Eglises d'Asie

POUR APPROFONDIR – Le culte protestant aux caractéristiques chinoises

Publié le 23/05/2014




Pour décrire « l’économie socialiste de marché » qui prévaut en Chine, les dirigeants chinois parlent de « socialisme aux caractéristiques chinoises ». Que dire pour décrire l’essor manifeste que connaît la religion chrétienne, notamment sous sa forme protestante, en Chine populaire ? Difficile à quantifier, cet essor revêt-il des formes particulières ? Dans l’article ci-dessous, …

l’Américain Kurt Sellers explore les éléments de la culture chinoise que l’on peut discerner dans la manière dont le culte est célébré dans un temple protestant d’une ville de taille moyenne du centre de la Chine. Il décrit ainsi un « culte protestant aux caractéristiques chinoises », et analyse les voies que celui-ci est susceptible d’emprunter.

Cet article est paru dans la revue Exchange (Journal of Missiological and Ecumenical Research, Utrecht, Pays-Bas), vol. 41, n° 1, 2012, sous le titre « Protestant Worship with Chinese Characteristics: Reflections on a Chinese Worship Service ». La traduction est de la Rédaction d’Eglises d’Asie.

La plupart des chrétiens, sans aucun doute, s’accordent pour dire que leur service du culte doit être informé par la Bible et suivre les structures normatives de culte de l’Eglise primitive. Parce que le culte a lieu semaine après semaine, mois après mois, année après année, évoluant lentement et incluant inévitablement des aspects de l’environnement local, certains chrétiens pensent que leur manière de prier est « normale ». Par conséquent, peu de chrétiens réfléchissent vraiment à la relation entre culte et culture. Le « culte normal » peut cependant prendre des visages très différents selon les différents endroits du monde où il est célébré, en fonction de la culture, de la tradition et de l’histoire. L’utilisation de la danse dans le culte chrétien dans de nombreuses régions d’Afrique offre un exemple frappant de la relation unissant culte et culture. L’origine de l’« appel de l’autel » dans les églises baptistes en Amérique du Sud peut être retracée dans les mouvements de renaissance de la fin du XVIIIème et du début du XIXème siècle. Ces deux exemples ne sont que des illustrations de l’impact que les cultures locales peuvent avoir sur le culte chrétien, mais en réalité tout culte incorpore quelque chose de la culture locale au sein de laquelle il est célébré.

Se concentrant sur le culte tel qu’il est célébré dans une église chinoise du centre de la Chine, l’étude ci-dessous explore quelques-uns des liens possibles entre le service du culte protestant chinois et la culture chinoise. Bien qu’en surface, le culte dans cette église apparaisse très largement protestant, à la fois le ton formel du culte et quelques caractéristiques particulières de ce service semblent être reliés à certains aspects de la culture chinoise. De cette étude, nous tirerons quelques conclusions au sujet du lien entre culte et culture en Chine et nous ajouterons quelques pistes à propos de ce que pourrait être le culte chinois à l’avenir.

Un service « typique » du culte

Avant de se tourner vers l’examen du service du culte dans l’Eglise chinoise sur laquelle cette étude se concentre, il est nécessaire de préciser quelques détails à propos de la location et l’environnement de l’Eglise. L’Eglise décrite ici est une Eglise officielle dans une ville de taille moyenne de la province du Henan (1). Les Eglises officielles en Chine sont celles qui appartiennent aux deux lianghui protestants au plan local, provincial et national, à savoir aux « deux comités » que sont le Mouvement patriotique des trois autonomies (OMTP) et le Conseil chrétien de Chine (CCC). A travers leur participation aux lianghui, ces Eglises officielles sont enregistrées auprès de l’Administration d’Etat pour les Affaires religieuses (SARA, autrefois dénommée Bureau des Affaires religieuses) du gouvernement chinois en tant que point de rencontre dûment sanctionné pour des activités religieuses « normales » (2). Quant à la « ville de taille moyenne », cette réalité renvoie à l’une des presque 70 villes chinoises qui comptent entre 500 000 et deux millions d’habitants. La province du Henan, située au cœur de la Chine, juste au sud du fleuve Jaune, comprend non seulement la population la plus importante du pays (98,6 millions d’habitants) mais aussi le nombre le plus important de chrétiens (4,5 millions) (3).

Choisir d’étudier une église dans cette cité et dans cette province fournit un meilleur objet d’étude sur le culte chinois « typique » que dans une ville plus grande et plus cosmopolite du pays. Contrairement aux églises des plus grandes villes chinoises comme Pékin, Shanghai, Tianjin, Guangzhou (Canton), Chengdu, etc., des villes comme celle du Henan, « hors des sentiers battus », pour ainsi dire, ont moins de contacts avec l’influence chrétienne étrangère et fournissent de cette façon une image plus nette du culte chinois contemporain. Cette étude a été conduite à travers de nombreuses visites à cette église particulière sur une période de plusieurs années. En plus de la participation et de l’observation du culte sur place, ces observations et réflexions sont aussi fondées et informées par des entretiens et des conversations avec des dignitaires protestants, des pasteurs et des personnes rencontrées dans l’église et dans la ville, ainsi que de nombreuses autres personnes à Pékin et Shanghai, notamment des hauts dignitaires protestants, des universitaires et des chrétiens étrangers travaillant en Chine.

Ceci étant posé, il est nécessaire de décrire ce qu’est un service dominical du culte typique de cette église du Henan. Tous les dimanches, le service commence avec une hymne chantée qui prend place environ trente minutes avant le commencement à proprement parler du service. A mesure que les fidèles remplissent tranquillement le sanctuaire, un chantre se tenant auprès de l’ambon conduit les personnes qui arrivent à répéter les chants du jour, ceux qui ne sont pas encore bien connus ou ceux qui sont liés au temps liturgique (chants de Noël, de Pâques, etc.). Rapidement, à l’heure précise où commence le service (8h en été et 8h30 en hiver), les montants des portes du sanctuaire à l’avant du chœur et qui bordent l’ambon s’ouvrent et le chœur et les meneurs du culte du jour, tous habillés en robe blanche, s’avancent vers l’espace qui leur est réservé de chaque côté du chœur. Pendant la procession, l’assemblée se tient debout et chante « Saint, Saint, Saint, le Seigneur Dieu tout-puissant » (« Sheng zai san yi ge »), premier chant dans le Nouveau recueil chinois (Zan mei shi, xin bian).

Au même moment, les deux meneurs du culte du jour grimpent les marches les menant à l’ambon. Un pasteur, un lecteur ou un ancien, homme ou femme, préside habituellement le service l’un menant le service d’un pupitre, l’autre prêchant depuis le pupitre adjacent. Les services du culte incluent généralement deux ou trois chants de Nouveau recueil chinois (NRC) et le « Gloria Patri » (« rong yao song »), une antienne chantée, des prières notamment le Notre-Père, et une profession de foi en unisson avec le symbole des Apôtres. Le sermon, prononcé au milieu du service, dure invariablement presque exactement une heure. Quand le prédicateur du jour a fini et s’assoit, le meneur du culte se lève à l’autre pupitre et donne un résumé de six à sept minutes suivi des annonces concernant les activités de la semaine. Le service du culte s’achève par une bénédiction des deux mains du prédicateur du jour à partir de la Deuxième lettre aux Corinthiens (13,14), l’assemblée chantant le « triple amen ». Du début à la fin, le service du culte dans cette église dure habituellement une heure et demie. En entrant et en sortant de l’église, les fidèles ont la possibilité de faire une offrande dans un tronc scellé dans le foyer de l’église (4).

Quoique simple, la forme du culte dans cette église comprend les éléments standards du service protestant traditionnel tel qu’on le trouve partout dans le monde à travers le temps et l’espace. Quelques-uns de ces éléments traditionnels comprennent des prières publiques, des hymnes, et une confession des péchés et l’assurance du pardon, offerte habituellement dans la prière d’ouverture du service. Cette structure comprend aussi une participation de l’assemblée à de nombreux points, notamment dans les amen des prières et dans la récitation du Notre-Père et du symbole des Apôtres. Par-dessus tout, l’accent protestant traditionnel sur l’annonce de la Parole est évidente dans le placement du sermon au cœur du service. Bien entendu, de petite variations peuvent prendre place service après service, semaine après semaine, mais cette description fournit l’exemple d’un culte « typique » dans cette église d’une cité moyenne de la province du Henan. Les meneurs du culte et les prédicateurs peuvent changer, autant que les chants et les passages des Ecritures, mais le service suit normalement ce schéma prescrit.

Un culte « conservateur »

Ce qui frappe de premier abord ceux qui, étrangers comme Chinois, assistent pour la première à un service du culte protestant en Chine comme celui décrit ci-dessus, est la simplicité du format comme de la formalité du culte. Qu’est-ce qui rend formel, voire conservateur, le culte dans cette église protestante ? Une explication possible tient au fait que ce qui se passe dans les Eglises officielles des zones urbaines sont des activités publiques hautement visibles prenant place dans une société autoritaire. En d’autres termes, parce que le gouvernement chinois craint une opposition organisée, il n’y a que peu d’institutions légitimes autorisées à exister à travers une association volontaire, et les Eglises protestantes en font partie. Tout au long de l’Histoire, le gouvernement chinois a été méfiant à l’égard des mouvements religieux parce que plusieurs d’entre eux ont aussi servi comme lieu d’expression de dissidences politiques (5). Les mouvements religieux avec des liens à l’étranger sont particulièrement sensibles pour le gouvernement, et parce que l’Eglise protestante prétend être une association universelle avec des connexions globales, elle reste particulièrement sensible aux yeux du gouvernement et pour cette raison soumise à examen et supervision.

Afin de suivre (i.e. contrôler) le mouvement protestant, la branche locale du SARA régule et supervise les Eglises officielles. Alors que réguler et superviser recouvre des réalités différentes en différents endroits, les Eglises vivent avec la possibilité que le gouvernement surveille les services du culte et les autres activités se déroulant dans les églises. Le bureau local du SARA donne l’approbation finale pour les mouvements de personnel (embauche ou licenciement), en particulier en ce qui concerne le clergé. Les activités en dehors de celles déjà approuvées et établies dans l’agenda hebdomadaire normal doivent faire l’objet d’une déclaration et être spécialement approuvées. Le bureau du SARA doit aussi approuver les prédicateurs invités de l’extérieur du pays.

Le gouvernement « surveille » les activités de l’Eglise mais, dans les faits, le gouvernement tend, comme il le fait dans toutes les aires de la vie publique, à se reposer sur les institutions civiles et les individus pour pratiquer autocensure et autorégulation. Sous l’autocensure, les Eglises sont elles-mêmes leurs meilleurs surveillants. Un exemple d’autocensure ou d’auto-surveillance dans les Eglises officielles comme celle du Henan est l’omniprésence de femmes âgées ou d’âge moyen en veste grise avec un brassard rouge patrouillant dans la cours de l’église pendant le service du culte. Bien que pour ceux qui vivent dans une société démocratique à l’occidentale, la supervision et la régulation du gouvernement chinois sur les Eglises semblent extrêmes et strictes, en réalité les chrétiens chinois sont habitués à hocher la tête dans la bonne direction, tout en menant tranquillement leurs activités. Malgré l’intense négativité de la surveillance gouvernementale, les Eglises officielles, bien que jouissant du droit légal de se réunir, sont dans une position délicate dans la société chinoise, les forçant à être prudentes à propos de ce qui a lieu dans leurs locaux et à travers leur ministres.

Cette sensibilité politique explique-t-elle totalement le formalisme et le conservatisme du format et du style de culte dans l’église du Henan considérée ? Peut-être en partie, mais cela ne peut expliquer complètement la nature apparemment modérée du culte dans cette église. A quoi ressemble le culte ailleurs dans la même ville ? Les chrétiens interviewés dans cette ville s’accordent unanimement pour dire que la liturgie utilisée et le style de culte dans cette église sont similaires, sinon les mêmes que ceux qui sont utilisés dans toutes les églises officielles de la ville (6). Mais qu’en est-il des autres cultes protestants comme ceux des Eglises non officielles, ou ceux des Eglises domestiques ? En d’autres termes, le culte dans les environnements non officiels est-il plus vivant ou plus libre dans son expression et choix de liturgie ? Avant de répondre à cette question, il est nécessaire de définir ce qu’est une Eglise non officielle et une Eglise domestique.

Une part de la complexité dans l’utilisation des mouvements non officiels ou domestiques comme point de comparaison avec les cultes des Eglises officielles est liée à la définition d’« Eglise domestique » (7). En beaucoup d’endroits, les Eglises domestiques peuvent être assimilées à des « cellules » ou des « conventicules », puisqu’elles fonctionnent plus comme des groupes d’études bibliques que come des services du culte traditionnels. Ces petits groupes peuvent se réunir dans un domicile privé ou un autre lieu au calme, et comprennent de la prière, des lectures, des chants et des discussions sur la Bible. A mesure que davantage d’espace était laissé à la liberté personnelle dans la société chinoise au cours de ces dernières décennies, de plus en plus de chrétiens se sont retrouvés ensemble discrètement dans des lieux de plus en plus grands, et même dans des églises, sans être particulièrement inscrits auprès du SARA local. Wenzhou, sur le littoral oriental de la Chine, est une ville dans laquelle les Eglises domestiques célèbrent ouvertement le culte dans des églises bien visibles. Certains l’appellent « la Jérusalem de l’Orient » ou « la Jérusalem de la Chine » en raison du grand nombre de chrétiens qui y vivent et de la force du mouvement des Eglises domestiques (8). Bien que ces Eglises ne se trouvent pas sous le contrôle du SARA, nombre de répondants à l’étude, Chinois comme étrangers, notent que le ton modéré du culte et la simplicité du format de la liturgie dans ces Eglises officieuses semblent remarquablement similaire au culte pratiqué dans les Eglises officielles typiques, comme celle considérée dans le Henan (9).

Une autre raison avancée pour expliquer le style conservateur de culte dans les Eglises officielles tient au respect pour le passé. Comme beaucoup d’Eglises du Henan et autour du centre de la Chine, l’Eglise considérée a été établie par la Mission de la Chine intérieure (MCI) au début du XXème siècle. Dans les Eglises comme celle-là, même là où il n’existe pas de mémoire directe, un sens de la loyauté institutionnelle existe de telle façon que les responsables de l’Eglise parlent encore avec révérence du fondateur J. Hudson Taylor et de ses disciples vêtus à la chinoise. Un autre exemple du respect pour les missionnaires du passé peut être observé dans les Eglises initiées par les missionnaires mennonites de la province du Henan, dans lesquelles les femmes âgées ont encore l’habitude de se couvrir la tête. Ainsi, en dehors du respect pour le passé, pour les missionnaires et pour les anciens dans l’Eglise, on constate un engagement fort pour la préservation de la foi et de la liturgie ainsi que du style du culte reçu en de nombreuses Eglises comme celle considérée dans cette étude (10).

Le respect pour le passé contribue certainement à cette réticence au changement que l’on constate et contribue peut-être pour partie au ton lénifiant et modéré du culte dans cette église du Henan, mais le souci de conserver la tradition reçue des Eglises occidentales ne suffit pas comme facteur explicatif. Trop de temps s’est écoulé pour que les chrétiens chinois n’aient pas forgé leurs propres structures de culte. Premièrement, les chrétiens chinois ont été coupés de l’Occident dans les années 1950, ensuite le culte a été complètement interdit durant la Révolution culturelle (1966-1976), et quand les portes des églises ont été finalement rouvertes à la fin des années 1970 et au début des années 1980, alors que quelques-unes des principales caractéristiques de l’époque missionnaire étaient encore présentes, des aspects de la culture chinoise avaient été appropriés et inclus dans le culte de cette Eglise du Henan.

Le culte protestant avec des caractéristiques chinoises

En tant que fait, la conservation du passé, et en particulier des rituels, est en elle-même un aspect important de la tradition chinoise, un héritage durable de la tradition confucéenne. En gardant une vision de l’âge d’or d’un passé lointain et le désir de restaurer la société dans son ancienne gloire, le confucianisme entretient une haute attention pour le passé. Ce respect pour ce que les anciens ont accompli est profondément inscrit dans l’ADN de la société chinoise. En fait, respecter la tradition est une manière de respecter les anciens et tombe ainsi directement dans la catégorie de la piété filiale, qui, dans la tradition chinoise, a été placée au « sommet de toute vertu ». Par conséquent, les tentatives de préservation du passé, aussi bien dans les Eglises officielles que les autres, dans un environnement urbain ou rural, doivent être entendues dans un contexte chinois. Cet aspect conservateur de la culture chinoise contribue au conservatisme de la liturgie et du style des cultes chinois.

Si le confucianisme a joué un rôle en influençant le ton conservateur du culte protestant chinois, comme le montre cette Eglise de la province du Henan tout comme nombre, voire la plupart, des Eglises chinoises, cela pose la question de comprendre comment telle ou telle caractéristique culturelle chinoise ont été explicitement ou implicitement adoptées. Une autre connexion possible avec la tradition culturelle chinoise peut être trouvée dans l’utilisation des couleurs dans le culte. Dans la cosmologie traditionnelle chinoise, les couleurs représentent les cinq phases ou les cinq éléments qui sont à la source de toute chose (11). De cette corrélation des cinq éléments avec la source de toute chose, Confucius codifia les couleurs noir, rouge, bleu-vert, blanc et jaune en tant que couleur « supérieures » de la Chine.

De ces cinq couleurs traditionnelles, trois émergent dans le culte de l’Eglise considérée : le noir, le blanc et le rouge. Traditionnellement, le noir représente la couleur des cieux. Le blanc représente la couleur du deuil et était une couleur utilisée pour les funérailles. Parce que le blanc correspond à la couleur de l’or cependant, il peut aussi symboliser la lumière, la pureté et la plénitude. La couleur rouge a toujours été la couleur la plus appréciée en Chine, à la fois dans la Chine ancienne et dans la Chine contemporaine. La couleur rouge symbolise le bonheur, représenté par la bonne fortune et la joie. Les Chinois exposent de manière proéminente des bannières rouges pour le Nouvel An chinois, pour les mariages et pour toute autre occasion festive, y compris l’inauguration d’une entreprise. Le rouge symbolise aussi le feu, un élément qui peut faire fuir tout mal. Dans la Chine moderne, le Parti communiste chinois a coopté le rouge comme la couleur symbolisant la couleur de la révolution chinoise dans les slogans « l’orient est rouge » ou « la Chine rouge ».

Noir, blanc et rouge sont les couleurs dominantes utilisées dans les locaux et dans le culte de l’Eglise étudiée. Bien qu’il puisse ne pas y avoir de connexion nette entre l’utilisation traditionnelle du noir et l’utilisation du noir dans cette église, la couleur noir se distingue comme ornement des chanteurs et les tenues du clergé. Le noir se distingue aussi sur les surfaces blanches pour les impressions et la calligraphie, la calligraphie étant une haute, si ce n’est la plus haute, expression de l’art chinois. Dans le chœur, la couleur blanche aussi se distingue de manière prééminente. Les aubes portées par le clergé, les ministres du culte et la chorale sont toutes blanches. Dans la culture chrétienne chinoise, le blanc symbolise à la fois la mort du Christ, mais aussi la pureté qui vient lorsque l’on est « dans le Christ », pour utiliser une expression paulinienne majeure.

Tout comme dans la culture chinoise au sens large, le rouge domine dans l’utilisation des couleurs de cette église. Il borde les franges des aubes de ceux qui dirigent le culte et le prêche. Tous les versets de la Bible ou les autres slogans écrits sur les murs du chœur le sont en rouge, y compris les grands caractères utilisés pour « Emmanuel » (yi ma nei li) sur le mur derrière l’ambon. Le tapis sous l’ambon à l’avant du chœur est aussi rouge que les croix exposées à l’intérieur et à l’extérieur de l’église, y compris la plus importante à la pointe du clocher. La signification de la couleur rouge dans ce contexte est multiple. Comme mentionné précédemment, le rouge dans la culture chinoise symbolise le bonheur, qui rejoint tout près la conception chrétienne du rouge comme couleur du sacrifice jusqu’à la mort du Christ et qui apporte le bonheur éternel. L’utilisation uniforme et standardisée de ces couleurs dans cette église, comme dans d’autres églises chinoises, induit au minimum la capacité de relier la signification traditionnelle chinoise des couleurs avec les thèmes et les symboles chrétiens.

Une autre connexion possible à la culture chinoise traditionnelle peut être trouvée dans une activité à laquelle les fidèles participent au début et à la fin de tous les services dans cette église. L’espace à l’avant de l’église a été aménagé pour permettre aux fidèles de prier avant et après l’office lui-même. Derrière les balustrades en bois qui entourent l’ambon, ils peuvent prier sur des bancs pour s’agenouiller, sur trois côtés des pupitres. Pendant que les chants sont enseignés et répétés avant le début du service du culte, quelques fidèles dispersés viennent ainsi à l’avant pour s’agenouiller sur les bancs et prier.

A l’issue du culte – avant même que le pasteur ne prononce la bénédiction finale –, un courant de fidèles s’avance pour s’agenouiller et prier, cette fois en remplissant complètement l’espace autour de l’ambon. Quand il n’y a plus de bancs disponibles, les autres fidèles se prosternent derrière à même le sol, remplissant l’espace entre les premiers bancs de la nef et l’ambon. D’autres encore s’agenouillent devant le chœur afin de participer à ce moment de prière. Pendant approximativement dix à quinze minutes après la conclusion formelle du service, les fidèles s’agenouillent à l’avant de l’église pendant que le pasteur ou le prédicateur du jour conduit la prière. Alors que le ton est modéré pendant toute la partie formelle du service, ce moment est empli d’une intense émotion tandis que le pasteur prie Dieu de pardonner les péchés et de répondre aux supplications des fidèles. A la fin de la prière, le pasteur amène tous ceux qui prient à réciter de nouveau le Notre-Père.

La manière avec laquelle les fidèles pratiquent ces prières et suppliques semble remarquablement similaire à d’autres actes chinois d’obéissance et de supplication. En fait, la génuflexion et la prostration autour d’une espace sacré paraît sensiblement similaire à la posture des cultes chinois devant les statues et les images dans les temples bouddhiques ou taoïstes : à genou et prosternés, tête inclinée touchant le sol parfois, et les mains jointes (12). A ceci près que ces protestants ne placent pas leurs mains au niveau de leur front, comme il est d’usage dans un culte bouddhiste, leur posture pourrait être celle d’un croyant dans un temple chinois. Dans la culture chinoise traditionnelle, incliner la tête, relevait du koutou (kowtow ou frapper la tête) et servait à montrer un profond respect à l’empereur ou à une autre personne digne de respect et d’allégeance, ce qui correspond complètement à l’acte qui a lieu dans l’église.

L’utilisation des couleurs dans le culte chinois et la posture à genou pour prier au début et à la fin du service religieux mettent en évidence des connexions avec la culture traditionnelle chinoise, mais il existe aussi d’autres connexions intérieures encore plus profondes avec la culture chinoise. Une des connections les plus importantes sans doute à la culture chinoise traditionnelle tient à la solennité, la dignité, le calme, le respect, même au caractère et au ton émotionnellement modéré des églises protestantes à travers la Chine. Des personnes interrogés dans cette ville à propos du culte – anciens, fidèles et ministres du culte –, nombre d’entre elles déclarent que « les Chinois aiment le calme » (zhong guo ren xi huan an jing), ou bien que « Dieu est un esprit tranquille » (shen shi an jing de ling). Un pasteur affirma carrément : « Les Chinois aiment le calme, les choses qui ont à voir avec le cœur, et ne sont pas intéressés par l’expression de considérations extérieures. » Il continua en suggérant que la préférence pour le calme dans le culte chinois pourrait être une réaction aux processions bruyantes du bouddhisme et du taoïsme (13).

D’autres personnes interrogées, parmi lesquels des pratiquants dans cette église ou bien à Pékin et Shanghai et des diplômés du supérieur, ont confirmé cette préférence chinoise pour le calme, pour ces cérémonies pleines de dignité, mais ils attribuent cette préférence à l’impact du confucianisme sur la disposition de l’âme chinoise et les cérémonies. Bien qu’étant formellement une tradition philosophique mettant l’accent sur l’harmonie et l’unité entre le Ciel et l’humanité, entre les descendants et leurs ancêtres, entre le séculier et le sacré, le confucianisme a aussi un impact naturel sur la vie quotidienne du peuple chinois, particulièrement en termes de conduite, de comportement, et d’étiquette, à la fois en termes de politesse privée que de rituels publics. Le confucianisme enseigne que chacun doit se prendre en charge avec une calme dignité, aussi bien privé qu’en public. Ainsi, dès le plus jeune âge, les Chinois apprennent à garder leurs émotions et leur comportement sous contrôle, à ne pas être trop expressif. D’après le témoignage d’une personne du Henan, le confucianisme a eu un impact sur la conduite personnelle de chacun et les rituels publics comme les mariages, les funérailles, et d’autres interactions personnelles, jusque dans « la manière de verser le thé ».

Parce que Confucius lui-même aimait les rituels et estimait qu’ils jouaient un rôle essentiel dans la société, les rituels prennent encore une place importante dans la société chinoise aujourd’hui. Dans le confucianisme, les rituels ne sont pas « simplement ce qui concerne la musique ou les offrandes de jade et de soie » (i.e. ce qui est superflu) ; quand ils sont convenablement exécutés, les rituels ordonnent l’univers et jouent un rôle dans l’avènement de la perfection morale (17). Des rituels bien accomplis commencent avec un cœur révérencieux et cette posture perdure pendant la réalisation complète et convenable du rituel. De plus, dans le confucianisme, une connexion intime existe entre les rituels, la révérence et la relation traditionnelle entre le sacré et le profane dans la société chinoise. Dans la plupart des périodes de l’Histoire de la Chine, la religion a régulièrement apporté sur soutien aux groupes dirigeants en renforçant les valeurs instrumentales traditionnelles pour maintenir l’ordre sociopolitique. Cela a permis la diffusion de la religion dans de nombreux lieux de la vie chinoise, avec une certaine crainte et un respect pour les pratiques institutionnelles (18). En raison de l’impact du confucianisme, tous les rites publics et les cérémonies dans la société chinoise, qu’ils soient sacrés ou profanes, ont toujours – et continue – à être réalisés avec calme, dignité et révérence. Cette façon de voir le service du culte souligne ses connexions avec le confucianisme.

Un autre aspect important de la culture traditionnelle chinoise est lié au culte dans cette église. Le culte en cet endroit, comme dans toutes les églises protestantes chinoises, est centré sur la lecture de la Bible et la prédication. La quantité de temps passé sur le sermon souligne ce point, tout comme nombre d’autres aspects du service. Sans exception, les chrétiens interviewés, aussi bien dans cette ville du Henan que dans d’autres villes du pays, disent que le prêche est le moment le plus important dans le service du culte. En fait, un professeur d’université du Henan raconte qu’il arrive habituellement tard à l’église, juste à temps pour le sermon parce que, comme il l’explique, le sermon est « là où Dieu parle » dans le service. Les chrétiens chinois sont aussi désireux d’entendre une « bon » sermon. Un pasteur m’a dit que les paroissiens appellent pendant la semaine pour savoir qui prêchera le dimanche, et s’ils n’aiment pas le prédicateur, ils n’iront pas à l’église ou iront dans une autre église de la ville. Un bon sermon doit aussi être de la bonne longueur parce que, comme un ecclésiastique me l’a raconté, si un sermon dure moins d’une heure, certains fidèles vont se plaindre, « vous m’avez invité à un banquet, mais ne m’avez pas donné assez à manger ». Typiquement, un service du culte dans cette église du Henan dure environ 90 minutes, dont 60 bonnes minutes réservées au sermon. Comme nous l’avons indiqué plus haut, une fois le prédicateur assis, le ministre du culte avant la fin du service fournit un résumé de six à sept minutes de l’homélie qui vient de s’achever.

Presque tous ceux qui participent au service du culte amènent leur Bible (14). En plus de l’argent épargné pour l’Eglise, amener sa Bible témoigne de sa dévotion et de son respect pour la Bible elle-même, comme presque tous ceux qui ont une Bible la transportent dans une couverture pour la protéger ou dans une valisette adaptée. Dans cette église du Henan, même les bancs montrent l’importance de la Bible et du prêche dans le service du culte. Bien qu’ils soient peu élaborés – simple bancs en bois –, la partie supérieure arrière comprend un reposoir pour déposer une Bible. Pendant le sermon, presque tous les fidèles ont leur Bible posé ouverte devant eux sur le reposoir et se penchent pour prendre des notes sur un cahier.

Cette insistance sur la Bible et sur le prêche a été certainement transmise à l’Eglise chinoise par les missionnaires protestants, mais le respect pour la Bible et le prêche révèle une autre connexion significative avec la culture chinoise. La civilisation chinoise, son histoire, sa culture, son essence sont et ont toujours été liées au monde de l’écrit. Le confucianisme lui-même est une religion (ou une philosophie) du livre qui a contribué au profond respect (voire la révérence) de la culture chinoise pour les mots calligraphiés ou imprimés. En effet, d’après un universitaire rencontré à Pékin, en raison de la nature sacrée des textes en général, les Chinois croiront presque n’importe tout de ce qui est écrit dans un livre ou journal. Bien qu’évidemment hyperbolique, cette remarque met l’accent sur le haut degré d’estime pour les mots dans la culture chinoise. Dans le culte, ce respect pour les mots écrits s’incarne dans le fait que chacun des croyants amène une Bible à l’église et prend des notes pendant le sermon.

En plus du respect pour les textes, le contenu des sermons et des chants entonnés à l’église apparaît généralement connecté à la tradition confucéenne. De la même manière que l’on donnait régulièrement des enseignements moraux dans les salles d’étude confucéennes jusqu’à la chute de la dynastie Qing en 1911, la plupart de ce qui est prêché ou chanté dans cette église ce concentre sur les comportements éthiques ou moraux. Bien qu’il y ait des restrictions sur ce qui peut être dit au pupitre ou proclamé en public, la vaste majorité des sermons donnés ici gravite avec une grande proximité autour de quelques thèmes majeurs de la Bible (15). D’après les répondants à cette étude, fréquemment sont abordés les thèmes de Jésus Christ, et particulièrement son obéissance et son sacrifice d’amour, de la volonté de Dieu, de la contrition, et de la prière. Peu importe où le message commence, tous les sermons tournent autour pour conclure avec des leçons morales claires et pratiques pour être une bonne personne, se comporter avec les autres, être un citoyen exemplaire, et des exhortations similaires pour devenir une personne juste. Rare sont les prédicateurs à tenter un sermon exégétique, ou à recourir à un lectionnaire pour choisir les textes du sermon. D’après l’un des prédicateurs qui officie fréquemment dans les églises de cette ville, les prédicateurs chinois veulent écouter ce que le Saint-Esprit les guide à prêcher pour un dimanche donné.

Les chants dans le carnet standard du Mouvement des trois autonomies / CCC utilisés dans cette église, « Chants pour la prière » (zan mei shi), s’inscrivent aussi dans cette idée d’être une bonne personne. La grande majorité des cantiques que l’on trouve dans Chants pour la prière sont des versions traduites de gospels américains du XIXème siècle, la plupart desquels convenant parfaitement à l’intérêt des chrétiens chinois pour la spiritualité et la piété personnelles. Une lecture attentive de la poignée de chants chinois originaux inclus dans ce recueil révèle que ces chants ne font que peu référence à la Bible et, s’ils ont tendance à être rapides sur les thèmes doctrinaux, ils sont cependant riches en contenu éthique, particulièrement en posant Jésus come un modèle de vie exemplaire. En plus d’être sûr socialement, et même de manière plus importante, politiquement, ces thèmes et l’ensemble de l’ethos d’enseignement de l’Eglise protestante s’accordent parfaitement avec la vision du monde confucéenne fondatrice de la culture chinoise.

En guise de conclusion

Pour résumer, bien que peut-être plus subtile que l’absorption de la culture en d’autres endroits (par exemple la danse dans les églises africaines), il y a dans cette église du Henan des signes évidents de la culture traditionnelle chinoise. Alors que les larges contours les plus visibles du culte hérités des missionnaires de la Mission de la Chine intérieure qui fondèrent cette église au début du XXème siècle se distinguent clairement (l’ordre du culte incluant des chants, de la prière, l’utilisation du symbole des Apôtres et du Notre-Père, la lecture de la Bible et le sermon), à travers le temps des éléments de la tradition chinoise ont aussi été adaptés et adoptés dans le culte de cette église. Ces éléments culturels peuvent être observés dans l’utilisation des couleurs pendant le culte ou dans les décorations de l’église, mais par-dessus tout ils transparaissent dans la formalité du style et du ton du culte et de l’attention éminente portée à la Bible, spécialement en tant que texte et événement autour duquel le culte tout entier s’organise.

Que l’on puisse trouver ces éléments seulement dans le culte chinois semble naturel puisqu’ils sont liés à l’une des composantes centrales de la société chinoise, le confucianisme. Il ne peut être non plus argué que ces adoptions et adaptions traversent les frontières et avancent dans la direction d’un syncrétisme (i.e. une « nouvelle » religion). Les connexions directes à des idées spécifiquement confucéennes ont reculé à l’arrière-plan et sont expliquées et comprises par les protestants comme de simples « caractéristiques chinoises ». Par ailleurs, ces connexions ont pris le dessus sur les importations chrétiennes, ce qui peut être vue de manière notable dans ce culte dans la façon avec laquelle le respect et la révérence envers Dieu sont témoignés. Ce processus d’adaptation et d’absorption est le processus de base de traduction et d’incarnation chrétiennes qui a pris place à travers le temps et l’espace dans tout un nombre de pratiques.

Qu’est-ce que ces connexions avec la culture chinoise traditionnelle peuvent bien signifier ? Une conclusion certainement a à voir avec l’ampleur de ce style « chinois » de culte. Bien que cette étude se soit concentrée sur le culte d’une seule église, le culte dans cette église du Henan est cependant essentiellement similaire aux cultes protestants pratiqués dans le reste de la Chine. Comme noté précédemment, cela s’explique sans aucun doute partiellement par les éléments traditionnels du culte protestant apportés par les missionnaires occidentaux à l’Eglise chinoise avant 1950 ; la forme et le ton peuvent dans une certaine mesure changer selon les dénominations mais ils suivent plutôt fidèlement la structure standard (16). Une autre explication du ton paisible du culte, exposée aussi précédemment, est liée à la nature sensible de la place de l’Église dans le développement de la société civile en Chine. Une raison d’éviter scrupuleusement la généralisation en ce qui concerne les cultes protestants en Chine cependant tient au problème de la quantification. D’après certaines estimations, le nombre d’églises officielles et de points de rassemblement dans le pays pourrait atteindre 50 000, rendant virtuellement impossible de quantifier l’uniformité du culte protestant chinois. Néanmoins, d’après l’expérience de l’auteur au sujet du culte dans des Eglises officielles chinoise à travers tout le pays sur une période de plus de vingt ans, en plus des opinions des personnes interviewées sur le sujet du culte protestant en Chine qui le corroborent, il semble clair que le service du culte dans cette église d’une ville de taille moyenne du Henan reflète les contours du culte protestant dans le reste du pays. En fait, certains diraient même, comme noté précédemment, que ces traits du culte sont aussi visibles dans de nombreuses Eglises non officielles ou domestiques. En raison du rôle fondateur que le confucianisme a joué dans la formation de la tradition chinoise, ceci ne devrait pas être une révélation. Ce serait une plus grande surprise si rien de la tradition chinoise ne pouvait être identifié dans le service du culte ou s’il y avait une plus grande diversité de style de culte.

Une autre chose que le culte dans cette église en particulier (et le culte protestant chinois en général) évoque, est le processus et les perspectives de changement dans le style et la forme du culte en Chine. L’accumulation de traditions culturelles chinoises visible dans le culte s’est faite sur une longue période de temps. Les personnes interviewées avec le plus faible niveau d’éducation à propos des différents aspects du culte chinois, ne font pas le lien entre le confucianisme et leur culte. Ceux ayant un niveau d’éduction plus élevé, à l’inverse, distinguent après réflexion le lien de la tradition culturelle chinoise avec la forme et le style du culte protestant. Ces réponses suggèrent que les éléments culturels ont été incorporés lentement, habituellement de manière imperceptible, sur une longue période de temps, jusqu’à ce que ces éléments paraissent normaux et aient perdu leur lien distinct avec la culture ou la tradition.

Aujourd’hui, cependant, les forces de la mondialisation amènent des changements multiples, avec une grande vitesse et une grande intensité, qui apporteront inévitablement des changements dans le culte en Chine plus rapidement que jamais auparavant. En effet, des changements se sont déjà opérés, particulièrement dans des villes plus grandes et plus cosmopolites de la Chine qui ont davantage de contacts avec les forces de la mondialisation, i.e. le protestantisme mondial dans le cas présent. De nombreuses églises à Pékin ou Shanghai intègrent dans leurs services du culte des éléments de ce qu’ils appellent le style « contemporain » de culte (comprenant souvent, une ministre du culte, une insistance sur les chants de louange projetés sur un écran, un accompagnement musical à la guitare et aux percussions, etc.). A l’église protestante de Haidan, dans le district universitaire de Pékin, le pasteur explique qu’il a mis en place un service en anglais qui utilise un culte « contemporain » pour attirer des étudiants et comme un catalyseur et un point d’appui pour générer du changement dans les principaux services chinois. Ce pasteur, qui a voyagé et étudié à l’étranger, ainsi que quelques autres pasteurs interviewés à Pékin sont persuadés que le style « guindé » traditionnel des cultes protestants chinois a besoin d’être « mis à jour ».

De cet exemple, nous pouvons voir non seulement que des forces de changement existent dans l’Eglise protestante chinoise des villes les plus grandes, mais aussi qu’il existe une résistance à ce changement, comme le révèle le besoin du pasteur de Pékin de recourir à une stratégie d’infiltration pour introduire des modifications dans les principaux services chinois. Mais quelles sont les perspectives pour ce changement et la probabilité d’une résistance dans les églises de l’intérieur de la Chine, comme cette église du Henan ? En raison de l’isolement, non en termes d’arriération, mais plutôt parce que les contacts avec les idées « étrangères » y sont limités, les changements interviendront certainement plus lentement que dans les villes plus importantes et plus cosmopolites du pays. Les gens interviewés dans le Henan ne semblaient pas vouloir de changement, préférant la simplicité, la dignité et le ton du style de culte actuel. Imposer un changement soudain serait désastreux dans une église comme celle-ci. Si le changement intervient dans cette église ou dans d’autres églises dans des lieux similaires, cela se fera certainement par les jeunes de ces églises et indirectement. Pour le moment cependant, parce que la majorité des fidèles dans cette église est composée de femmes entre 30 et 60 ans, il faudra du temps avant que le changement intervienne, puisqu’elles tiennent fermement le contrôle de l’église et que les perspectives de changements sont limitées.