Eglises d'Asie

Pour la fin du Ramadan, la cathédrale de Djakarta ouvre ses portes aux musulmans

Publié le 16/07/2015




Demain, vendredi 17 juillet, dès avant l’aube, pour les prières marquant l’Eid ul-Fitr (Idul Fitri) et la fin du Ramadan, la cathédrale de Djakarta ouvrira les portes de son parking afin de faciliter la venue des fidèles musulmans à la Grande mosquée Istiqlal, l’immense édifice du culte musulman qui se …

… dresse en face de la cathédrale catholique.

« Ce type de coopération avec [la mosquée] Istiqlal n’est pas une nouveauté ; il dure depuis une trentaine d’années. La coopération se manifeste également en dehors des temps de prière liés à l’Idul Fitri et nous sommes heureux de pouvoir les aider dans l’organisation de leurs autres activités religieuses », a expliqué Thomas Bambang, coordinateur pour les questions de sécurité à la cathédrale, au Jakarta Post du 14 juillet dernier.

Ainsi que l’écrit le quotidien anglophone, donner accès à son parking aux fidèles de l’autre religion n’est pas seulement un geste de tolérance sur un plan religieux ; c’est un exemple de la coopération qui a cours entre les responsables de l’église catholique et ceux de la mosquée centrale de Djakarta.

Si la cathédrale Notre-Dame de l’Assomption lance ses flèches néo-gothiques jusqu’à la hauteur de 60 mètres (l’édifice a été inauguré en 1901), elle fait face à la mosquée Istiqlal (‘Indépendance’ en arabe) qui peut accueillir plus de 100 000 fidèles et est la plus grande mosquée de l’Asie du Sud-Est. Son minaret culmine à 66,66 mètres (symbole de 6 666 versets du Coran).

Structure massive, la mosquée se compose d’un bâtiment central rectangulaire coiffé d’un dôme de 45 mètres de diamètre, supporté par douze colonnes. Elle a été conçue par l’architecte protestant Frederich Silaban, pour célébrer l’indépendance et c’est le premier président du pays, Sukarno, qui en a lancé la construction, le 24 août 1961. Il a fallu dix-sept ans pour achever la construction de la mosquée, qui fut inaugurée par le président Suharto le 22 février 1978.

Le fait que la mosquée soit située en face de la cathédrale ne doit rien au hasard. Sukarno avait voulu cette proximité géographique afin, affirmait-il, de symboliser l’harmonie religieuse et la tolérance telles que prônées par le Pancasila, les cinq principes constituant les fondements philosophiques de la nation indonésienne. Tolérance et harmonie qui n’ont pas toujours été de soi, notamment lors des troubles qui ont accompagné la chute de Suharto en 1998 et que des musulmans tentèrent d’attaquer la cathédrale.

Selon Thomas Bambang, le parking de la cathédrale peut accueillir 250 motocyclettes et 160 voitures individuelles et, dès demain, sur les coups de 3 heures du matin, des employés de la cathédrale et des jeunes catholiques volontaires seront présents sur place pour faciliter la venue des fidèles, qui ensuite traverseront à pied la rue pour se rendre à la mosquée. « Nous espérons que les musulmans pourront célébrer solennellement les prières de l’Idul Fitri », précise le responsable catholique, qui ajoute que la coopération entre les deux lieux de culte n’est pas à sens unique. Pour les célébrations de Noël et de Pâques ainsi qu’à l’occasion d’autres grandes fêtes, le personnel de la mosquée Istiqlal ouvre les portes de son parking aux catholiques.

Chargé des relations publiques de la mosquée, Abu Hurairah Abdul Salam précise de son côté au Jakarta Post que 150 000 personnes sont attendues pour les prières de l’Idul Fitri et que l’aide de la cathédrale est donc bienvenue. Il rappelle que, cette année, à Pâques, plusieurs dizaines de membres du personnel de la mosquée ont été déployés pour assurer la sécurité des accès à la cathédrale. Il ajoute enfin que les relations entre les deux lieux vont au-delà du partage des parkings. Lorsque des dignitaires catholiques se rendent à la cathédrale, tel le cardinal Tauran en 2009, il arrive fréquemment qu’ils visitent ensuite la mosquée, explique-t-il. En ces temps d’intolérance croissante, il est important que ces deux lieux de culte soient un exemple de tolérance religieuse, affirme encore Abu Hurairah Abdul Salam.

Dans une Indonésie de près de 240 millions d’habitants, les musulmans forment officiellement 85 % de la population, tandis que la minorité chrétienne représente environ 10 % de la population. De manière récurrente, les protestants comme les catholiques rencontrent des difficultés pour construire ou agrandir et rénover leurs lieux de culte, quand bien même le protestantisme et le catholicisme font partie des six religions officiellement reconnues par les autorités civiles. Dans la province de Yogyakarta, des extrémistes musulmans font actuellement pression pour que cinq églises et un sanctuaire marial soient fermés, au prétexte que la législation de 2006 sur la construction des lieux de culte n’a pas été respectée. Dans un autre registre, ce 9 juillet, les autorités, sous la pression de groupes extrémistes, ont fait fermer une mosquée à Bukit Duri Tanjakan (Djakarta-Sud) fréquentée par des ahmadis, branche de l’islam tenue pour hérétique par les musulmans sunnites, majoritaires en Indonésie.

(eda/ra)