Eglises d'Asie

Libéré après dix ans de détention, l’évêque auxiliaire du diocèse de Baoding, “clandestin” et désormais “officiel”, exprime son désir de voir les communautés catholiques se réconcilier

Publié le 18/03/2010




La libération, le 24 août dernier (1), après dix années de détention, de Mgr Francis An Shuxin, évêque auxiliaire du diocèse de Baoding, un bastion de l’Eglise clandestine dans la province du Hebei, avait surpris. Pourquoi maintenant ? A quelles conditions cette libération a-t-elle eu lieu ? Dans quel but ? Les questions étaient nombreuses. Un peu plus de quinze jours après cette remise en liberté, des éléments de réponse sont apparus.

A l’agence Ucanews (2), Mgr Francis An, 57 ans, a précisé qu’il résidait désormais à Anzhuang, village du district de Xushui, situé dans le diocèse de Baoding. Il a confirmé que sa qualité d’évêque auxiliaire lui était désormais reconnue par les autorités chinoises et qu’il lui était permis de se consacrer au grand jour à des tâches pastorales “sous la supervision du gouvernement”. Il a aussi ajouté que, s’il se considérait désormais faire partie de l’Eglise “officielle”, il n’avait pas adhérer à l’Association patriotique des catholiques chinois et qu’il n’avait pas reçu de carte d’identité faisant mention de ses qualités ecclésiales.

Mgr Francis An a également déclaré que sa décision de “sortir au grand jour” et de rejoindre la partie “officielle” de l’Eglise avait été prise dans un souci “de communion et de développement” des deux communautés, “clandestine” et “officielle”. Cette décision, a-t-il explicité, a été motivée par le soutien que le Saint-Siège apporte aux initiatives allant dans le sens de la réconciliation entre les deux communautés. Revenant sur sa détention de dix années – de mars 1996, date de son arrestation lors d’une campagne policière contre les communautés “clandestines” de Baoding à sa libération du mois dernier (3) -, il a dit qu’il avait été placé en résidence surveillée dans le district de Xushui. “Ma liberté était limitée mais j’ai été bien traité a-t-il précisé.

Dans les jours qui ont précédé sa libération, Mgr Francis An a concélébré l’Eucharistie avec des membres de la partie “officielle” de l’Eglise de Baoding. Les autorités locales lui avaient demandé ce geste comme preuve de sa bonne volonté et d’appartenance à l’Eglise “officielle”. Devant 700 fidèles, le dimanche 20 août, il a donc concélébré la messe aux côtés de Mgr Su Changshan, évêque “officiel” – et non reconnu par Rome – du diocèse de Baoding, et de sept autres prêtres – dont trois anciens “clandestins”, devenus “officiels”. Pour l’occasion, les deux prélats avaient seulement revêtus une chasuble et une étole, mais ne portaient pas d’insignes épiscopaux. La messe a eu lieu à Donglu, haut lieu du diocèse de Baoding et résidence de Mgr Su Changshan, 81 ans. Dans son entretien à Ucanews, Mgr Francis An a expliqué que, “si les deux parties ne vivent pas la réconciliation par les sacrements, nos paroles de réconciliation sonnent creux”.

Selon le P. Joseph Yang Yicun, un des prêtres qui a concélébré la messe du 20 août, l’intention de l’office célébré était “l’unité et la solidarité” et Mgr Francis An a été chaleureusement applaudi par l’assemblée. Le P. Joseph Yang fait partie du cercle de six prêtres qui assiste Mgr Su Changshan dans la gestion du diocèse, depuis la mort, en décembre dernier, de Mgr Matthew Pan Deshi, évêque “officiel” de Baoding. Toujours selon le P. Joseph Yang, tant les autorités locales que le clergé “officiel” de Baoding espèrent que les deux évêques, Mgr Francis An et Mgr Su Changshan, trouveront les moyens de collaborer pour le bon développement de l’Eglise locale, même si aucune action concrète n’a encore été discutée.

Du côté “clandestin”, il semble que la communauté soit divisée quant à la décision prise par Mgr Francis An. Le diocèse de Baoding compte dix fois plus de “clandestins” que d'”officiels”. Quatre-vingt prêtres, une centaine de religieuses et environ 100 000 fidèles face à un évêque, Mgr Su Changshan, quinze prêtres, une dizaine de religieuses et 10 000 fidèles. Mgr Francis An n’a pas caché que sa décision avait suscité beaucoup d’incompréhensions mais qu’il espérait “amener tous nos prêtres à discuter ensemble des moyens de parvenir à la réconciliation à Baoding”.

Pour l’heure, l’incompréhension de certains “clandestins” se manifeste par une prise de distance à l’encontre de Mgr Francis An. “Depuis qu’il est libéré, de nombreux prêtres ont refusé de le rencontrer et des laïcs évitent d’assister aux messes qu’il célèbre a témoigné un prêtre, “clandestin” jusqu’en 2005 et désormais “officiel”. Hors de Baoding, dans le pays, sur les forums de discussion des sites Internet catholiques, les débats sont également vifs quant à la décision prise par Mgr Francis An.

Selon un prêtre “clandestin” de Baoding, quelles que soient les résistances au dialogue entrepris par l’évêque auxiliaire de Baoding, on ne peut cacher le fait que ces divisions entravent le travail de l’Eglise. Le P. Joseph Yang va dans le même sens et déplore le fait que le conflit entre les deux communautés ait amené un arrêt du travail pastoral et d’évangélisation dans certaines paroisses du diocèse. Les vieilles familles catholiques, paysannes surtout, n’ont plus reçu de formation religieuse et “leur vie religieuse se résume à aller à la messe et à réciter des prières poursuit le P. Joseph Yang. La Bible et l’enseignement de l’Eglise sont peu connus des paroissiens et leurs enfants ont donc peu de chance de connaître le catholicisme.