Eglises d'Asie

L’Eglise catholique qualifie la publication de caricatures de Mahomet de “provocation” et déplore l’utilisation faite de cet incident par des extrémistes pour alimenter l’intolérance

Publié le 18/03/2010




Dans un pays où les manifestations de protestation après la publication de caricatures du prophète Mahomet en Europe sont quotidiennes et où les partis politiques islamistes ont appelé à un mouvement national de protestation pour le 3 mars prochain, jour où il est prévu que le président américain George W. Bush arrive en visite à Islamabad, la Commission nationale ‘Justice et paix’ de l’épiscopat catholique a qualifié de “provocation” la publication des caricatures en question. Par un communiqué diffusé le 15 février dernier, elle a également déploré que cet incident soit le prétexte utilisé par “des personnes” pour nourrir “l’intolérance, dans un manque total de respect pour la religion et en utilisant celle-ci”.

Signé par Mgr Lawrence John Saldanha, archevêque de Lahore et président de la Commission ‘Justice et paix’, le communiqué appelle “les médias internationaux à se montrer plus sensible envers les sentiments religieux des différents groupes. Chaque groupe a le droit de vivre dans une atmosphère exempte de préjugés relatifs à la religion et, pour cela, l’exercice de la liberté d’expression appelle à un certain sens de la responsabilité”. Ceci étant dit, tout en se disant solidaires des musulmans qui se sont sentis offensés, les responsables de la commission catholique ont poursuivi en demandant au gouvernement pakistanais d’agir pour que les Pakistanais comprennent les conséquences que produit une fausse conception de la notion de blasphème. Selon eux, l’intolérance “trouve sa source dans les manuels scolaires, les médias et les politiques menées au nom de lois discriminatoires référence aux lois dites anti-blasphème, si souvent dénoncées par l’Eglise catholique du Pakistan.

Ces dernières semaines, les actions dirigées contre des symboles occidentaux se sont multipliées dans les grandes villes du pays : attaque de l’enclave diplomatique à Islamabad, mise à sac d’établissements sous franchise américaine du type McDonald’s, etc. Les attaques dirigées contre des symboles de la présence chrétienne ont aussi été nombreuses. Le 19 février dernier, dans la province du Sind, à Sukkur, une église catholique et un temple protestant ont été saccagés par une foule de musulmans qui suspectaient un cas de profanation du Coran. Le cas ne semble pas avéré et paraît avoir été monté – comme c’est souvent le cas en pareille circonstance – pour masquer un conflit entre un père et son gendre, converti à l’islam. Le 13 février, des étudiants islamiques ont attaqué deux établissements scolaires et un hôpital catholiques à Peshawar, chef-lieu de la province de la Frontière du Nord-Ouest. Dans les deux cas, les dégâts n’ont été que matériels, mais les communautés chrétiennes locales vivent dans la crainte. Quelques jours plus tôt, le 3 février, c’était une petite communauté chrétienne, à Kawanlit, près de Sialkot, dans le Pendjab, qui était prise pour cible : les vitres du lieu de culte ont été brisées et deux chrétiennes ont été battues, dont l’une sérieusement.

Selon Mgr Saldanha, les violences à l’encontre des communautés les plus faibles se multiplient car le gouvernement se montre incapable de faire fonctionner l’appareil judiciaire. Il a cité à ce propos l’exemple de Sangla Hill, “où plus de quatre-vingts jours après les faits qui ont vu la destruction de trois lieux de culte chrétiens, justice n’a toujours pas été rendue”. Le 18 février, un tribunal a remis en liberté, contre versement d’une caution, Yousaf Masih, accusé de profanation du Coran dans l’affaire de Sangla Hill et, deux jours plus tard, ce sont 68 des 85 musulmans détenus pour la destruction des églises qui ont été relâchés (1).