Eglises d'Asie

POUR APPROFONDIR – Le point sur l’actualité politique et sociale 18 février au 8 avril 2015

Publié le 09/04/2015




Politique intérieureL’événement essentiel de ces deux derniers mois est, sans conteste, l’achèvement des négociations entre le PPC (Parti du Peuple Cambodgien, au pouvoir) et le PSNC (Parti du Salut National Cambodgien, opposition) pour la création d’un nouveau CEN (Comité Electoral National) chargé de piloter les futures élections, ainsi que la modification de la loi électorale. 

* La loi concernant la création du nouveau CEN et la modification de la loi électorale sont approuvées par l’Assemblée nationale (AN) le 19 mars, sans débat, par 103 voix sur 123 ; puis, le 23 mars, par le Sénat, en une heure, également sans discussion. Ces deux documents doivent recevoir l’aval du Conseil constitutionnel, puis à être promulguées par le roi. Le nouveau CEN devrait être mis en place avant le Nouvel An (13 avril).

* Le nouveau CEN comprendra neuf membres : quatre seront choisis parmi les deux partis représentés à l’AN, et un 9ème choisi par consensus. Mme Pung Chhiv Khek, fondatrice et présidente de la LICADHO, pressentie pour être ce 9ème membre, a estimé ne pas bénéficier des conditions requises pour remplir son rôle (refus de l’impunité parlementaire et obligation d’abandonner deux de ses triples nationalités cambodgienne, canadienne et française). Le 31 mars, les deux partis se sont accordés sur le nom de Hang Puthéa, directeur du NIFEC (Comité Neutre et Impartial pour des Elections Libres et Correctes). Hang Puthéa est pourtant parmi les opposants aux textes des deux nouvelles lois et n’a pas été consulté avant sa nomination. Ce choix réjouit les membres de l’Alliance pour la Réforme Electorale dont le NIFEC est membre. Réaliste, Hang Puthéa, 50 ans, veut mettre ses compétences pour « tenter d’opérer les réformes que les deux partis n’ont pu réaliser » (Cambodia Daily – CD du 02.04.2015).

* Le 28 février, date butoir pour la fin des négociations concernant le CNE, Sam Rainsy et le ministre de l’Intérieur Sâr Keng solutionnent les quinze points de désaccord entre les deux partis au sein du groupe mixte de travail (il y en avait dix, mais à la dernière minute, le PPC en a ajouté cinq) : il y aura deux nouveaux sièges de députés, la campagne sera réduite de 30 à 21 jours, les ONG ne devront pas « insulter » quelque parti que ce soit ; les formulaires 1 018 en cas d’absence de cartes d’identité seront maintenus, bien que ce soit l’une des principales sources de fraude ; les militaires, la police et l’administration pourront faire campagne en dehors de leurs heures de travail et en tenue civile. Concernant la loi électorale, le Premier ministre impose une proposition sine qua non : les députés qui boycotteront l’AN perdront ipso facto leur poste et seront remplacés par d’autres (CD du 3.03.15).

* On reproche le manque d’indépendance du CNE : son secrétaire général et secrétaire général-adjoint seront nommés par sous-décret du Premier ministre. D’autre part, le CNE touchera ses fonds du Budget national et se trouve donc, de fait, sous le contrôle de l’Etat.

* Le 9 mars, lors d’un séminaire tenu à l’AN, la nouvelle loi est présentée à la société civile. Une douzaine d’ONG, dont l’Alliance pour la Réforme Electorale (qui compte, entre autres, Comfrel, Nifec, Adhoc, Transparency International), boycottent la rencontre : elles reprochent l’absence de consultations préalables et de nombreuses « surprises » dans le texte de loi : les lourdes pénalités en cas d’« insulte » qui interdisent toute critique ; ces pénalités ne visent pas uniquement les individus, mais les partis en tant que tels. Le peuple a moins de liberté qu’auparavant. « Cette loi est pire que l’ancienne », remarquent ces ONG (CD du 09.03.15).

* Les candidats au CNE seront choisis le 13 avril. Une centaine de femmes qui manifestaient pour demander la présence de femmes dans le CNE sont bloquées par la police (CD du 08.04.15).

* Les négociations, qui ont duré plus de six mois, ont toujours été l’objet de menaces de la part du PPC, parfois par le Premier ministre en personne. Sam Rainsy y a montré des qualités d’un homme d’Etat responsable, qui ne demande pas l’impossible, mais se contente de ce qu’on veut bien lui concéder. « Nous ne sommes pas satisfaits à 100 pour 100, mais nous avons dû chercher des solutions, et cela demande des concessions pour trouver une solution équilibrée », déclare le chef de l’opposition. Le 25 février, le Premier ministre déclare comme une menace que « l’armée, la police, la police militaire et le personnel de l’administration ne sont pas neutres dans le conflit entre les partis et l’Etat ». Ces propos sont repris par le chef de l’armée le 3 mars. Il menace de faire emprisonner Kem Sokha, qui n’est pas totalement d’accord avec la nouvelle loi électorale. Le 5 avril, la chaîne télévision BTV, aux mains de la fille de Hun Sen, diffuse un film de 30 minutes qui rapporte les propos de Kem Sokha tenus en Amérique le 13 mars, qui visent à renverser le gouvernement. Kem Sokha est convoqué devant un tribunal de 8 avril. On estime que ces gesticulations visent à diviser l’opposition (CD du 07.04.15).

Divers

* Le Mouvement du Pouvoir du Peuple Khmer (KPPM), fondé par Sourn Sérey Ratha, et condamné en janvier dernier pour « insurrection », est autorisé à s’enregistrer comme parti politique (CD du 09.03.15). Le Prince Ranariddh redevient le chef incontesté du FUNCINEC. Tout ce qui peut atomiser l’opposition est favorisé par le pouvoir.

* Le président de la commission parlementaire des finances demande au secrétaire général de l’AN de justifier ses dépenses : 30 voitures à 200 000 dollars pièce, 25 000 dollars pour l’achat de porte-drapeaux, un photocopieur qui coûte 3 500 dollars, 11,5 millions en « services » pour la réception de parlementaires étrangers ou pour les voyages de parlementaires khmers à l’étranger ; il devra répondre sur le népotisme dans le choix de ses employés, etc. Le 10 mars, le secrétaire se présente devant l’AN, mais refuse pendant deux heures et demie de répondre aux questions. Il est défendu par ses pairs du PPC (CD du 13.03.15).

Chambres extraordinaires au sein des tribunaux (CETC)

* Le 28 février, le juge international Mark Hamon, sans la coopération de son homologue cambodgien, lance un acte d’accusation contre Méas Muth, chef de la marine khmère rouge, et contre Mme Im Chaem, chef de district de la région Nord Ouest (cas Nº003 et Nº004). Le 27 mars, un troisième acte d’accusation est établi l’égard de Ao An, appelé Ta An, secrétaire adjoint de la même région. Il aurait été responsable d’un réseau de centres où auraient été tuées 140 000 personnes (CD du 28.03.15). Cependant, la police cambodgienne refuse d’arrêter les suspects.

* Deux jours auparavant, le Premier ministre évoque à nouveau la possibilité d’une guerre civile et de chaos si les CETC inculpaient des chefs khmers rouges de second rang.

* Le mois de mars est employé à l’audition de chefs khmers rouges du centre de Kraing Ta Chan (Takéo) qui s’accusent mutuellement de crimes contre l’humanité. 15 000 personnes auraient été exécutées au centre de Ta Chan.

* Le 26 mars, un stupa à la mémoire des victimes est inauguré dans l’enceinte de Musée du génocide de S-21, en présence de l’ambassadeur d’Allemagne (CD du 27.03.15).

Economie

* Près de 4 000 entreprises ont été enregistrées auprès du ministère du Commerce en 2014, soit 29 % de plus par rapport à l’année précédente, bien que le Cambodge soit au 184ème rang sur 189 dans la difficulté d’ouvrir une entreprise (CD du 25.03.15).

* Le 6 mars, le Conseil des ministres rend publique sa nouvelle politique économique pour les dix années à venir : un plan-cadre est en préparation en collaboration avec l’Agence Japonaise de Développement pour développer la région de Sihanoukville, alors que Kampot restera une zone touristique (CD du 07.03.15).

* Le 11 mars, Donaco International ajoute 100 millions de dollars aux 360 déjà promis il y a six semaines pour l’acquisition de deux casinos de Poïpet (CD du 11.03.15). Les casinos cambodgiens ont versé 25 millions de dollars d’impôts au gouvernement en 2014, soit 15 % en plus de l’année précédente (CD du 25.03.15).

* Le 6 avril, le Premier ministre inaugure le pont Tsubasa, de Néak Lœung, long de 2,2 km, qui a coûté 127 millions, don du gouvernement japonais. Avec la réfection de la route Nationale 5, le corridor économique du Sud-Ouest, reliant Ho Chi Minh-Ville à la Birmanie via Bangkok, dont la réalisation est prévue pour 2020, se met en place. La veille, le Premier ministre inaugurait le pont de Thalabarivat (Stœung Treng) sur le Mékong (CD du 07.04.15).

* Le 7 avril, le ministère des Finances rend public son projet de budget pour 2016 : il s’élèvera à 4,34 milliards de dollars, dont 38,65 millions seront alloués aux Affaires sociales, 24,76 à la Défense et à la Sécurité, 13,44 à l’Administration et 10,76 pour le Développement industriel. Ce budget prévoir un accroissement des revenus de l’Etat qui se sont élevés à 16,35 % du PIB en 2014. On prévoit un PIB de 20,37 milliards en 2016 (CD du 08.04.15).

* En mai-juin prochain, Coca-Cola va commencer la construction d’une usine dans la ZES de Phnom Penh, qui sera achevée au milieu de l’année prochaine (CD du 02.04.15).

Dons et investissements

* En 2013, le Cambodge a reçu environ 4 milliards d’investissements, soit le même montant qu’en 2013. La Chine est le principal investisseur, suivi par la Malaisie et le Japon. Entre 2013 et 2014, les investissements japonais au Cambodge ont baissé de 2 %, et s’élèvent à 47,9 millions de dollars. Les exportations vers le Japon, en revanche, ont crû de 33 % pour atteindre 771 millions, spécialement en produits textiles. Les importations ont crû de 21 % (254 millions) (CD du 13.03.15).

* Le 16 mars, le ministre cambodgien des Affaires étrangères annonce un plan audacieux pour porter les échanges commerciaux entre le Cambodge et la Turquie à 500 millions de dollars à l’horizon 2020, (contre 124 actuellement, dont 113 d’exportation cambodgiennes). Un Turc a investi 5 millions de dollars au Cambodge, dans une usine textile qui emploie 2 000 ouvriers (CD du 17.03.15).

* Selon un communiqué en date du 16 mars, EDC (Electricité Du Cambodge) prévoit de dépenser 167 millions de dollars pour une ligne de 230 KVolts de 350 km de longueur pour électrifier les quatre provinces situées autour du Tonlé Sap (Battambang, Siemréap, Kompong Thom, Kompong Chhnang), ainsi que celles de Préah Vihéar et d’Oddar Méan Chhey. Une autre ligne de haute tension, pour un coût de 100 millions, reliera les 1 000 MW des usines de Kompomg Speu à Oudong, Kandal et Takmau (CD du 17.03.15). On peut constater en effet un progrès réel de l’électrification des campagnes depuis l’année dernière.

* Le 26 mars, le Japon promet d’accorder différents prêts d’un montant total de 236 millions de dollars à faible taux d’intérêt : 194 pour la énième réparation de la Nationale 5 entre Battambang et Poïpet… 36 millions pour le drainage de la ville de Phnom Penh, d’autres pour de projets de création de petits barrages dans la province de Ratanakiri et la réhabilitation de l’hôpital de Svay Rieng (CD du 26.03.15).

* Le 6 avril, le Centre National d’Arbitrage du Commerce adopte un code éthique, en préparation depuis près de cinq ans pour résoudre les conflits. Ce code devrait faciliter les investissements (CD du 07.04.15).

* Le 2 avril, trois propriétaires d’entreprises de dragage de sable et huit employés, qui opéraient sans autorisation sont arrêtés. Désormais, c’est le ministère des Mines et de l’Energie qui accorde des licences de dragage. On impute à ce dragage inconsidéré du Mékong l’effondrement de ses rives (CD du 02.04.15).

Société

Réfugiés

* Lors d’une troisième visite ministérielle cambodgienne dans le camp de réfugiés Nauru, en Australie, aucun des 400 réfugiés n’est volontaire pour partir au Cambodge, pays pauvre et dans lequel les droits de l’homme ne sont pas une priorité. On ne sait pas exactement si les 35 millions de dollars promis par le gouvernement australien seront déboursés (CD du 1er avril 15).

* Cinquante-huit Cambodgiens font partie des quelque 300 marins-esclaves qu’Associated Press a découvert le 3 avril en Indonésie. Ces travailleurs migrants de Birmanie, du Laos et du Cambodge ont été réduits en esclavage par la société thaïlandaise Pusaka Benjina. Certains étaient enfermés dans des cages de fer (CD du 08.04.15).

* Plus de 90 Montagnards d’ethnie radhè se sont réfugié dans les forêts de Ratanakiri depuis octobre dernier. Quand ils sont découverts par la police cambodgienne, ils sont renvoyés au Vietnam, dont 36 à la fin février. Vingt-quatre ont pu rejoindre Phnom Penh, treize sont reconnus comme réfugiés. Le 5 avril, onze autres se réfugient au Cambodge. ADHOC rapporte des rumeurs faisant état de huit cadavres flottant sur la Sésan, le 6 avril, un autre en partie enterré (CD du 08.04.15).

* Le 17 mars, après quatre ans de suspension, le gouvernement approuve un projet de loi autorisant la reprise de l’envoi de femmes et jeunes filles en Malaisie, ce qui, selon le ministère du Travail, rapportera 120 millions de dollars au Cambodge. Cet accord sera signé lors du sommet de l’ASEAN à Kuala Lumpur en avril. En janvier, ADHOC a rapporté que depuis 2011, 122 femmes cambodgiennes avaient disparu ou avaient été soumises à divers abus. Selon les medias malais, plus de 800 femmes de ménage étrangères quittent leur emploi chaque mois pour mauvaises conditions de travail, intimidation ou abus divers (CD du 18.03.15).

* Le 26 mars, la police ferme un centre illégal de recrutement de travailleurs pour le Japon et la Corée qui demandait entre 3 000 et 5 000 dollars pour la préparation à ces départs (CD du 27.03.15). Plusieurs entremetteuses d’envoi de jeunes femmes en Chine son arrêtées.

Mouvements sociaux

Un rapport de 140 pages établi par Human Rights Watch en date du 12 mars dénonce l’obligation imposée aux ouvrières de faire des heures supplémentaires, le travail des jeunes de moins de 15 ans, le harcèlement des syndicalistes, l’abus des contrats à durée déterminée, etc. HRW reproche aux grandes marques internationales de ne pas agir suffisamment en faveur des ouvriers. On sait que le salaire des ouvrières représente une part infime dans le prix de revient des habits façonnés. Les autorités cambodgiennes et le patronat affirment qu’il y a des cas isolés regrettables, mais HRW déclare au contraire que ces violations sont systématiques. Selon le ministère du Travail, 1 686 inspections ont été menées durant les onze premiers mois de 2014 (le gouvernement affirmera ensuite en avoir effectué 7 191 dans l’année…) (CD du 14.03.15). Les faits semblent donner raison au rapport :

* Il est un usage courant que des familles empruntent des cartes d’identité de leurs proches en âge de travailler à l’attention d’enfants de moins de 15 ans. Les ouvrières trop jeunes doivent retenir leur nouvelle identité par cœur. Dans certaines usines, les trop jeunes doivent se cacher lors d’inspections ; dans d’autres, on leur dit de ne pas venir au travail quand on connaît la date d’inspection, etc. (CD du 21.03.15).

* On continue à déplorer de l’évanouissement de nombreuses ouvrières dans leur usine (62, le 21 février ; une soixantaine deux jours plus tard).

* Le 19 février, environ 3 000 ouvrières de l’usine britannique Quantum Clothing, à Phnom Penh, qui touchaient déjà 128 dollars par mois, se mettent en grève pour demander une augmentation de salaire. Le 25, deux d’entre elles sont giflées par le personnel d’encadrement. Les autres ouvrières bloquent l’entrée de l’usine (CD du 25.03.15).

* Le 10 mars, plus de 300 ouvrières manifestent devant leur usine Kui Xing, qui a fermé ses portes le 1er février, après douze ans de travail. Les manifestantes demandent leurs indemnités de licenciement et bloquent les entrées de l’usine pour éviter que les machines ne soient emportées et installées dans une nouvelle usine (CD du 11.03.15).

*Après trois jours de grève, le 12 mars, la Socfin KCD, société française qui a reçu une concession de 4 062 hectares à Mondolkiri, accepte de réembaucher un ouvrier licencié, mais refuse d’augmenter les salaires journaliers, ainsi que de diminuer les heures de travail de 10 à 8 comme le demandaient les grévistes (CD du 13.03.15).

* Le 11 mars, dix des vingt-deux employés de la seule radio indépendante « la Ruche » manifestent depuis cinq jours contre la décision de Mâm Sonando qui a licencié des employés sans leur verser d’indemnités. Il finira par accepter de payer les salaires, mais non les primes de départ (CD du 17.03.15).

Concessions – Déforestation

La LICADHO a recensé 10 625 conflits fonciers en 2014 (3 475 en 2013). Le ministère de l’Aménagement du territoire s’inscrit en faux contre ce chiffre et accuse l’association d’avoir compté deux fois les mêmes conflits. Cependant, l’association persiste en présentant une liste très précise (CD du 27.02.15).

* Selon la LICADHO, 272 sociétés sont propriétaires de 2,14 millions d’hectares, soit plus de la moitié des terres arables du pays. Les propriétaires cambodgiens possèdent un peu moins de la surface totale de ces concessions ; les sociétés chinoises possèdent environ 350 000 hectares, les vietnamiennes à peu près autant ; les sociétés malaysiennes, singapouriennes, sud-coréennes et thaïlandaises en possèdent entre 79 000 et 112 000. 834 000 hectares ont été plantés en hévéas, soit 33 % de l’ensemble des concessions. Loin derrière viennent les plantations de sucre, d’arbres pour pâte à papier, de manioc et de palmiers à huile (CD du 31.03.15).

* Le 23 février, Alex Gonzalex-Davidson, de l’ONG Mère Nature, dont le visa était expiré, est expulsé du pays. Il manifestait depuis des années aux côtés des membres de l’ethnie chong contre le projet de barrage hydroélectrique de Chhay Areng dans les Cardamones, qui doit inonder 9 500 hectares de forêt primaire, mettre en danger une trentaine d’espèces animales, et déplacer 1 300 personnes. L’adjudication de ce barrage est accordée à Lao Men Kin, ministre des Cultes, qui, avec son épouse, possède l’une des plus grosses fortunes du pays. Le lendemain, le Premier ministre menace de faire tirer des orgues de Staline sur les manifestants de la vallée de Chhay Areng. Il repousse cependant la construction du barrage à 2018. Selon le CDCD (Conseil de Développement du Cambodge), il y aurait entre 12 projets de barrage hydroélectriques en construction, sur 18, à l’horizon 2020. Ils produiront 6 320 MW, soit deux fois plus les besoins du pays. Le barrage du Chhay Areng ne représente que 108 MW, soit 1,7 % du total (CD du 28 .02.15).

* Le 24 février, une centaine de villageois, représentant plus de 500 familles, manifestent devant la préfecture de Sihanoukville pour demander l’appui du gouvernement dans deux conflits qui les opposent à la société chinoise Yijéa (CD du 25.03.15).

* Le 9 mars, le ministre de l’Environnement reprend 9 000 hectares accordés en concession et les redonne aux villageois qui les cultivaient précédemment. Quatorze autres sociétés sont en examen pour avoir déforesté au-delà de leur territoire (CD du 10.03.15).

* Le 10 mars, environ 70 villageois de Prek Préah Sdech, manifestent au nom de 600 familles contre leur expulsion, sans compensation, des terres qu’elles occupent depuis 1979 (CD du 11.03.15).

* Le 16 mars, plus de 160 familles de O Chreuv (Bantéay Méan Chey) demandent la révocation de leur chef de village qui a comploté avec un commerçant pour les déposséder de 835 hectares (CD du 16.03.15).

* Le 17 mars, une centaine villageois de Bœung Chhouk (Phnom Penh) se heurtent à une cinquantaine de policiers et interdisent le travail de bulldozers venus combler un étang pour élargir une route qui détruira leurs maisons. Ils demandent de discuter des compensations avant le début des travaux (CD du 18.03.15).

* Le 17 mars, environ 150 membres de l’ethnie Kouy de Préah Vihéar s’opposent à la police qui tentait de récupérer deux bulldozers de la société chinoise Lang Feng saisis par les villageois en décembre dernier (CD du 18.03.15).

* En 2007, 163 familles avaient gagné un rare procès en leur faveur sur la possession de 9 982 hectares qui leur avaient été attribués par la Cour municipale de Phnom Penh, puis en appel en 2008, ainsi que devant la Cour suprême en 2011. Cependant, le 11 mars, deux jours avant le partage de ce terrain entre les familles concernées, le ministère de l’Agriculture fait savoir que 11 701 hectares, dont ce terrain, ont été accordés en 2009 à la société Kim Hap pour y construire des bâtiments officiels…. (CD du 13.03.15).

* Le 19 mars, environ une trentaine d’employés, encadrés par une centaine de policiers et de militaires, détruisent 62 maisons et expulsent environ 70 habitants de la plage de O Très (Sihanoukville). Selon ADHOC, 149 familles vivaient sur 24 hectares depuis 1989, mais en 1997, un riche personnage proche du pouvoir a reçu six titres de propriété et accusé les villageois de squatter son terrain. « C’est une injustice manifeste », affirme le représentant d’ADHOC (CD du 20.03.15).

* Le 31 mars, une trentaine de policiers et de militaires brûlent172 huttes construites par des membres de l’ethnie Bunong à l’intérieur d’une concession de 5 100 hectares accordée à la société vietnamienne Binh Phuoc 1. Or, en 2012 les autorités locales avaient formellement accordé ce terrain à ces 200 familles. Selon ADHOC, le gouvernement a pris parti pour la société. Le 1er avril, environ 200 Bunong, armés de bâtons et de machettes, avec dix sacs de cailloux, empêchent trente policiers et militaires de brûler six autres maisons (CD du 02.0415).

* Le 6 avril, environ 200 villageois de Chhuk (province de Kampot) font reculer les fonctionnaires et cinq policiers venus les déloger d’un terrain qu’ils occupent depuis 2003 (CD du 07.04.15).

* La déforestation continue : au début mars, 500 pièces de Sokrom sont saisies dans le Sanctuaire de la vie sauvage de Lumphat (Ratanakiri). Pendant cinq jours, depuis le 2 avril, 400 militants de quatre provinces (Sœung Treng, Préah Vihéar, Kompong Thom, Kratié) organisent des patrouilles dans la forêt de Prey Long, qui couvre 650 000 hectares de forêts primaires, pour s’opposer à la déforestation illégale. Ils saisissent au moins 12 tronçonneuses et 583 pièces de bois plus ou moins précieux (CD du 06.04.15).

Santé

* En 2014, on déplore 98 accidents par explosion de mines, qui ont fait 157 victimes, dont 21 morts et 38 amputés, soit 40 % de plus que lors de l’année précédente (CD du 07.04.15).

* Un trafic d’organes (reins) est démantelé et les auteurs condamnés.

Education

* Le 31 mars, le ministre de l’Education nationale annonce des visites impromptues dans les différents collèges et écoles du Royaume pour supprimer la corruption, l’absentéisme des professeurs, et vérifier la qualité de l’enseignement. Après avoir augmenté le salaire des professeurs, il tient à encourager une meilleure conduite, une meilleure éthique et une meilleure discipline (CD du 1er avril 2015). Une délégation a déjà fait une inspection dans le collège Heng Samrin de Chamlak, et sérieusement sermonné le personnel enseignant.

* Dans un cadre de visites en Asie pour promouvoir le droit des femmes, Michelle Obama s’est rendue durant deux jours à Siemréap, le 21 mars, où son séjour a coûté 242 500 dollars, uniquement en frais d’hôtel… de quoi financer dix écoles maternelles de deux salles (CD du 1er avril 2015).

* Le mars, après avoir enquêté sur d’éventuels abus sexuels, la police ferme un orphelinat et une école de l’association Our Hope et arrête leur directeur. Ce dernier est l’ancien directeur de l’ONG Action Pour les Enfants, qui a souvent porté des accusations mal fondées. Les différents responsables successifs, tant Français que Khmers, s’accusent mutuellement de détournements de fonds, d’accusations mensongères pour motif de revanche, si bien qu’il est difficile de distinguer le vrai du faux (CD du 06.03.15).

Droits de l’homme

* A la fin de sa 28ème session à Genève, l’ONU nomme Rhona Smith comme nouveau Rapporteur spécial de l’ONU pour l’observation des droits de l’homme au Cambodge, en remplacement de Surya Subedi, arrivé au terme de son mandat. Le nouveau rapporteur est anglais, professeur en droits de l’homme à l’université de Northumbria (Angleterre) et professeur occasionnel à l’université Pannasastra de Phnom Penh (CD du 31.03.15).

Justice

* Le 23 février, le Premier ministre ordonne aux services compétents de choisir 40 femmes enceintes ou avec un jeune enfant, en vue de leur libération avant le Nouvel An khmer (13 avril). Il y aurait 20 femmes enceintes et 40 autres incarcérées avec enfant dans les 28 prisons cambodgiennes (CD du 27.2.15).

* Les oligarques russes continuent leurs sombres magouilles financières, se lancent dans des attaques en règle les uns contre les autres, ou portent plainte mutuellement pour détournement d’argent devant les tribunaux cambodgiens. Plusieurs sont arrêtés par la police cambodgienne. Le directeur de la police nationale de Sihanoukville est muté pour incompétence dans la gestion de la sécurité (CD du 07.04.15).

* Comme cela arrive relativement souvent, le 18 mars, une foule de 200 personnes lynche un ouvrier accusé d’avoir volé un téléphone portable et une sacoche. La veille, une vingtaine d’ouvriers du bâtiment de Mondolkiri lynchent un de leurs compagnons soupçonné du viol de la femme de l’un d’entre eux. Un membre de l’ethnie djarai doit fuir son village, accusé d’avoir provoqué la mort de plusieurs personnes par des pratiques de sorcellerie (CD du 07.04.15).

Education nationale

* Selon les chiffres du ministère du Plan, en 2013, 79,4 % des Cambodgiens âgés de plus de 15 ans sauraient lire. Une campagne vise à porter ce pourcentage à 84,4 % à la fin de l’année et emploie 92,135 personnes qui enseignent en 3,685 classes (CD du 03.03.15).

Divers

* Le 29 mars, la police de Kampot tente de mener un raid et de saisir 29 motos de spectateurs de combat de coqs. Elle doit battre en retraite devant une centaine de paysans armés de machettes et de bâtons (CD du 31.03.15).

* Le ministère cambodgien des Affaires étrangères tente l’impossible pour rapatrier six de ses ressortissants d’ethnie chame, en études musulmane au Yémen. Six d’entre eux seraient désormais en Arabie saoudite. On ignore cependant le nombre exact de Cambodgiens qui étudient dans ce pays (CD du 07.04.15).

Phnom Penh

* L’an dernier, la municipalité de Phnom Penh dénombrait 503 bidonvilles sur son territoire. Qui hébergeraient 24 000 familles, soit 140 000 personnes. Selon un rapport de World Vision et de NGO Forum, en date du 7 avril, ces « communautés » n’ont aucun titre de propriété, ce qui les exclut de la vie économique et les plonge dans la misère (CD du 08.04.15).

A lire : Hun Sen’s Cambodia, par Sebastian Strangio, 322 p., Silkworm Books, Bangkok 2013. Très bien documenté, ce livre est sans conteste la meilleure analyse du régime actuel du Cambodge. Il balaye les différents volets du développement exponentiel du pays et démonte les mécanismes d’un système qui dépossède le pays de toutes ses richesses au profit d’un petit nombre de personnes proches du pouvoir. Lecture indispensable par tous les décideurs internationaux et les amoureux du Cambodge.