche prochain 24 avril.L’Eglise de Shouwang, l’une des plus importantes Eglises domestiques (1) de Pékin…

… avec ses quelque mille membres, est depuis plusieurs mois la cible d’une vague de répression grandissante de la part des autorités.

Les 9 et 10 avril derniers, les forces de l’ordre ont procédé à plusieurs arrestations afin d’empêcher la tenue de l’office dominical en public, l’Eglise de Shouwang ne disposant plus de lieu de culte depuis que le propriétaire des locaux dans lesquels elle se rassemblait a cédé aux pressions du gouvernement et résilié son contrat (2). Le rassemblement était prévu à Zhongguancun, dans la banlieue de Pékin (district de Haidian), sur un emplacement commercial. Le samedi 9 avril au soir, le Rév. Jin Tianming, qui a fondé l’Eglise de Shouwang dans les années 1990, ainsi que le Rév. Li Xiaobai et son épouse étaient arrêtés et longuement interrogés par la police avant d’être relâchés le lendemain. Les chrétiens qui avaient tenté de venir au rassemblement malgré les intimidations et les assignations à résidence ordonnées par les autorités, se sont heurtés à plusieurs centaines de policiers qui bloquaient l’accès au site. Plus d’une centaine de fidèles (170  selon certaines sources) ont été emmenés  de force dans des cars de police pour être ensuite soumis à des interrogatoires de plusieurs heures. Certains auraient, selon des sources locales, signé sous la contrainte des attestations par lesquelles ils déclareraient qu’ils n’assisteraient plus à des « rassemblements illégaux ».

 

Dimanche dernier 17 avril, pour la célébration des Rameaux, le même scénario s’est répété, avec des mesures de prévention supplémentaires : afin d’empêcher le rassemblement qui devait avoir lieu au même endroit que le dimanche précédent, la police a arrêté les pasteurs, les diacres et les autres membres du clergé, tout en consignant à résidence l’ensemble des fidèles. Une cinquantaine d’entre eux ont été également arrêtés à titre préventif. Quant à ceux qui ont tenté de se rendre sur le site de Zhongguancun, ils ont comme la dernière fois, été embarqués dans des cars de police afin d’être interrogés. La plupart des fidèles ont été relâchés lundi 18 avril au soir, leurs pasteurs et diacres ayant été libérés la veille.

 

Ces informations, diffusées tout d’abord par ChinaAid, qui depuis les Etats-Unis dénonce les atteintes aux droits de l’homme en Chine, ont été confirmées par le Christian Solidarity Worldwide (SCW), établi au Royaume-Uni ainsi que par différentes ONG et médias indépendants (3).

 

Très active sur le réseau social Internet, l’Eglise de Shouwang informe régulièrement les membres de sa communauté sur Google et sa page Facebook, les invitant à persévérer et témoigner de leur foi malgré les persécutions. « Se rassembler en public n’est pas une forme de contestation du gouvernement », rappellent entre autres les pasteurs sur leur site où ils reçoivent de nombreux messages de soutien. Des veillées de prière ont été également organisées par une douzaine d’autres Eglises protestantes domestiques de Pékin et les membres du Beijing Ministerial Prayer Felllowship.

 

Comme presque toutes les Eglises domestiques en Chine continentale, la communauté protestante de Shouwang n’est pas reconnue officiellement et de fait, est  susceptible d’être accusée d’« activités illégales » à chaque nouvelle vague de répression. Sa demande d’enregistrement officiel auprès des autorités avait été rejetée en 2006, l’Eglise ayant refusé de faire partie du Mouvement patriotique des trois autonomies contrôlé par le parti communiste.

Selon Liu Fenggang, pasteur de la petite Eglise domestique de Sheng Ai, « la persécution contre L’Eglise de Shouwang est en lien direct avec la « révolution du jasmin » du monde arabe (…). Le gouvernement a peur de la contagion et craint pour son pouvoir».

Depuis février dernier, la vague de répression qui touche l’Eglise de Shouwang et avec elle d’autres Eglises domestiques, s’étend également à différents milieux intellectuels, artistiques ou organisations sociales perçus comme contestataires, confirme Andrew Johnston, porte-parole du CSW. « La persécution continuelle qui s’exerce à l’encontre de l’Eglise de Shouwang est une illustration de la paranoia du gouvernement chinois (…). Le CSW appelle les autorités de Pékin à respecter les droits garantis à ses citoyens par al constitution, laquelle autorise la liberté de religion », a-t-il  ajouté dans une déclaration datée de ce jour.

Il particulièrement difficile de quantifier le nombre de protestants en Chine aujourd’hui. Les statistiques officielles qui s’en tiennent aux chiffres recensés par le Mouvement des Trois autonomies, annoncent 23 millions de chrétiens dont 16 millions de protestants (cf le « Livre bleu des religions », publié le 11 août 2010). Les Eglises protestantes et les observateurs annoncent quant à eux, des chiffres qui  évoluent entre 40 et 70 millions, voire davantage (4).