Eglises d'Asie

La campagne de démolition des églises et des croix se poursuit

Publié le 29/08/2014




Depuis janvier 2014, des centaines d’églises chrétiennes de la province du Zhejiang, située sur la côte Est de la Chine, ont été partiellement ou totalement détruites et plus de 360 croix retirées de force par les autorités locales … 

… dans le cadre d’une campagne intitulée « Trois rectifications pour une démolition ».

Officiellement cette opération vise à « embellir » la province en supprimant les aspects disgracieux des structures illégalement construites. Les chrétiens et les défenseurs des droits de l’homme dénoncent quant à eux une vaste opération de répression visant les lieux de culte chrétiens et en particulier les croix dressées sur les édifices, dans le but de stopper la croissance des Eglises dans la région.

La campagne, qui a débuté en janvier 2013 et doit se poursuivre jusqu’en 2015, a pris une nouvelle ampleur ces dernières semaines. Dans la province du Zhejiang où elle est appliquée, l’opération frappe surtout la zone urbaine de Wenzhou, où les chrétiens, essentiellement protestants, qui forment 15 % de la population – un phénomène à l’origine du surnom de « Jérusalem de Chine » donné à la ville –, affichent une visibilité qui irrite les autorités locales.

Parmi les derniers incidents en date, Boxun News, un media indépendant en ligne, rapporte la démolition de l’église de Gao’ao dans la ville de Leqing, située dans le Zhejiang. Selon les témoins, le 21 août dernier, des véhicules de police, des camions et des pelleteuses sont entrés à 8h30 du matin dans le village de Gao’ao tandis qu’une centaine de policiers se massaient devant l’église avec des matraques et des boucliers pour prévenir toute réaction de la population.

Lorsque les fidèles ont essayé d’entrer dans l’église pour empêcher sa destruction, la police les a refoulés avec brutalité, utilisant toutes leurs armes anti-émeute, y compris les gaz lacrymogènes qui ont blessé plusieurs personnes. Les témoins présents rapportent des scènes d’une grande violence, les protestataires étant laissés inconscients et couverts de sang sur le sol après avoir été frappés par les forces de l’ordre. L’un d’eux aurait été traîné, inanimé, dans un véhicule de police et emmené vers une destination inconnue.

La campagne antichrétienne avait déjà pris un tour sanglant le 21 juillet dernier lorsque des centaines de policiers avaient tenté lors d’une opération de force massive d’arracher la croix de l’église de l’Armée du Salut édifiée dans le district de Pingyang de la ville de Wenzhou. Des centaines d’officiers de police assistés d’hommes de main s’étaient affrontés aux membres de l’église tentant de protéger leur lieu de culte. On avait dénombré parmi les fidèles plusieurs blessés graves, et les forces de l’ordre avaient dû abandonner momentanément la destruction, avant de revenir l’achever le 14 août dernier.

A la suite des ces événements, quatorze avocats ont publié le 21 août une lettre ouverte dénonçant « la démolition injustifiée des croix et la persécution des chrétiens », perpétrées par les autorités locale, rapporte The Telegraph. Prédisant que de telles actions resteraient dans l’histoire comme un « crime commis à l’encontre des chrétiens de Chine », le groupe d’avocats a rappelé que ces événements ne pouvaient que « menacer l’unité du pays et l’ordre public ».

Dans leur communiqué relayé par Chinese Human Rights Defenders, (CHRD), les avocats ont également accusé les autorités d’avoir non seulement enfreint les dispositions de l’article 36 sur la liberté religieuse de la Constitution, mais de s’être rendues coupables de graves infractions, dont l’abus de pouvoir et l’utilisation de forces armées et mercenaires pour attaquer les membres de l’Eglise, « causant de graves blessures intentionnelles ». Ils ont ensuite enjoint les responsables de la Sécurité publique du district de Pingyang, de lancer une enquête sur les irrégularités commises, et de conduire devant la justice les « responsables de ces atrocités ».

Zheng Leguo, un prédicateur de Wenzhou, a lancé de son côté une pétition sur Internet pour appeler le gouvernement « à protéger le droit du peuple à exercer sa liberté de religion, un droit inscrit dans la Constitution ». Un millier de pasteurs et d’avocats l’auraient déjà signée, à Wenzhou et ailleurs en Chine ainsi qu’à l’étranger. Me Wang Hongjie, l’un des avocats ayant signé la pétition, a ajouté que l’affaire des démolitions d’églises pourrait avoir un effet contraire à ce que prévoyait le Parti communiste, en poussant les chrétiens à pratiquer et exprimer encore davantage leur foi.

Selon China Aid Association, qui a diffusé un communiqué le 26 août, les autorités de Hangzhou, capitale provinciale du Zhejiang, ont également fait mettre à sac le 11 août une église en construction, au prétexte que le bâtiment violait les règlements municipaux, avant de démanteler la croix de l’église de Gulou dans la nuit du 11 au 12 août derniers. Cette dernière coiffait la plus grande église de toute la ville de Hangzhou (1). La destruction a débuté à 22 heures et s’est achevée le lendemain à une heure de l’après-midi, malgré la présence de plus de 200 fidèles accourus en hâte dans la nuit.

Ces faits ont été précédés de plusieurs destructions marquantes d’édifices chrétiens et de croix jugées « trop visibles ». Le 28 avril dernier, peu après la destruction de la croix du clocher d’une petite église à Hongzhou – acte qualifié de « rectification » dans le cadre de la campagne en cours au Zhejiang –, le temple protestant de Sanjiang près de Wenzhou a été entièrement démoli.

Pendant deux jours entiers, du 28 au 29 avril, les autorités, appuyées par un fort contingent policier, ont détruit l’immense église protestant de Sanjiang, à l’aide d’explosifs et de pelleteuses, après avoir fait arrêter plusieurs pasteurs qui s’opposaient à la démolition. Depuis plus d’un mois, le litige qui opposait la communauté protestante aux autorités locales n’avait cessé de croître, malgré la signature d’un accord le 7 avril. Mais la municipalité avait finalement ordonné le démontage des croix surmontant l’édifice, jugées « trop grandes et trop visibles », avant de demander la démolition de l’église, arguant d’une « occupation illégale de terres agricoles ».

Parmi les incident les plus spectaculaires, il faut également citer le démantèlement, le 26 avril, de l’imposant sanctuaire de Longgang situé dans le diocèse catholique de Wenzhou. S’appuyant sur de prétendues illégalités dans la construction du lieu de pèlerinage, les autorités ont enlevé, détruit ou emmuré les immenses statues qui s’élevaient à l’extérieur des bâtiment.

Si les autorités continuent d’affirmer que la destruction de ces édifices n’a que pour but d’améliorer le paysage urbain en supprimant les constructions illégales, sans aucune volonté de viser les églises chrétiennes, elles s’expriment peu sur les raisons qui motivent le démantèlement des croix. « Toutes ces démolitions forcées des croix démontrent que le but visé est bien de réduire l’influence du christianisme sur la société », conclut quant à lui Guo Baosheng, de China Aid.

Ces derniers jours, des rapports émanant de différentes ONG ont signalé que les opération de destruction des églises et des croix commençaient à toucher d’autres provinces de Chine, comme le Anhui ou encore le Fujian.

(eda/msb)