Eglises d'Asie

Tibet : Pékin rejette cinq recommandations de l’ONU sur les droits de l’homme

Publié le 26/03/2014




La Chine a rejeté toutes les recommandations du rapport des Nations Unies sur le Tibet, sauf celle concernant l’accès à la région du Haut Commissaire pour les droits de l’homme et du rapporteur spécial sur le Tibet, a rapporté, le 23 mars, le site du gouvernement tibétain en exil, Phayul.com.« La Chine a renouvelé les mêmes refus et a tenté les mêmes obscurcissements du processus qu’en 2009 », a commenté Kai Müller, …

… directeur exécutif pour l’Allemagne d’International Campaign for Tibet. En 2009, la Chine devait déjà répondre aux « fortes préoccupations » des Etats membres de l’ONU sur la question des droits de l’homme au Tibet, dans le cadre de l’examen périodique universel (UPR) (1) du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.

Cette année, suite à une campagne menée par les organisations pro-tibétaines, plus d’une douzaine de pays avaient appelé Pékin à cesser sa politique discriminatoire à l’encontre des minorités ethniques – en particulier les Ouighours et les Tibétains – et à respecter les droits de l’homme. Entre autres recommandations de l’UPR figurait la mise en place d’une mission d’enquête indépendante des Nations Unies au Tibet, la reprise par Pékin du dialogue avec les représentants du dalai lama et la fin de la politique répressive au Tibet.

La poursuite des auto-immolations de Tibétains a été également soulignée comme une « situation préoccupante nécessitant une intervention urgente ». Le Tibet est « toujours sous occupation, et souffre de répression politique, culturelle et religieuse », avaient constaté les ONG chargées du rapport. Une répression accompagnée d’« une migration chinoise en masse au Tibet qui a transformé les Tibétains en citoyens de seconde classe dans leur propre patrie ».

Dans un article de Mediapart, daté du 12 mars dernier, un journaliste décrit le processus de « ‘disneylandification’ du Tibet », où « le tourisme devient un outil de l’occupation ». Il évoque le « déferlement de touristes chinois hans sur le Tibet », nourris à l’idéologie du Parti, considérant les Tibétains comme « des paysans aux rituels ridicules et superstitieux », vivant des « subsides et nombreux avantages » apportés par la Chine. « La propagande chinoise représente les Tibétains comme toujours gais, chantant et dansant avec une gratitude qui culmine chaque année le 28 mars, ‘Journée de l’émancipation des serfs’ » (2), poursuit-il.

Le but avoué de Pékin, rapporte Médiapart, est d’attirer au Tibet quinze millions de touristes par an d’ici 2015, alors que la population tibétaine ne représente que trois millions de personnes. Le gouvernement encourage les Hans à s’installer dans la région, créant des postes dans la bureaucratie, dont sont exclus de facto les Tibétains.

Le 20 mars, la réponse officielle de la Chine a été de rejeter la presque totalité des recommandations des Nations Unies, niant toute forme de répression ou même de discrimination envers les Tibétains. La seule exception à cette fin de non-recevoir a été l’acceptation de la visite d’un responsable des droits de l’homme des Nations Unies au Tibet.

La réponse de Pékin a cependant malencontreusement coïncidé avec l’annonce de plusieurs décès de prisonniers politiques, dont un Tibétain, des suites de torture et mauvais traitements dans les geôles chinoises. Le 22 mars dernier, le site Phayul rapportait que Goshul Lobsang, 43 ans, libéré sur décision médicale en octobre dernier, avait succombé à des « blessures par torture », le 19 mars, laissant une veuve et deux enfants. « La police chinoise et les autorités pénitentiaires l’ont gravement torturé en détention et en prison (…). Parce que les autorités craignaient qu’il puisse mourir en détention, elles ont décidé de le libérer sur décision médicale, plusieurs mois avant la fin de sa peine », a déclaré le Centre tibétain pour les droits de l’homme et la démocratie (TCHRD). Goshul Lobsang avait été condamné en 2010 à douze ans de prison pour avoir manifesté en 2008 contre la répression chinoise au Tibet.

Amnesty International et le TCHRD rapportaient le même jour que la militante des droits de l’homme Cao Shunli était décédée le 14 mars à l’âge de 52 ans dans un hôpital de Pékin, après seulement cinq mois de détention, « faute de soins ». Prisonnière d’opinion, elle avait participé à la rédaction du rapport sur la Chine dans le cadre de l’UPR.

Parallèlement, le gouvernement tibétain en exil à Dharamsala confirmait que deux tentatives d’immolation par le feu venaient de se produire au Tibet. Lobsang Palden, âgé de 23 ans, s’est immolé par le feu dans « la rue des martyrs » de Ngaba (préfecture d’Aban, province du Sichuan), le 16 mars. Il appartenait au monastère de Kirti, épicentre de la rébellion des moines tibétains contre la répression chinoise. Selon les témoins, il a pu faire quelques pas, le corps en flammes, en lançant des appels au retour du dalai lama avant d’être emmené dans un véhicule de police. Le 22 mars, Dharamsala, siège du gouvernement tibétain en exil, a été informé du décès de Lobsang des suites de ses brûlures.

Comme d’autres avant lui, Lobsang Palden avait choisi de se suicider par le feu le 16 mars, jour anniversaire du massacre des moines de Kirti par les forces chinoises en 2008, dans le cadre de la répression des manifestations antichinoises à Lhassa. Depuis quatre ans, un moine de Kirti s’immole dans cette même rue chaque 16 mars.

L’agence de presse officielle chinoise Xinhua a signalé, de son côté, le suicide par le feu d’un moine du monastère de Sonag à Jhador, dans la préfecture de Huangnan (province du Qinghai). Nul ne sait ce qu’il est advenu de ce moine et s’il est décédé.

La vague des immolations par le feu en protestation contre la répression au Tibet ne se tarit pas depuis l’auto-immolation de Phuntsog, moine de Kirti le 16 mars 2011. Le gouvernement en exil, qui ne cesse de lancer des appels à la fin du « mouvement de résistance par le suicide », a publié une liste fin février faisant état d’au moins 138 auto-immolations de Tibétains, moines et laïcs, généralement très jeunes. Avec les derniers décès confirmés, le décompte dépasse actuellement les 140 morts, sans compter les nombreux cas qui ne sont pas rapportés en raison du blocage des informations en provenance du Tibet par Pékin.

Ainsi, ce n’est que le 22 mars dernier que le TCHRD a pu donner des nouvelles de trois Tibétains arrêtés il y a six ans et dont on vient d’apprendre qu’ils ont été condamnés en 2009, à cinq, sept et douze ans de prison. Nul ne savait ce qu’ils étaient devenus depuis leur arrestation lors des manifestations pacifiques de mars 2008 à Sangchu.

Alors que s’achève actuellement la session à Genève du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Dharamsala a de nouveau exhorté Pékin « à mettre fin à sa politique répressive au Tibet, à répondre aux demandes des Tibétains concernant le retour de Sa Sainteté le dalai lama (…), et à reprendre immédiatement le dialogue [avec le Parlement tibétain en exil] ».

Lors du traditionnel discours qui marque la commémoration du tragique soulèvement de Lhassa (3), le 10 mars dernier, Lobsang Sangay, à la tête de la communauté tibétaine en exil, a rappelé que « 2014 avait été déclarée année du XIVème dalai lama » et que de nombreux anniversaires seraient célébrés, dont en avril prochain, le 25ème anniversaire du XIème panchen lama (4). « Nous sommes engagés dans la « Voie du Milieu », convaincus que c’est l’approche la plus efficace pour mettre fin aux souffrances qui accablent le Tibet », a-t-il ajouté. Expliquant que cette « voie médiane » ne cherchait pas la séparation de la République populaire de Chine, mais seulement une autonomie pour les Tibétains dans le cadre de la Constitution chinoise, Lobsang Sangay a conclu en espérant « que le nouveau gouvernement chinois, sous la direction de Xi Jinping, saura adopter cette position pragmatique et modérée ».

(eda/msb)