Eglises d'Asie

Hindous et musulmans aident des catholiques à trouver des fonds pour construire leur église

Publié le 27/05/2013




Le fait mérite d’être rapporté. Alors que le pays est secoué par des violences interconfessionnelles qui inquiètent la communauté internationale et les Nations Unies, dans la paroisse de Mathbari, près de Dacca, les différentes communautés religieuses s’unissent pour récolter les fonds nécessaires à la construction d’une église catholique.

La paroisse de Mathbari, située dans le district de Dazipu, ne dispose que d’une seule église, Saint-Augustin d’Hippone, construite en 1925 et aujourd’hui bien trop petite pour ses quelque 3 500 membres catholiques répartis sur une quinzaine de villages. Le P. Boniface Subrata Tolentino, curé de Mathbari, a lancé une campagne de dons afin de construire un nouvel édifice. Le coût de la construction s’élèverait à 380 000 dollars et, pour le moment, les paroissiens n’ont pas réussi à rassembler la somme nécessaire.

« Lors de la fête de charité que nous avons organisée pour récolter des fonds, nos frères et soeurs non chrétiens ont donné 7 693 dollars ! », s’est réjoui le P. Boniface qui a ajouté « être très heureux de constater que sa communauté continuait d’entretenir de très bonnes relations avec les membres des autres confessions ».

« J’ai donné parce que nous nous entendons bien avec les chrétiens ; ce sont nos voisins, nous vivons ensemble et nous partageons nos joies et nos peines », rapporte l’un des donateurs, un habitant hindou de Mathbari, cité par l’agence AsiaNews ce 25 mai.

Pour la communuaté de la paroisse de Saint-Augustin, il ne fait aucun doute que cette bonne entente est due en grande partie au charisme du P. Boniface, connu pour son travail dans le domaine des relations interreligieuses. « Il est très respectueux des croyances de chacun et nous incite toujours à inviter nos voisins hindous et musulmans à nos fêtes», reconnaît Nandon Cruze, un paroissien de Mathbari, qui ajoute « avoir été enrichi par tous ces partages ». Le curé de Saint-Augustin est également très actif auprès des pauvres et des malades, et a beaucoup développé les actions caritatives de la paroisse ainsi que le rôle de la Société de Saint Vincent de Paul.

Dans un pays en proie depuis des mois aux violences des islamistes à l’encontre des minorités religieuses – et particulièrement des communautés chrétiennes –, cette paroisse de l’archidiocèse de Dacca fait figure d’exception.

Les émeutes meurtrières qui ont récemment endeuillé le Bangladesh, notamment à Dacca, ont été menées principalement par des mouvements et partis islamistes réclamant l’instauration d’une loi anti-blasphème et la levée des accusations contre leurs dirigeants actuellement jugés pour crimes de guerre commis lors de l’indépendance du pays.

La capitale du Bangladesh a notamment été le théâtre de véritables batailles rangées les 5 et 6 mai derniers, lesquelles ont fait une cinquantaine de morts (dont une grande partie parmi les forces de l’ordre) et des centaines de blessés (1). Les milliers d’islamistes qui ont manifesté à Dacca étaient menés par l’Hefajat-e-Islam, groupe d’origine récente mais déjà très influent, s’appuyant sur un large réseau d’écoles coraniques de tendance fondamentaliste et soutenu par le parti islamiste Jamaat-e-islami.

Aux cris d’« Allah Akbar » et « les athées doivent être pendus », les militants avaient débuté dimanche un défilé sur les grandes artères de la capitale, qui avait dégénéré, conduisant à des affrontements violents avec les forces de l’ordre, des pillages, des incendies et des destructions de commerces, de véhicules et d’édifices. Réclamant la peine de mort pour tous ceux qui « calomniaient » l’islam, le mouvement islamiste demandait également l’établissement d’un Etat gouverné selon la charia.

Cette émeute avait été précédée le mois dernier de manifestations tout aussi violentes, toujours à Dacca, qui avaient rassemblé le 4 et 5 avril des centaines de milliers de membres de l’Hefajat-e-Islam et du parti Jamaat, lesquels avaient alors menacé de « mettre le pays à feu et à sang » si le gouvernement n’accédaient pas à leurs revendications.

Si ces démonstrations de force, qui se répètent depuis 2011, n’ont pas fait plier le gouvernement de Sheikh Hasina, elles l’ont obligé à des concessions qui font craindre à certains observateurs que la situation n’échappe à tout contrôle, alors que se prépare la campagne des prochaines élections générales, prévues fin 2013.

Le Premier ministre accuse le Bangladesh Nationalist Party (BNP) d’être à l’origine de ces troubles à répétition et de viser le renversement du gouvernement, tandis que le principal opposant de la ligue Awami accuse de son côté l’Etat bangladais de préparer l’instauration d’une dictature après avoir proclamé l’état d’urgence.

Le 19 mai dernier, Maulana Ashraf Ali Nizampuri, porte-parole de l’Hefazat-e-Islam, a déclaré au World Watch Monitor avoir « suspendu les manifestations et la grève générale pour le moment » mais ne toujours pas avoir renoncé à « protester contre les conversions des populations pauvres par les missionnaires chrétiens, qui les obtiennent en faisant pression sur eux ou en leur donnant de l’argent ».

Habitué à ces accusations récurrentes des islamistes, le Rév. James Saberio Karmoker, secrétaire général du National Christian Fellowship of Bangladesh, a cependant tenu à réitérer ses réfutations face à « la propagande calomnieuse de l’Hezafat ». « Jamais les missionnaires chrétiens ne convertissent les gens de force !, a martelé le pasteur. La conversion est un cheminement personnel et le résultat d’un long processus ; il faut que la foi ait grandi et mûri, après un lent travail d’évangélisation, pour que l’on puisse seulement commencer à parler de conversion. »