… Le conditionnel est de rigueur car la date exacte de son décès n’est pas connue, alors que ses proches l’ont annoncé samedi dernier, le 31 janvier, et attendent le retour de sa dépouille pour être certains de son décès. Mgr Shi avait été arrêté le 13 avril 2001, un Vendredi Saint, et était détenu depuis cette date au secret, sans qu’aucune charge n’ait été rendue publique contre lui.
Selon les informations disponibles, la famille n’aurait pas été directement informée du décès. Il lui aurait seulement été dit qu’elle devait s’attendre à recevoir la dépouille de l’évêque le 1er février. Cependant, ni dimanche, ni aujourd’hui, le corps ou les cendres de Mgr Shi n’ont été rendus à ses proches. Les seules sources officielles faisant état du décès de l’évêque ont été plusieurs appels des responsables du comité du village de Shizhuang (‘village des Shi’), berceau de la famille Shi, s’enquérant auprès de la famille du fait de savoir si la dépouille de Mgr Shi était bien arrivée sur place. A l’agence Ucanews, Shi Chunyan, 42 ans, petite-nièce de l’évêque, a précisé : « Nous attendons que son corps ou ses cendres soit rapportés à Shizhuang, notre village familial, avant de décider de la suite des événements », ajoutant : « Mes parents et les autres membres de la famille de Mgr Shi éprouvent une grande tristesse. Pendant des années, ils ont essayé en vain de savoir où il était détenu ; et aujourd’hui, la réponse à cette question est qu’il est mort. »
La semaine dernière encore, Yu Zhengsheng, l’un des sept membres du Comité permanent du Bureau politique du Parti communiste chinois – l’instance suprême du pouvoir en Chine – était en visite dans le Hebei. Une visite effectuée du 29 au 31 janvier et au cours de laquelle il a rencontré des responsables catholiques à Baoding. Quatre des proches de l’évêque avaient fait savoir qu’ils saisiraient cette occasion pour demander des nouvelles de leur aïeul à ce très haut dirigeant. Ils n’en ont toutefois pas eu le loisir, ayant été interpellés par la police et placés en résidence surveillée durant trois jours dans une résidence gérée par le gouvernement.
Dès que la nouvelle du décès de Mgr Shi a été connue, de nombreux catholiques ont fait part de leur tristesse sur les réseaux sociaux. Sur Weibo, l’équivalent local de Twitter, les commentaires saluant la mémoire de celui qui est qualifié de « martyr de l’Eglise » ne sont pas rares, rappelant qu’avec la mort de Mgr Shi, il ne reste désormais plus qu’un seul évêque de la partie « souterraine » de l’Eglise détenu au secret, à savoir Mgr James Su Zhimin, 84 ans, évêque de Baoding, dont quasiment aucune nouvelle n’a filtré depuis son arrestation le 8 octobre 1997 (1).
Mgr Shi avait vu le jour en 1923 au sein d’une famille catholique. Le 1er juin 1947, il est ordonné prêtre à l’âge de 24 ans, le cours de sa formation ayant été marqué par la guerre qui sévit alors en Chine. Après la prise du pouvoir par les communistes en 1949, le jeune prêtre est rapidement confronté aux manœuvres auxquelles se livre le nouveau régime pour mettre en place une « Association patriotique des catholiques chinois ». La résistance des catholiques est vive et le P. Shi est arrêté une première fois en 1954.
A partir de cette date, les autorités n’auront de cesse de le contraindre à accepter les nouvelles instances mises en place pour organiser le contrôle de la communauté catholique. En vain. Emprisonné en 1957, il est contraint aux travaux forcés dans une ferme du Heilongjiang puis dans une mine de charbon du Shanxi. Libéré en 1980 à la faveur des réformes mises en place par Deng Xiaoping, il retourne dans sa province d’origine, le Hebei, mais il est de nouveau arrêté en 1981 pour avoir exercé son ministère de prêtre. Brièvement détenu, il recouvre la liberté ; en avril 1982, il est ordonné évêque auxiliaire de Yixian dans la clandestinité. En 1987, il est de nouveau arrêté et placé en résidence surveillée pendant deux ans.
Le 21 novembre 1989, dans la province du Shaanxi, il prend part avec son évêque coadjuteur, Mgr Liu Guandong, à la première – et unique – réunion de la Conférence épiscopale « clandestine ». Tous les participants à cette réunion sont rapidement arrêtés et condamnés à des peines de prison ferme. Ce n’est que le 13 novembre 1993, après une intense campagne de mobilisation internationale, qu’il retrouve la liberté.
En 1995, Mgr Liu Guandong, affaibli par la maladie, se retire et Mgr Shi Enxiang devient donc l’évêque en titre du diocèse de Yixian. Le 13 juin 1995, Mgr Shi concélèbre la messe solennelle d’installation de Mgr Su Zhimin, aux côtés de Mgr An Shuxin, à Donglu, sanctuaire marial et bastion des catholiques « clandestins » du diocèse de Baoding et du Hebei. Des milliers de fidèles assistent à cette messe, organisée sans autorisation préalable des autorités. Selon l’ACAT, qui en avait fait un de ses prisonniers de conscience, la police n’aura alors de cesse que d’arrêter à nouveau les trois évêques.
Pour Mgr Shi Enxiang, ce sera chose fait le Vendredi Saint du 13 avril 2001. Mgr Shi est alors à Pékin où il loge chez sa nièce, quand les occupants de deux voitures immatriculées à Xushui, dans le Hebei, l’enlèvent en pleine rue. Sa famille cherchera à avoir de ses nouvelles, mais jamais les autorités ne répondront à leurs multiples requêtes, affirmant seulement qu’elles ne le connaissent pas. Si sa mort est confirmée avec le retour de sa dépouille, ce sera l’aveu implicite par les autorités qu’elles le détenaient bien depuis toutes ces d’années.
(eda/ra)