Eglises d'Asie

Indignation après le viol d’une religieuse catholique au Chhattisgarh

Publié le 26/06/2015




Dans la nuit du 19 au 20 juin dernier, une religieuse catholique, infirmière dans un centre de soin tenu par l’Eglise, a été violée par deux hommes. Le crime a été commis à Raipur, capitale du Chhattisgarh (centre de l’Inde), à peine plus de trois mois après qu’une semblable affaire a eu lieu au Bengale-Occidental.

La religieuse, âgée de 47 ans, est originaire du Kerala, dans le sud du pays. Membre de la congrégation des Missionnaires salésiennes de Marie Immaculée, infirmière diplômée, elle exerçait son ministère au Khrist Sahay Kendre (Christ Help Centre), un petit dispensaire situé dans l’agglomération de Raipur.

Le 24 juin, la religieuse, dont l’anonymat est préservé, a témoigné devant la presse locale de l’attaque dont elle a été victime. Le 20 juin, sur le coup de 1h30 du matin, deux hommes ont pénétré dans les locaux du dispensaire, où la religieuse se trouvait seule. Le dispensaire n’hébergeant pas de patients cette nuit-là, la religieuse avait renvoyé chez elles les deux aides-soignantes employées par le centre. Aux deux hommes, la religieuse a demandé s’ils voulaient de l’argent. Ils ont répondu « vouloir bien plus que de l’argent ». Toujours selon le témoignage de la religieuse, les deux hommes l’ont forcé à avaler des cachets, lui ont arraché son sari et s’en sont servis pour l’attacher à un lit avant de la violer tour à tour. La religieuse n’a été retrouvée, inconsciente, que le lendemain matin, à 6h, par ses supérieures du couvent voisin, qui s’inquiétaient de ne pas la voir apparaître.

La conférence de presse du 24 juin a été organisée par l’archidiocèse de Raipur et la supérieure de la religieuse pour témoigner de la violence de l’agression et protester contre l’attitude des autorités. La police n’a en effet ouvert une enquête que pour « tentative de viol » alors que les autorités catholiques soulignent le fait que le viol est avéré. De plus, le gouvernement local n’a fait mention de ce crime qu’en évoquant une attaque contre « une infirmière », sans mentionner sa qualité de religieuse de l’Eglise catholique. Enfin, l’attaque ne semble pas être crapuleuse, ce qui ne laisse ouverte la question de son motif.

Au matin du 20 juin, la supérieure de la religieuse a en effet trouvé de l’argent éparpillé sur le sol de la pièce où le viol a été commis. Sur une étagère, une boîte contenant 26 000 roupies (370 euros) a été laissée intacte, un fait a priori contradictoire avec les déclarations de la police selon lesquelles les assaillants ont pénétré dans le dispensaire pour y chercher de l’argent liquide et des biens de valeur et ont ensuite agressé la religieuse faute d’en trouver.

« Pénétrer par effraction dans un centre médical clairement identifié comme étant chrétien, s’en prendre à une religieuse dont l’habit la désignait comme telle, et l’agresser comme elle l’a été, tout ceci montre que cette attaque obéit à un motif religieux », a dénoncé John Dayal, porte-parole du Forum uni des chrétiens. « Les autorités doivent tout mettre en œuvre pour appréhender les coupables et réaliser la promesse faite au plan national par le Premier ministre selon laquelle il est du devoir du gouvernement de créer un environnement où la communauté chrétienne ne puisse pas être victime de telles violences », a encore ajouté le militant chrétien, en faisant allusion aux engagements pris par le Premier ministre Narendra Modi lors de sa rencontre en août dernier avec le président de la Conférence des évêques catholiques de l’Inde (CBCI). Face au cardinal Cleemis Thottunkal, qui lui exprimait les inquiétudes de la minorité chrétienne (2,3 % de la population du pays) quant à la politique pro-hindoue menée par le BJP (Parti du peuple indien, au pouvoir à New Delhi), Narendra Modi avait mis en avant sa volonté de défendre la Constitution de l’Inde et les principes laïques et démocratiques que celle-ci porte.

A Raipur, les chrétiens ont manifesté leur indignation en manifestant dans la rue dès le dimanche 21 juin. Plusieurs milliers d’entre eux ont dénoncé l’inaction des autorités face à la multiplication des actes antichrétiens au Chhattisgarh. Ils ont dressé un parallèle entre le viol de la religieuse salésienne à Raipur et celui d’une religieuse catholique septuagénaire dans une ville proche de Calcutta le 13 mars dernier – crime qui avait fait grand bruit dans le pays. Selon Arun Pannalal, président du Forum chrétien du Chhattisgarh, « en s’en prenant à des religieuses chrétiennes pour les violer, les agresseurs cherchent à infliger une humiliation et une douleur maximales à la communauté [chrétienne] ». « Nous ne savons pas qui a commis cette attaque haineuse contre la religieuse, mais nous soupçonnons que des militants de l’hindutva puissent avoir tenu un rôle dans cette attaque », a ajouté Arun Pannalal, rappelant également que les organisations de la mouvance hindouiste étaient très actives dans l’Etat et n’hésitaient pas à cibler les chrétiens.

A New Delhi, la Conférence épiscopale s’est déclaré « profondément alarmée » par l’attaque dont la religieuse de 47 ans a été victime. « De telles affaires de violence à l’encontre des minorités et des femmes en particulier ternissent l’image de notre pays à l’étranger, sans parler du fait qu’elles posent de graves questions sur le degré de sécurité dont jouissent les minorités aujourd’hui en Inde », peut-on lire dans un communiqué de la CBCI daté du 22 juin 2015.

(eda/ra)