Eglises d'Asie – Pakistan
Attentat contre Charlie Hebdo : des islamistes célèbrent les « héros de l’islam »
Publié le 13/01/2015
… et liés aux attaques qui ont fait près d’une vingtaine de morts en France le 7 janvier dernier.
« Aujourd’hui, nous nous sentons tellement fiers d’assister aux funérailles de nos frères », a déclaré Allama Pir Mohammad Chishti après la cérémonie qui s’est tenue à Peshawar, située dans la province de Khyber Pakhtunkhwa, à la frontière des zones tribales contrôlées par les talibans. « Ce sont des héros de l’islam. Ils ont donné leur vie pour venger les caricatures de notre Prophète Mahomet. »
Le religieux pakistanais, qui est à la tête de la madrasa (école coranique) Ghousia Madrasa, appartient également au Conseil Etehad sunnite (Sunni Etehad Council), lequel est pourtant généralement associé à des groupes s’opposant au terrorisme.
La cérémonie s’est tenue dans un parc public, devant une petite soixantaine de personnes, après un appel lancé par haut-parleurs depuis les mosquées, invitant les fidèles à se joindre à l’assistance honorant les « martyrs français ».
« Nous invitons tous les musulmans à se joindre à nous pour saluer la mémoire des deux frères qui ont tué le rédacteur en chef et les dessinateurs du journal », a insisté pendant près d’une heure Abdul Aziz, l’un des porte-paroles de la madrasa, retardant ainsi la célébration dans l’espoir de rallier plus de participants.
Mohammad Rasheed Ahmad, l’un des étudiants de l’école coranique, a déclaré à NBCNews, qui rapporte l’événement, avoir été déçu que si peu de personnes viennent honorer les frères Kouachi.
« Nous avons vu des milliers de personnes se rassembler en France pour montrer leur solidarité envers les hommes qui ont été tués, mais les musulmans ne sont pas venus participer aux funérailles des deux héros qui ont fait cette magnifique action », a-t-il regretté.
L’enterrement symbolique des frères Kouachi a eu lieu après une manifestation dans les rues de Peshawar, où les participants ont scandé des slogans appelant à la mort de Charlie Hebdo et érigé des photo géantes des deux terroristes, invitant les passant à venir les embrasser.
« Ces deux frères ont vengé tous les musulmans du monde entier ; nous leur présentons nos hommages et nous leur témoignons notre respect », a déclaré le mollah aux assistants.
D’autres hommages ont été rendus aux deux frères terroristes, comme celui d’Aurangzeb Alhafi, professeur à l’Université du Penjab de Lahore, au département des Etudes islamiques. « La liberté d’expression s’arrête à la mention de l’Holocauste, elle doit aussi s’arrêter à l’honneur de notre Prophète », a-t-il déclaré ce 13 janvier à l’AFP.
Au Pakistan, la question des caricatures de Mahomet est particulièrement sensible : lors de la polémique déclenchée par des dessins du Prophète sur Facebook en 2010 et « l’affaire des caricatures de Mahomet » en 2006 publiées par le journal danois Jyllands-Posten et reprises par Charlie Hebdo – lequel avait rajouté en Une sa propre caricature de Mahomet – , le pays avait été l’un de ceux où s’étaient produites les réactions les plus violentes. En 2011, la parution du numéro « Charia Hebdo », qui vaudra au journal d’être incendié, des incitations à « la mort des caricaturistes du Prophète » avaient également été lancées depuis le Pakistan à l’encontre des journalistes de l’hebdomadaire satirique.
Selon la loi sur le blasphème actuellement en vigueur au Pakistan, toute insulte envers Mahomet doit être sanctionnée par la peine de mort (1).
Malgré un contexte tendu ne favorisant pas les déclarations et commentaires à la presse, alors que le pays a été frappé en décembre dernier par l’attaque islamiste la plus meurtrière de son histoire ayant fait près de 150 morts dans une école de Peshawar, le gouvernement pakistanais a cependant condamné fortement les attentats de Paris, sans toutefois faire référence au magazine Charlie Hebdo.
Quant aux chrétiens, cibles favorites des islamistes au Pakistan, ils ont exprimé dès le 8 janvier leur solidarité et leur prière pour « les victimes et leurs familles », tout en « réaffirmant l’urgence de construire une société fondée sur le dialogue, la paix et l’harmonie ».
« Nous avons appris avec trouble la nouvelle de l’attentat de Paris, alors qu’au Pakistan, la mémoire de l’attentat terroriste de Peshawar, qui a eu lieu voici un mois et a fait plus de 140 morts, en majorité des enfants, est encore fraîche », a déclaré à l’agence Fides, Cecil Shane Chaudhry, directeur exécutif de la Commission ‘Justice et Paix’ de la Conférence épiscopale.
« Le gouvernement a lancé une importante campagne contre le terrorisme et l’extrémisme », a -t-il poursuivi, ajoutant que « dans le cas de Paris, le problème est le blasphème contre l’islam, qui est également un point sensible dans notre pays ».
Soulignant cependant les conséquences de cet « acte barbare » dans un avenir proche, Cecil Chaudhry a conclu sur une note teintée d’inquiétude : « L’effet [de l’attentat] ici pourra tout aussi bien renforcer l’engagement de ceux qui combattent le terrorisme, que servir de « moyen de promotion », et encourager d’autres actions terroristes. »
(eda/msb)