Eglises d'Asie

Quinzième année de détention pour l’évêque « clandestin » du diocèse de Baoding

Publié le 16/10/2012




Agé de 80 ans, Mgr James Su Zhimin, évêque « clandestin » du diocèse de Baoding, un des bastions de l’Eglise catholique en Chine, vient de « fêter » ses quinze ans de détention. Arrêté le 8 octobre 1997, l’évêque catholique n’a jamais pu depuis donner signe de vie, ni communiquer aucune nouvelle à ses proches. Aperçu à une seule reprise en 2003 lors d’une hospitalisation dans un hôpital de Baoding, il est maintenu au secret…

… par les autorités chinoises, qui répondent systématiquement aux requêtes à son sujet par la même et unique réponse : « Nous ne savons pas. »

Né en 1932, Su Zhimin a 24 ans lorqu’en1956, séminariste, il est arrêté pour, comme nombre de ses pairs, s’être opposé à volonté du gouvernement communiste d’établir une Eglise catholique nationale, indépendante de Rome. Il passe les années suivantes en détention quasi permanente jusqu’en 1979. Remis en liberté, ordonné prêtre le 4 avril 1981 à l’âge de 49 ans, il se met au service des communautés « clandestines » de Baoding, période pendant laquelle il sera arrêté à de nombreuses reprises. De 1982 au tout début de l’année 1986, il séjourne à nouveau en camps de travail. Peu après sa libération, il est nommé vicaire général du diocèse de Baoding, alors dirigé par Mgr Pierre-Joseph Fan Xueyan.

Le 13 avril 1992, le corps de Mgr Fan Xueyan, alors en détention, est remis à sa famille dans un sac mortuaire en plastique. L’une de ses jambes est brisée et son visage porte des traces évidentes de coups. Mgr Pierre Chen Jianzhang lui succède en novembre 1993, mais, malade et épuisé par les détentions, il meurt en décembre 1994. Le P. Su, qui avait été choisi pour lui succéder et avait été ordonné à l’épiscopat en 1993 lors d’une cérémonie « clandestine » par Mgr Peter Liu Guandong, alors évêque de Yixian (Hebei), prend effectivement la tête du diocèse de Baoding le 13 juin 1995 lors d’une cérémonie organisée au centre marial de Donglu, connu de tous les catholiques chinois. Des milliers de personnes assistent à la messe célébrée pour l’occasion, en présence de Mgr Francis An Shuxin, évêque auxiliaire de Baoding, et de Mgr Côme Shi Enxiang, de Yixian, diocèse voisin. Les autorités, qui n’étaient pas au courant de la célébration, arrivent juste après les cérémonies et demandent des explications à Mgr Su. Celui-ci répond qu’il est évêque depuis longtemps et que la célébration n’était qu’« une affaire interne à l’Eglise catholique ». En mai 1996, les autorités, excédées par les foules de pèlerins qui affluent à Donglu, font détruire le sanctuaire. Mgr An Shuxin est arrêté. Un peu plus tard, Mgr Su est placé en résidence surveillée, d’où il s’échappe « kidnappé » par des jeunes prêtres désireux de le soustraire à la police… De sa cachette, Mgr Su enverra deux lettres : l’une à ses diocésains et l’autre au gouvernement pour lui décrire toutes les entorses à la Constitution qui ont lieu dans son diocèse. Cette dernière lettre est adressée au Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire pour lui demander « d’enquêter soigneusement sur les graves actes illégaux commis à l’encontre des droits des citoyens » et « de prendre les mesures nécessaires afin de restaurer l’ordre et le contrôle de la protection des droits civiques comme des intérêts de l’ensemble des croyants ». Mgr Su est finalement découvert et arrêté le 8 octobre 1997 à Xinji, dans le diocèse voisin de Shijiazhuang, et aucune nouvelle de lui n’a depuis filtré.

Au total, Mgr Su aura passé 40 ans de sa vie – soit la moitié de son existence – en captivité. Son cas n’est pas isolé en Chine : âgé de 90 ans, Mgr Shi Enxiang, évêque « clandestin » de Yixian, a passé 51 années en détention. Depuis sa dernière arrestation le 13 avril 2001, on est, là aussi, sans nouvelle de lui.

Si le cas de Mgr Su est emblématique de la volonté des communautés « clandestines » du Hebei à résister au contrôle que les autorités imposent à l’Eglise, son diocèse de Baoding est également représentatif des difficultés de réconciliation que rencontrent aujourd’hui les communautés « officielle » et « clandestine ».

Le diocèse est en effet divisé quant aux choix posés par son actuel évêque coadjuteur, Mgr An Shuxin. Appartenant à la communauté « clandestine » de Baoding, Mgr An avait été arrêté un an avant Mgr Su. Il avait été libéré dix ans plus tard en 2006, suscitant la surprise et l’incompréhension d’une partie du clergé et des fidèles locaux. Trois ans plus tard, la surprise allait croissant lorsque Mgr An faisait savoir qu’il avait accepté d’adhérer à l’Association patriotique locale afin, selon lui, « d’aider au développement du diocèse ». Sur place, nombre de catholiques lui ont alors reproché de collaborer avec les autorités alors même que son évêque, Mgr Su, demeurait en détention.

En janvier dernier, Mgr Savio Hon Tai-fai, Chinois de Hongkong et secrétaire de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples au Vatican, a déclaré dans une interview accordée à l’agence AsiaNews que lui-même, les catholiques et l’Eglise de manière générale « ne devaient pas renoncer à questionner ceux qui retiennent en prison ces évêques ». A propos des évêques et des prêtres privés de liberté en Chine (1), il ajoutait qu’en tant que catholique chinois, il éprouvait « une réelle fierté pour le témoignage qu’ils donnaient ».

A plusieurs reprises, Mgr Su a été adopté comme prisonnier de conscience par des organisations de défense des droits de l’homme, notamment en 2008, lors des Jeux olympiques de Pékin. Amnesty International, Human Rights Watch ou bien encore l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture) ont mené campagne en sa faveur.