Eglises d'Asie

« La miséricorde de Dieu a changé ma vie » – récit d’un détenu chinois

Publié le 13/01/2016




Le 12 janvier, à Rome, le livre d’entretiens du journaliste Andrea Tornielli avec le pape François, Le nom de Dieu est Miséricorde, a été présenté à la presse. Publié le jour-même dans 84 pays, l’ouvrage a été promu par le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’Etat du Saint-Siège, le célèbre acteur comique …

… italien Roberto Begnini, ainsi que par un prisonnier chinois détenu à Padoue.

Au siège de l’Augustinianum, centre d’étude des Pères de l’Eglise à Rome, devant une salle remplie de journalistes mais aussi de personnalités italiennes et de diplomates, Zhang Jianqing, incarcéré depuis onze ans, a profondément ému par le témoignage qu’il a donné de sa conversion et de l’expérience qu’il avait faite de la miséricorde de Dieu. « La miséricorde de Dieu a changé ma vie », a témoigné ce prisonnier chinois, détenu en Italie, en présentant le livre du pape François. Agé de 30 ans, Zhang Jianqing a notamment expliqué comment, en prison, il avait choisi le nom de saint Augustin comme nom de baptême.

Nous reprenons ci-dessous son témoignage tel qu’il a été retranscrit par l’agence Zenit.

 

Ce sont les larmes de sa mère qui ont fait brèche dans le cœur du jeune homme alors qu’il était en prison. Et il n’a demandé le baptême qu’après avoir confié son amour du Christ à sa mère qui, quoique bouddhiste pratiquante, l’a encouragé à suivre son chemin. Il a reconnu dans sainte Monique, qui a pleuré et prié pendant quinze ans pour la conversion de son fils, devenu ensuite le grand saint Augustin, une image de sa propre mère. Un témoignage de la joie après des années de ténèbres. Et la joie de rencontrer le pape François, hier, lundi 11 janvier, au Vatican, à l’occasion de la présentation du livre à son auteur. Agostino Zhang a commencé son récit, en soulignant lui-même qu’on pouvait trouver « étrange » qu’un jeune Chinois porte le nom (en italien) d’« Agostino ».

Il a rendu hommage à ses parents, de tradition bouddhiste, des « gens bien », qui se sont toujours « bien comportés en Chine et en Italie ». Il est arrivé en Italie avec son père à l’âge de 12 ans, alors que sa mère était déjà en Italie depuis deux ans. Il a confié qu’à l’école, il s’ennuyait, et qu’il faisait tout pour s’échapper. Selon ses propres paroles, il devenait peu à peu plus « méchant », et il se disputait avec ses parents pour l’argent qu’il réclamait afin d’aller « s’amuser ». A 16 ans, il partit travailler loin de sa famille, mais il passait ses nuits dans les discothèques, ne cherchant qu’à « s’amuser, avoir de l’argent, des filles », et il devenait « puissant, violent, superficiel ». Une « erreur » lui a valu, à 19 ans, une condamnation à vingt ans de prison.

En détention, il souffrit avant tout de ne pas comprendre l’italien, alors qu’il était le « seul Chinois ». Il rencontra « plein de difficultés », mais sans savoir où « demander de l’aide ». Il était « désespéré » et il écrivait à sa famille « en demandant pardon », encore et encore, pour la « tristesse » qu’il leur avait causée, et pour sa mère qui faisait 700 km « pour venir me visiter en prison, et qui pleurait ». Il avoue que ce sont « ses larmes » qui l’ont « aidé à percevoir le mal » fait à sa famille. « Mon cœur tremblait, se sentait brisé, et le désir émergeait de ne plus faire souffrir [ma mère] ».

Zhang Jianqing a ensuite fait le récit des miséricordes reçues. Avant son transfert à Padoue, il a rencontré un bénévole – qui a été en 2015 son parrain de baptême – : « Cet homme a été le premier cadeau du Seigneur qui m’a fait miséricorde alors même que je ne le savais pas. » Voilà l’importance pour lui du livre du pape François : « Ce livre m’aide à comprendre ! »

Il a choisi le nom d’Agostino, après avoir connu l’histoire de saint Augustin d’Hippone et de sa mère sainte Monique, qui a versé tant de larmes pour son fils. Il y retrouvait « un peu [sa] situation » et, dit-il, les « fleuves de larmes » que sa mère a versées pour lui.

Il évoque ce bénévole de Belluno (en Vénétie) : « Son visage, son regard m’a semblé immédiatement familier, j’ai ressenti réconfort et paix intérieure, alors que je ne comprenais ni ne parlais l’italien. »
Il a ressenti le besoin de se libérer du mal, dit-il, grâce à « son regard de compassion » : il s’est senti « soutenu, encouragé ».

Après son transfert à Padoue, en 2007, il a l’occasion, grâce à un compatriote chinois, Andrea, de travailler dans une coopérative. Il se rend compte que les gens de la coopérative les « aiment » comme « des personnes, pas comme des numéros ou des fiches ». Et il lui vient le désir de recevoir le baptême pour être à son tour « heureux ».

Il confie que les paroles de l’Evangile lui procuraient « une joie jamais éprouvée auparavant, comme si elles étaient écrites » pour lui : « J’attendais le dimanche ! Et avec des amis prisonniers et la coopérative j’ai participé à une rencontre hebdomadaire. J’ai fait un chemin qui a fait venir en moi le désir d’être chrétien, mais je ne voulais pas que ce soit une nouvelle douleur pour ma maman parce qu’elle est bouddhiste très pratiquante. J’ai demandé conseil à des amis et au Bon Dieu pour voir clair pour moi et ma famille. »

Il raconte : « Le Vendredi saint 2014, à la fin du Chemin de croix, tous mes amis sont allés embrasser la croix ; moi aussi j’avais le désir de le faire, mais, pensant à maman, je n’y suis pas arrivé. Il me semblait la trahir une seconde fois. Je suis sorti de la chapelle et je me suis mis à pleurer de ne pas l’avoir fait. J’ai compris que j’étais amoureux de Jésus et que je ne pouvais plus me séparer de lui et j’ai appelé ma famille pour la faire venir. Maman est venue et je lui ai tout raconté en lui disant que je ne pouvais plus cacher mon amour pour Jésus. Après ces paroles, maman est restée immobile pendant cinq minutes qui m’ont semblé les plus longues de ma vie. Puis elle m’a dit : ‘Si tu penses que c’est quelque chose de juste pour toi, tu dois le faire, sinon je souffrirai encore plus.’ On s’est tous mis à pleurer. J’ai pleuré comme un enfant. J’ai ressenti la présence du Seigneur dans l’amour de maman. Jésus a envoyé les siens me chercher : tous les amis rencontrés pendant mon parcours de catéchisme. Le 17 avril 2015, j’ai reçu le baptême, la confirmation, et la première communion dans la prison, pas dans un autre lieu, mais là où Jésus est venu me rencontrer et où j’ai rencontré Jésus. »

Agostino Zhang dit « merci au pape François » parce qu’il n’aurait jamais pu imaginer « participer à la présentation du livre du pape ni avoir la possibilité de lui serrer la main comme c’est arrivé hier » : « Beaucoup, dit-il, auraient plus droit et besoin que moi d’être ici. » Puis il ajoute : « La miséricorde de Dieu a changé ma vie, mais ce ne serait pas possible sans les frères et les amis de la prison de Padoue qui sont ici, tous, dans mon cœur, ils sont présents ici, et les prisonniers du monde qui n’ont pas eu la même chance. Merci de l’affection et de la tendresse que le pape ne manque pas de nous témoigner, pour les pages de ce livre, qui viennent du cœur d’un pasteur miséricordieux. Nous nous souvenons toujours de toi dans nos prières. »

Le pape François a demandé qu’il y ait une Porte sainte dans les prisons pendant toute l’Année de la miséricorde ; il a aussi appelé à pratiquer la visite des prisonniers, comme œuvre de miséricorde.

(eda/ra)