Eglises d'Asie

POUR APPROFONDIR – Le point sur la situation politique et sociale du 27 mai au 14 juillet 2015

Publié le 17/07/2015




Chéa Sim, président du Sénat, meurt le 8 juin, à l’âge de 82 ans. Né en 1932 à Roméas (province de Svay Rieng), Chéa Sim devient résistant anti-français dès 1952 au sein du mouvement Issarak, puis, après 1970, petit cadre khmer rouge. Il occupe le poste de président du district de Ponhéak Krek durant le régime …

… khmer rouge et rompt avec Pol Pot en 1978, pour se réfugier au Vietnam. C’est l’un des fondateurs du FUNSK (Front Uni National de Salut du Kampuchéa), le 2 décembre 1978, qui appelle les troupes vietnamiennes à venir « libérer » le Cambodge. Durant les premières années de la République Populaire du Kampuchéa (1979-1989), il sera ministre de l’Intérieur aux pratiques brutales, et arrêtera nombre de réformateurs proches de Hun Sen, de vingt ans son cadet et étoile montante du nouveau régime. Suite à une tentative de coup d’Etat contre Hun Sen en 1998, il perdra progressivement le pouvoir, surtout après une attaque cérébrale en 2000. Une délégation du Parti communiste vietnamien, dont le président de l’Assemblée nationale vietnamienne, vient rendre les deniers hommages à Chéa Sim qui « a montré la bonne amitié entre le Cambodge et le Vietnam ». Il est incinéré solennellement le 19 juin, devant la pagode Botum Vadey.

 

Politique intérieure

Après sa défaite électorale du 27 juillet 2013, le PPC fait le maximum pour museler les oppositions et la liberté de parole :

* Le gouvernement tient à faire voter très rapidement la loi sur les ONG, en sommeil depuis plusieurs années, officiellement pour éviter des agissements de terroristes en leur sein. Ce projet suscite de nombreuses réactions de la part des ONG, de l’ambassade des Etats-Unis, de l’UE, qui y voient une tentative pour réduire au silence les ONG contestataires (possibilité par le gouvernement de fermer une ONG qui mettrait en danger les traditions du pays, refus d’enregistrer les ONG sans avoir à en donner la raison, obligation de fournir un rapport financier et moral annuel, etc.). Les ONG se plaignent de n’avoir pas été consultées et de n’avoir entre les mains qu’un projet vieux de trois ans. Elles manifestent plusieurs fois leur désaccord. Le 30 juin, la police bloque une manifestation de plusieurs centaines de membres d’ONG (Cambodia Daily – CD du 01.07.15).

* Le 6 juillet, la loi est acceptée par le Conseil des ministres et transmise à l’Assemblée nationale. Le 8 juillet, le PPC organise une réunion avec les ONG pour recueillir leurs avis : les députés de l’opposition, Licadho et Adhoc, boycottent la réunion, Transparency International n’y est pas invitée… Seules les associations de jeunesse proches du gouvernement prennent la parole pour approuver le projet. Le 9 juillet, le Parlement européen adopte une résolution qui demande au gouvernement khmer de ne pas voter cette loi : cela risque de lui coûter 700 millions de dollars par an, vu l’argent apporté par ces ONG (CD du 11.07.15).

* Le 13 juillet, jour de l’adoption de la loi, au moins un millier d’opposants tentent de manifester devant l’Assemblée nationale (CD du 13.07.15).

* Un projet de loi sur les syndicats suscite de nombreuses réactions, y compris de la part de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) qui estime ce projet comme « une marche arrière ». Ce projet stipule qu’un syndicat doit comprendre 20 % des ouvriers d’une usine pour être enregistré. La dernière version du texte autorise le ministère du Travail à suspendre des syndicats qui, selon le gouvernement, ont causé du « sabotage économique, ou qui ont endommagé les intérêts nationaux » (CD du 10.06.15).

Divers

* Le 29 mai, le PPC recrute des partisans pour former des groupes, sous la direction de Hun Manet, fils de Hun Sen, afin de gagner les Cambodgiens de l’étranger à sa cause (CD du 02.06.15). Le 10 juin, sept nouveaux ambassadeurs sont nommés : ils reçoivent pour mission de faire campagne pour le PPC auprès des communautés khmères de l’étranger (CD du 13.06. 15).

* Le 6 juillet, est votée une loi visant à contrôler les loyers, pour éviter qu’ils ne croissent au même rythme que le salaire des ouvriers (CD du 07.07.15).

* Le 14 juin, Say Chhum, secrétaire général du PPC, et Sar Kheng, ministre de l’Intérieur, reçoivent le titre royal de « Samdech » : respectivement « Vibol Sena Phéakdey » et « Kralahorn ». Le 20 juin, Say Chhum remplace Chéa Sim comme président du Sénat. Le 21 juin, 508 des 545 membres du Comité Central du PPC élisent Hun Sen président du PPC, Sar Kheng et Say Chhum, vice-présidents. Trente-quatre membres forment le Comité permanent, qui prend les décisions au jour le jour. Neuf membres du comité permanent forment le Comité exécutif (« on duty »). Parmi les 38 conseillers de Say Chhum, on note la présence de Duong Sochéat, du ministère de la Santé, accusé d’avoir détourné 350 000 dollars du Fonds de lutte contre le Sida, la tuberculose et la malaria (CD du 22.06.15). Sam Rainsy présente son « énorme satisfaction et bonheur » et ses « plus chaudes félicitations » à Hun Sen pour sa nomination. Il dira par la suite que c’est seulement un langage de politesse, mais qu’il continue le combat (CD du 26. 06. 15).

* Le 8 juin, le Premier ministre Hun Sen provoque Sam Rainsy : si les élections de 2013 ont réellement été truquées, comme il continue de l’affirmer, qu’il vienne faire un serment devant Préah Dangkao (Néak Ta très puissant en face du Palais royal), en appelant sur sa personne la foudre, les balles, la mort violente en cas de parjure. Sam Rainsy, de retour d’Europe, accepte le défi tout en disant que le décompte des voix serait plus efficace (CD du 11.06. 15).

* Le 9 juin, le roi Sihamoni accorde l’amnistie à Sourn Serey Ratha, condamné à sept ans de prison pour « terrorisme » lors de dernières élections, et en fuite depuis lors. Il est autorisé à fonder un parti politique : le KPPM (Khmer People Power Movement). Le 12 juin, Mâm Sonando annonce son intention de fonder un parti politique : « La Ruche, Parti démocrate social » (CD du 13.06. 15). Tout ce qui peut diviser l’opposition est bienvenu (CD du 13.07.15).

* Le 22 juin, l’Union européenne s’engage à verser 11 millions de dollars au Comité Electoral National pour préparer les listes électorales des élections de 2017 et de 2018 (CD du 23.06.15).

Politique extérieure

Empiètements vietnamiens sur les frontières du Royaume

Depuis l’indépendance du Vietnam, en 1954, les 1 228 km de frontières communes entre le Cambodge et le Vietnam ont toujours été un sujet ultra-sensible. Sihanouk avait exigé des pays amis du Cambodge qu’ils reconnaissent « le Cambodge dans ses frontières actuelles ». C’était, selon le Prince, les limites ultimes en deçà desquelles le pays ne pouvait survivre. En 1976, les négociations entre les deux pays ont échoué, et provoqué la guerre entre le Vietnam communiste et le Kampuchéa démocratique. Un traité sur les frontières a été signé entre les deux pays en 1985, sous le protectorat vietnamien, ce qui suscite la suspicion jusqu’à nos jours. Un traité additif a été signé le 10 octobre 2005, provoquant de vives critiques dont les auteurs ont été incarcérés. La pratique du secret et l’absence de transparence dans la fixation des bornes frontières a engendré des craintes légitimes. En 2012, le Premier ministre a tenu une longue conférence publique de cinq heures sur la question, exhibant de nombreuses cartes, mais comme aucune question n’était autorisée, le soupçon a perduré. C’est un fait que beaucoup de cas précis rapportés par les paysans, sans aucune intention politique, permettent objectivement d’affirmer que de nombreux empiètements, plus ou moins importants, se sont produits le long de la frontière.

* Le 25 mai, ADHOC enquêtait sur la déforestation illégale dans le district d’O Yadaw (province de Ratanakiri). L’ONG découvre que des militaires cambodgiens ont loué des terrains situés au Cambodge à des Vietnamiens pour y planter du manioc. ADHOC découvre également plusieurs travailleurs vietnamiens sans papiers qui travaillent dans des plantations de manioc, ainsi que cinq mares de 5 m sur 10 creusées dans une zone non-définie entre les deux pays (CD du 27.05.15). Le 8 juin, une trentaine de soldats vietnamiens en armes, tentent d’arrêter 300 villageois conduits par cinq députés de l’opposition dans le même secteur.

* Le 31 mai, plus de 300 Chams de la province de Tbaung Khum, accompagnés d’un député de l’opposition, se heurtent pendant près d’une heure à une trentaine de Vietnamiens, dont trois soldats en armes, qui les empêchent de rejoindre les 16,6 hectares qu’ils cultivaient jusqu’alors et que les Vietnamiens, ainsi que le ministre cambodgien des Affaires étrangères, affirment être en territoire vietnamien. Var Kimhong, président cambodgien du Comité mixte des frontières, affirme que durant les négociations avec le Vietnam il a obtenu 100 hectares cultivés par des Cambodgiens qui étaient au-delà de la frontière fixée par la France, mais que les villageois khmers qui occupaient ces 16,6 hectares contestés ne lui ont, alors, rien dit (CD du 03.06.15). La pratique du secret porte en elle-même son poison.

* Le 9 juin, le Premier ministre Hun Sen recommande à un membre du Bureau politique communiste vietnamien de rester calme devant les inspections sur la frontière commune et d’éviter la violence (CD du 10.06.15).

* Le 10 juin, une délégation de députés et de membres de l’opposition qui voulaient se rendre à la borne frontière Nº 23, près d’Andaung Méas (province de Ratanakiri), sont bloqués par la police locale. Selon ADHOC, la borne frontière Nº 23 se trouverait à 35 km à l’intérieur du Cambodge, selon la frontière fixée par le traité additif de 2005 (CD du 11.06. 15). Le 11 juin, le PNSC demande que soit réexaminé ce traité additif.

* Les 12 et 14 juin, puis le 1er juillet, le ministre cambodgien des Affaires étrangères adresse une note diplomatique « ferme » aux autorités vietnamiennes, leur demandant de respecter les frontières entre les deux pays, et entre autres, de cesser la construction d’une route et d’un poste militaire en deçà de la frontière à Koh Thom. D’après le ministre, ce ne sont pas ses premières notes de protestation. Une inspection menée par des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur a pu observer que 5 mares ont été creusées entre 380 et 545 m à l’intérieur du Cambodge, entre les bornes 30 et 40 (CD du 13.06.15). L’opposition propose de porter l’affaire devant un tribunal international. Dans sa troisième note du 1er juillet, le ministre cambodgien « attire spécialement l’attention sur les segments de la route construite par le Vietnam entre les bornes 194 et 203, 211 et 213, ainsi que 213 et 217 » (CD du 02.07.15).

* Le 24 juin, le vice-ministre vietnamien des Affaires étrangères se rend à Phnom Penh pour donner sa version des faits : à Koh Thom, il ne s’agit pas de la construction d’une caserne, mais de la réparation d’un ancien bâtiment. Le ministre cambodgien des Affaires étrangères réitère sa demande de ne rien construire dans les zones « blanches », c’est à dire non encore délimitées (CD du 25.06.15). Le 28 juin, un député de l’opposition qui voulait se rendre à la borne frontière 203 en compagnie de moines, de jeunes militants et de 300 villageois est bloqué par des soldats, des policiers et civils vietnamiens (CD du 29.06.15). Le 5 juillet, un enseignant qui se rendait sur la frontière avec 40 enfants, est battu par des civils vietnamiens et incarcéré pendant une nuit (CD du 06.07.15).

* Le 30 juin, une troupe de militaires de Mondolkiri qui avait arrêté des Vietnamiens en train de couper du bois précieux, est encerclée par des militaires venant de Kratié, de connivence avec les Vietnamiens, libèrent les bûcherons braconniers (CD du 02.07.15).

* Le 30 juin, le journal officiel vietnamien Nhan Dan critique violemment « les actions de quelques extrémistes cambodgiens » qui attaquent des civils vietnamiens. Le journal demande au gouvernement khmer de prendre des mesures pour faire cesser ces actions. Mais le porte-parole du ministère cambodgien de l’Information affirme que le Cambodge est un pays multipartite, et semble approuver les démarches de l’opposition, sans doute pour des raisons électorales. Il tient cependant à régler le problème sans la collaboration du PSNC (CD du 02.07.15). Un groupe mixte est créé entre les deux pays pour régler les problèmes (CD du 04.07.15).

* Selon la Constitution de 1993, les frontières du Royaume sont établies à partir de la carte au 1/100 000ème dessinée entre 1933 et 1953, que Sihanouk a transmise à l’ONU en 1964, et reconnue officiellement en 1969. Le PPC et le PSNC s’accusent mutuellement d’utiliser de mauvaises cartes, mais le gouvernement refuse de montrer les siennes avant celles de l’opposition (CD du 18.06.15). Le 28 juin, Sam Rainsy affirme être en possession des cartes au 1/100 000ème établies par la France, et demande la possibilité d’aller vérifier la conformité de la frontière avec ces cartes (CD du 29.06.15). Le 2 juillet, le gouvernement se défend d’utiliser une carte inexacte, mais depuis un mois, il a refusé de la montrer, et continue dans son refus, engendrant une suspicion légitime (CD du 03.07.15). Le 6 juillet Hun Sen demande à Ban Kim Moon une copie de la carte des frontières terrestres et maritimes déposée à l’ONU en 1964. Kim Ley, observateur neutre, s’étonne que l’on demande seulement maintenant une copie de la carte originelle, alors que le travail de démarcation est achevé à 80 % (CD du 07.07.15).

* Le 9 juillet, une session de travail de trois jours entre des experts vietnamiens et cambodgiens, se termine sans résultats concrets, à part des bonnes paroles (CD du 10.07.15)

Ces problèmes de frontière s’inscrivent dans une perspective plus large d’appropriation progressive du pays par les citoyens vietnamiens :

* Le 28 mai, cinq Vietnamiens sont arrêtés pour avoir érigé des statues et des stupas dans la région de Svay Leu (province de Siemréap) sur un terrain acheté en 2011. Cet incident arrive deux mois après la destruction de statues et de stupas érigés par des Vietnamiens dans l’île de Kapi (province de Koh Kong), où ils avaient ordonné sept moines. Au début de l’année, l’opposition a fait campagne pour que les autorités de Kampot ferment des lieux de cultes dans la montagne de Bokor, fréquentés par des Vietnamiens. C’est une façon de proclamer que ces terres appartiennent au Vietnam depuis toujours (CD du 02.06.15).

* Le 31 mai, 36 migrants vietnamiens sont arrêtés lors de 18 raids dans des boutiques de mobilier : 21 détenaient un passeport, mais avec simplement un visa de tourisme. Ils ont une semaine pour quitter le pays ; les 15 autres, sans papiers, sont renvoyés au Vietnam (CD du 12.06.15). Le 9 juin, 17 vietnamiens travailleurs dans le bâtiment sont arrêtés et les passeports de 142 Chinois saisis, car ils travaillaient sans permis. Parmi les travailleurs vietnamiens dix avaient des visas de touristes et sept n’avaient aucun papier (CD du 09.06.15). Le 25 juin, un raid de la police de l’Immigration arrête 109 travailleurs vietnamiens d’une usine de récupération de métaux : onze d’entre eux n’ont aucun papier. Depuis le recensement commencé en avril 2014, 2 423 étrangers ont été expulsés, dont 2 122 Vietnamiens (CD du 25.06.15).

* Le 10 juin, un officier de police vietnamien portant des habits civils participe à un forum public organisé par le PSNC concernant les empiètements du Vietnam sur le territoire cambodgien. Il est brièvement détenu puis relâché (CD du 12.06.15).

* Le 16 juin, la police cambodgienne saisit trois bus vietnamiens chargés de 14 tonnes de vêtements et autres denrées transportées en contrebande (CD du 17.06.14).

Ces empiètements vietnamiens s’inscrivent dans une longue histoire conquérante du Nam Tieng, la « marche vers le Sud » de l’Annam, commencée en 939. Ce rêve de conquête que l’Annam n’a pas réussi à réaliser en 1840-1845, en 1954, en 1975, en 1979-1989 reste dans les mémoires collectives des deux peuples. Les communistes khmers, tels que Ieng Sary (dans sa jeunesse) et Chéa Sim, prônaient la suppression des frontières an nom de l’internationalisme prolétarien.

Ils s’inscrivent également dans la géographie humaine : le Vietnam, d’une superficie double de celle du Cambodge, abrite près de 90 millions d’habitants, alors que le Cambodge n’en a que 15 millions, donc une densité trois fois moindre…

Ils s’inscrivent encore dans deux cultures différentes : de culture chinoise, tant dans la vie privée que publique, le Vietnamien s’intéresse plus à ce qui est en-dehors de chez lui qu’à ce qu’il possède. Le Cambodgien, de culture indienne et bouddhiste du Petit véhicule, évite les conflits à tous prix, et se retire silencieusement quand il se sent agressé. Mais quand la pression est trop forte, les rancœurs explosent avec une violence insoupçonnée.

* Dans le contexte de la tension entre la Chine et l’ASEAN, le Vietnam n’a aucun intérêt à créer une tension avec le Cambodge. « Le paysage politique a changé, tant à l’intérieur du Cambodge que dans la région et que dans le monde, affirme Sam Rainsy. Le Vietnam doit quelque peu mettre à jour sa position vis à vis du Cambodge. » (CD du 02.07.15). Cependant, le danger est à venir : en fin d’année 2015, la libre circulation des personnes et des biens sera autorisée au sein de l’ASEAN. A moins de clauses spéciales, cette mesure favorisera l’installation légale de nombreux Vietnamiens, spécialement de techniciens, au Cambodge.

* Le 24 juin, un bateau de guerre indien mouille pendant cinq jours dans le port de Sihanoukville. L’Inde se positionne ainsi dans le conflit qui oppose la Chine à plusieurs pays de l’ASEAN (CD du 25.06.15).

* Un nouveau poste frontière est ouvert entre le Cambodge et la Thaïlande à An Sès, situé à 45 km à l’Est de Préah Vihéar, qui permettra à la province thaïlandaise d’Ubon de commercer avec celle de Stoeung Treng (CD du 04.07.15).

Chambres spéciales au sein des tribunaux cambodgiens

* Selon les archives des CECC (Chambres Extraordinaires au sein des Cours Cambodgiennes) déclassifiées le 17 juin, la police cambodgienne a refusé plusieurs fois d’honorer les mandats d’arrêt à l’encontre de Méas Muth, chef de la Marine khmère rouge (lancé le 10.12.14) de Mme In Chaem, commandant d’un district du Nord-Ouest, et de Ta An, secrétaire-adjoint de la région Centre, accusés tous trois in absentia de crimes contre l’humanité. Le juge américain Mark Harmon a dû mener l’enquête seul, sans le juge You Bunleng, son partenaire khmer, qui a refusé son concours. Devant ces multiples ingérences gouvernementales, le 7 juillet, le juge Mark Harmon démissionne de son poste (CD du 08.07.15).

Economie

* Le ministre du Commerce décide que le prix maximum du m3 de sable exporté sera de 3,30 dollars, ce qui rapporterait 0,40 dollars au ministère (CD du 27.05.15). Initialement, 40 sociétés étaient intéressées par l’achat de sable, finalement 19 ont signé 30 contrats Plusieurs sociétés versent entre 1,92, 1,75, 1,60 et 1,45 dollars de taxe par m3 au ministère (CD du 13.06. 15).

* Le Centre d’Arbitrage commercial créé depuis 2010, lancé officiellement en 2013, reçoit sa première plainte. Son règlement, ses procédures et son budget n’ont été fixés qu’en juillet 2014. Ce centre comprend 52 membres et dix Associations d’hommes d’affaires, mais beaucoup ne semblent pas comprendre leur rôle (CD du 27.05.15).

* Le prix du caoutchouc brut est passé de 1 250 en mai 2014, à 1 650 dollars en mai 2015, le latex de 600 à 2 000 riels (CD du 02.06.15).

* Durant les six premiers mois de l’année, le poivre de Kampot a rapporté près d’un million de dollars (57 tonnes ; 12 tonnes l’an dernier pendant la même période). La superficie cultivée est passée de 60 à 110 hectares (CD du 08.07.15).

* Le commerce bilatéral avec la Chine s’est élevé à 3,75 milliards de dollars en 2013. On prévoit 4,21 milliards cette année, et 5,01 milliards en 2017 (CD du 23.06.15).

* La taxe sur le revenu a crû de près de 40 % durant les six premiers mois de l’année pour atteindre 706,75 millions de dollars (CD du 09.07.15).

Dons et investissements

* Le 28 mai, le Japon annonce l’octroi d’un prêt de 200 millions de dollars à faible taux d’intérêt pour l’élargissement de la route nationale 5 qui relie Phnom Penh à Poïpet, puis à Bangkok et à une zone économique en construction à Dawei (sur l’Océan Indien, en Birmanie). En mars, le Cambodge avait déjà reçu un prêt de 155 millions. Ainsi se réalise progressivement le « corridor économique » qui permettra les investissements japonais en évitant aux marchandises le détour par Singapour et la pointe de Camau (Vietnam). Le Japon s’est engagé à donner 110 milliards en cinq ans pour améliorer les infrastructures dans les cinq pays du bas-Mékong. C’est sa façon de se positionner face à l’expansion commerciale chinoise.

* Selon le gouvernement japonais, en 2013, le PIB par habitant était de 5 390 dollars en Thaïlande, 2 073 au Vietnam, 1 628 au Laos, 1 103 en Birmanie et 1 108 au Cambodge (CD du 01.07.15).

* Le 16 juin, une délégation de douze sociétés turques se rend au Cambodge pour y chercher des possibilités d’investissement dans la technologie. « Le Cambodge est le portail de l’Asean », affirme la délégation (CD du 17.06.14).

* Le 1er juillet, une société de Hongkong lance la construction d’une nouvelle zone économique de 63 hectares dans la périphérie de Phnom Penh (Dankao), qui pourra employer entre 20 000 et 25 000 ouvriers, avec un investissement de 100 millions de dollars (CD du 02.07.15).

Société

Réfugiés

* Depuis octobre dernier environ, 170 Djaraïs du Vietnam se sont réfugiés au Cambodge, fuyant une persécution politico-religieuse. Au moins 54 ont été renvoyés au Vietnam. Depuis janvier, 109 d’entre eux attendent à Phnom Penh d’être acceptés dans un troisième pays (CD du 27.06.15).

* Le 29 mai, 199 Cambodgiens qui travaillaient comme esclaves sur des bateaux de pêche thaïlandais sont libérés par les autorités indonésiennes et cambodgiennes, et arrivent au Cambodge, le 18 juin. Cela porte à plus de 317 le nombre de pêcheurs cambodgiens libérés. Il en reste 239 dans l’île d’Ambon (Amboine), en Indonésie. Une société thaïlandaise accepte de verser le salaire de 230 d’entre eux. Il y aurait ainsi 300 000 esclaves travaillant sur des bateaux thaïlandais, en provenance de plusieurs pays. Un moratoire indonésien sur la pêche, en novembre dernier, est à l’origine de cet afflux d’esclaves abandonnés en Indonésie (CD du 18.06.15).

* Les quatre premiers réfugiés (trois Iraniens et un Rohingya de Birmanie) en provenance de l’île de Nauru (Australie) arrivent au Cambodge le 4 juin. Leur marchandage a commencé en février 2014. Si 31 millions de dollars ont été promis au Cambodge dans cette traite d’êtres humains, on ne sait pas avec précision combien a été versé pour cette première livraison. En dépit d’une intense pression exercée sur les réfugiés enfermés dans l’île de Nauru, aucun réfugié supplémentaire n’a exprimé le désir de partir au Cambodge (CD du 04.06.15). Mouvements sociaux

* Le 20 mai, environ 2 000 employés sur 2 500, d’une usine taïwanaise de fabrication de chaussures qui fournit M&M, située à Bati (province de Takéo), se mettent en grève pour protester contre le licenciement abusif de cinq d’entre eux qui tentaient de créer un syndicat. (Il y en a déjà cinq dans l’usine !). Les syndicats présentent une liste de 17 demandes, dont 15 dollars d’augmentation pour le transport. Le 23 mai, la cour municipale de Phnom Penh intime l’ordre aux grévistes de reprendre le travail et demande aux huit syndicats de ne pas exciter les manifestants. Le 5 juin, 2 000 ouvriers marchent sur la municipalité de Phnom Penh pour demander la révocation de l’ordre de reprise du travail. Le 9 juin, 500 employés qui tentent de porter une pétition au Premier ministre, sont bloqués par la police et les gardes de sécurité. La grève prend fin le 10 juin par le retrait partiel des demandes des ouvriers en échange d’un demi-salaire pendant le temps de grève.

* Le 5 juin, la police doit intervenir pour faire libérer 400 employés qui avaient accepté de faire trois heures de travail supplémentaires, et que leur patron avait enfermés à clef à l’intérieur de l’usine (CD du 08.06.15).

* Le 11 juin, près de 400 employés d’une usine fabriquant du matériel électronique pour Samsung, à Tram Kâk (prov.de Takéo) se mettent en grève pour demander à bénéficier de la même augmentation de salaire que les employés du textile qui est passé de 123 à 128 dollars. Le comité d’arbitrage ordonne aux employés de reprendre le travail le 15, mais les employés refusent et bloquent une nationale pendant une heure. Le 30 juin, la police arrête neuf responsables syndicaux qui sont libérés après une nuit de prison et d’« éducation » (CD du 02.07.15).

* On signale de nombreux cas d’évanouissements collectifs d’ouvrières (350 au moins, sans doute à mettre en relation avec la mauvaise santé des ouvrières) (CD du 03.07.15).

Une bonne nouvelle : les négociations tripartites (gouvernement, patronat et syndicats) pour une augmentation des salaires dans le secteur de la confection textile commenceront en juillet. Neuf syndicats qui représentent les 700 000 employés du textile se mettent d’accord pour demander un salaire mensuel minimum de 177 dollars (128 actuellement) (CD du 24.06. 15).

Conflits fonciers

* Le 27 mai, une centaine de Bunong manifestent devant le siège de Socfin KCD, société française du groupe Bolloré. Ils menacent de couper les hévéas de la plantation si leurs terres ancestrales ne leur sont pas rendues (CD du 28.05.15).

* Les Bunongs de Mondolkiri accusent la société Villa Development, qui appartient à l’épouse du vice gouverneur de la province, de couper la forêt en dehors des limites de sa concession (CD du 01.06.15).

* Le 2 juin, environ 1 500 villageois de sept arrondissements de la province de Préah Vihéar manifestent contre plusieurs sociétés accusées de couper les forêts et d’empiéter sur leurs terres. Ils sont bloqués par les militaires et la police. Cent vingt d’entre eux réussiront à atteindre la préfecture et à y déposer leur pétition (CD du 03.06.15).

* Deux bonnes nouvelles : en mars, le ministère de l’Agriculture a récupéré 20 000 hectares accordés en concession en 2008 à la société sucrière thaïlandaise Mitr Phol, fournisseur de Coca Cola ; plus de 2 000 familles avaient alors perdu leurs terres. Le 17 juin, six de leurs représentants portent une pétition au ministère de l’Agriculture pour réclamer 5 003 hectares appartenant aux 2 466 familles expulsées (CD du 18.06.15).

* Le 9 juillet, 128 familles de Kok Kong, avec l’aide de Licadho et de Adhoc, passent un accord, avec le sénateur Ly Yong Phat qui accepte de verser entre 250 et 25 000 dollars aux familles qu’il avait expulsées de leur terrain en 2007 (CD du 10.07.15).

Santé

* Selon un rapport de la FAO rendu public le 28 mai, depuis 1990, la sous-alimentation aurait diminué de 50 %. 14 % de la population étaient sous-alimentés à la fin de l’année 2014, ce qui représente environ deux millions de personnes. En dépit d’une baisse de 7 %, beaucoup d’enfants restent sous-alimentés, ce qui compromet leur développement physique et intellectuel. 51 % des femmes enceintes et 55 % d’enfants souffrent d’anémie (CD du 29.05.15).

* Plusieurs cliniques sans licence sont fermées : le 27 mai, trois dans la province de Battambang, au moins sept personnes sont arrêtées, dont quatre Chinois (CD du 27.05.15). Selon le ministère de la Santé, il y aurait plus de 3 000 personnes pratiquant la médecine sans qualification. Il y aurait également 200 supposés dentistes sans formation. 80 à 90 % des cliniques ont été inspectées (CD du 18.06.15).

* Selon un rapport de l’ONU en date du 26 mai, la consommation d’amphétamines serait en hausse au Cambodge : 94 % des drogués en cours de traitement en consommeraient. Les saisies d’amphétamines ont quadruplées de 2008 à 2013 (de 11 à 42 tonnes), dont l’une de 55 kg pour une valeur de 3 millions de dollars (CD du 22.06.15).

* Un projet de loi du ministère de la Santé interdit la consommation d’alcool avant 21 ans. Du plus laxiste en la matière, le Cambodge devient le pays le plus strict (CD du 18.06.15).

* Un rapport de l’UNICEF et de l’OMS place le Cambodge parmi les trois pays qui ont le plus réduit les déjections humaines en plein air, soit de 89 à 47 % de 1999 à 2013. En ville, le pourcentage est passé de 65 % à 0. Le problème reste encore réel dans les campagnes où le pourcentage est passé de 95 à 60 % (CD du 02.07.15).

* En 2005, le nombre d’« orphelinats » a grandi de 75 % pour atteindre le nombre de 269, et hébergent environ 12 000 enfants qui ne sont, pour la plupart, pas orphelins (77 % d’entre eux ont au moins un parent). C’est un commerce porteur surtout dans la région d’Angkor, où il est facile d’émouvoir les touristes (CD du 07.07.15).

Education Nationale

* Le 20 mai par décret du Premier ministre, est lancée la construction d’un deuxième Institut de Technologie à Thpong (Prov. de Kompong Speu) sur un terrain de 200 hectares qui formera des étudiants en onze départements. Cinq pays ont offert leur soutien financier dont la plus grande partie par la Thaïlande et la Corée du Sud. Le ministre de l’Education Nationale refuse tout enregistrement de nouvelles universités, à l’exception de celles qui donnent des formations en agriculture, en technologie et en sciences. « D’ici 2020, avec l’intégration économique dans l’ASEAN, beaucoup d’industries s’installeront au Cambodge », précise très justement le ministre (CD du 27.05.15).

* Selon un rapport de l’UNICEF, les conséquences de la violence sur les enfants au Cambodge auraient coûté 162 millions de dollars en 2013, soit 1 % du PIB (CD du 02.06.15).

* Selon les chiffres officiels, 94,5 % des enfants sont inscrits dans les 55 000 écoles primaires du Royaume. En plusieurs provinces, les classes comptent en moyenne 50 élèves (32 à Phnom Penh). Les instituteurs bénéficient désormais d’un salaire mensuel de 120 dollars, ce qui les oblige, encore, à avoir un second travail pour nourrir leur famille (CD du 17.06.14).

Culture

* Le ministère de la Culture et des Beaux-Arts décide de déplacer l’Université des Beaux-Arts des abords du musée national où elle a été construite il y a 100 ans, vers la presqu’île de Chrui Changvar. Cela permettra une expansion du Musée (CD du 29.05.15).

* Le 12 juillet, au terme d’une visite de trois jours du ministre cambodgien des Affaires étrangères, seize objets d’art cambodgiens dérobés sont restitués par la Thaïlande. Il en resterait une vingtaine qui doivent être analysés par des experts (CD du 13.07.15).

Divers

* Selon l’ambassade de France, environ 20 000 Cambodgiens auraient participé à la première guerre mondiale. Une exposition de dessins de Jacques Tardi leur est consacrée à l’Institut français (CD du 28.05.15).

* Le Cambodge obtient six médailles aux Jeux du Sud-Est asiatique : une d’or, trois d’argent, deux de bronze (CD du 09.06.15).

* On signale au moins deux assassinats de « sorciers » qui auraient causé la mort de villageois, à Mondolkiri et à Kompong Speu (CD du 13.07.15).

(eda/ra)