Eglises d'Asie

La Chine et le Vatican se parlent

Publié le 29/09/2015




Le pape François le dit, Pékin ne confirme ni ne dément : la Chine et le Saint-Siège se parlent. Dans l’avion qui le ramenait ce 27 septembre de Philadelphie vers Rome, lors de la traditionnelle séance de questions-réponses avec les journalistes l’accompagnant, le pape François a évoqué les négociations en cours …

… entre les deux parties. « Nous avons des contacts, nous parlons, et il faut aller de l’avant. Mais pour moi, avoir un ami, un pays ami comme la Chine, qui a une telle culture et tant de possibilités de faire le bien, ce serait une joie », a-t-il notamment déclaré.

Cette confirmation que des négociations sont en cours intervient alors que la concomitance des voyages aux Etats-Unis du pape François et du président chinois Xi Jinping n’a pas été l’occasion d’une rencontre, même brève, entre les deux hommes. Elle intervient de plus alors qu’il se confirme que les plus hautes autorités chinoises préparent une conférence au plus haut niveau sur les questions religieuses et que l’instance chargée d’appliquer la politique religieuse du Parti vient de publier des directives qui ne témoignent d’aucune ouverture vers plus de liberté religieuse.

Dans l’avion d’American Airlines qui le ramenait vers Rome, le pape a déclaré ceci à propos de la Chine : c’est « une grande nation, qui apporte au monde une grande culture et tant de bonnes choses. J’ai dit une fois lors d’un vol, quand nous la survolions au retour de Corée, que cela me plairait tellement d’aller en Chine. J’aime le peuple chinois, je l’aime ! Et j’espère qu’il y aura des possibilités d’avoir de bonnes relations. Nous avons des contacts, nous parlons, et il faut aller de l’avant. Mais pour moi, avoir un ami, un pays ami comme la Chine, qui a une telle culture et tant de possibilités de faire le bien, ce serait une joie ».

Etant donné le secret quasi absolu qui entoure les « contacts » entre Pékin et le Saint-Siège, ce qu’a dit le pape ce 27 septembre apporte quelques éléments d’information. Pour mémoire, en début d’année, le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’Etat du Saint-Siège, se montrait plutôt optimiste quant aux pourparlers en cours : en janvier, il déclarait en effet : « Nous sommes dans une phase positive. » Mais, fin avril 2015, le même cardinal Parolin adoptait un ton légèrement différent : tout en espérant la reprise d’un « dialogue substantiel », il estimait que les négociations entre les deux parties ne présentaient « pas de grandes nouveautés ». Du côté de Hongkong, l’évêque du lieu, le cardinal John Tong Hon, jugeait, le mois dernier auprès des journalistes de l’agence Ucanews, que « l’atmosphère était meilleure » entre les deux parties, même si son prédécesseur, le cardinal Joseph Zen Ze-kiun, se montrait toujours aussi dubitatif quant à la volonté réelle des dirigeants chinois d’amender leur politique religieuse.

Par ses déclarations au-dessus de l’Atlantique, le pape vient donc confirmer publiquement que les négociations existent et que les pourparlers progressent. Faute d’éléments concrets supplémentaires, on peut seulement constater qu’en août dernier, une ordination épiscopale a eu lieu en Chine populaire et que celle-ci, en la personne de Mgr Zhang Yinlin pour le diocèse d’Anyang (province du Henan), a concerné un candidat à l’épiscopat approuvé par Pékin et accepté par Rome. C’était la première ordination depuis trois ans, la première depuis que le cardinal Bergoglio a été élu pape en mars 2013 et la première depuis que la reprise, en juin 2014, des négociations entre Rome et Pékin.

Mais, du côté chinois, Pékin ne semble pas préparer de réforme de sa politique religieuse. Ce 22 septembre, le Front uni (1) a publié un document de 46 articles, dont quelques-uns ont trait aux religions. Il y est précisé que ce document a été approuvé le 30 avril dernier par le Comité permanent du Bureau politique du Parti – les sept dirigeants qui contrôle le pays – et qu’il est entré en application le 18 mai. Le fond doctrinal sous-jacent à ce document est de facture très classique : les religions n’ont de droit de cité en Chine que si elles font preuve de leur « utilité sociale » et dans la mesure où elles contribuent au « travail d’unification nationale » ; il est aussi rappeler que les religions doivent « garder fermement le principe de sinisation », ce qui implique de « prévenir » toute implication étrangère dans les activités religieuses des Chinois.

Quant à une éventuelle nouveauté que la présidence Xi Jinping pourrait introduire en matière de politique religieuse, il faudra attendre. Selon l’agence Ucanews, Xi Jinping doit présider le mois prochain une réunion à haut niveau du Parti consacrée aux affaires religieuses. Ce serait la première réunion de ce type à être présidée par Xi Jinping depuis son accession aux plus hautes fonctions. Des orientations qui y seront prises dépendra peut-être la teneur de la prochaine rencontre entre les négociateurs chinois et du Saint-Siège, laquelle est attendue vers la fin de cette année.

(eda/ra)