Eglises d'Asie

UNE SCISSION DANS LA SANGHA ?

Publié le 18/03/2010




A.) Déclaration de Visanu Krue-ngarm

Le 11 décembre 2003, à l’occasion d’un séminaire sur la prospérité et la sécurité du bouddhisme, organisé par le Bureau national du bouddhisme et auquel prenaient part quelque 300 personnes (des moines tels que les vices-supérieurs provinciaux et les supérieurs régionaux, des administrateurs, des officiels du Bureau national du bouddhisme et d’autres laïcs bouddhistes), Visanu Krue-ngarm, Vice-Premier ministre du gouvernement, a déclaré : “Quand le gouvernement a mis sur pied le Bureau national du bouddhisme, c’était pour répondre aux besoins des bouddhistes, vu qu’actuellement le clergé est considéré comme faible. Mais quand il a commencé à formuler des règles pour le Mahathéra Samakhon (Conseil suprême des Anciens), comme de prendre la retraite à 80 ans, il s’est tout de suite attiré l’opposition de la société et des bonzes” (1).

Actuellement, les tendances qui représentent un danger pour le bouddhisme sont au nombre de trois :

1- La demande qu’il y ait un deuxième patriarche suprême, c’est-à-dire un par secte.

2- L’établissement de nouvelles sectes. Le gouvernement ne peut pas accepter ces deux points ; on ne peut pas s’opposer à ce qu’il y ait de nouvelles sectes puisque la Constitution reconnaît la liberté de religion, mais l’Etat ne soutiendra ni patronnera de nouvelles sectes.

3- Le manque de confiance de la population envers le clergé. On a proposé une loi demandant aux supérieurs religieux de présenter les registres de leurs biens, leurs titres de propriété et relevés bancaires à la Commission nationale contre la corruption. C’est montrer que le clergé n’est plus digne de confiance.

Visanu a ajouté qu’il avait une politique de développement du bouddhisme dans le droit fil de ce que proposait le clergé. Et d’énumérer les vingt et un points de cette politique que l’on résume ici :

1. Etablir un plan quinquennal pour le développement du bouddhisme en Thaïlande, incluant l’éducation et le contrôle des bonzes tant dans le pays qu’à l’étranger.

2. Nommer un Conseil formé de moines et d’experts pour aider le Bureau national du bouddhisme en ce qui concerne le personnel religieux et ses biens, la doctrine et les cérémonies.

3. Demander au patriarche la permission d’établir une commission et des comités, selon l’article 19 de la Loi de la Sangha, pour faciliter le travail du Conseil suprême (Maha Thera Samakhon). Elargir le pouvoir d’administration et former des moines comme futurs membres du Bureau national du bouddhisme.

4. Etablir un Institut de formation des supérieurs.

5. Etablir des bureaux provinciaux du bouddhisme pour répondre aux besoins du clergé des provinces.

7. Introduire les lois civiles dans le canon des lois religieuses pour punir très sévèrement les moines qui contreviennent à la discipline par toute action délictueuse ou criminelle : viol, relations sexuelles, fraude, addiction à la drogue, usage et collection d’armes, destruction de chefs-d’ouvre ou de bâtiments anciens, emploi de main-d’ouvre étrangère.

8. Récompenser les moines, les médias et les artistes qui créent et sont de bons exemples pour la société.

9. Refondre les lois et règlements concernant les pagodes.

10. Se servir des nouvelles technologies, par exemple pour établir les fiches signalétiques des moines. Dresser la liste des pagodes anciennes, nouvelles ou délaissées, des habitations des moines et des avoirs religieux.

11. Revoir le rôle des laïcs préposés aux finances et les récompenser pour leurs bons et loyaux services.

12. Créer un Bureau des biens religieux indépendant et faisant appel aux services de “professionnels” pour l’administration de ces biens.

13. Redéfinir clairement le rôle et les devoirs du Bureau de la religion au sein du ministère de la Culture tout comme ceux du Bureau national du bouddhisme, car leurs responsabilités se chevauchent.

14. Rattacher le Bureau national du bouddhisme au ministère de la Culture pour faciliter la surveillance de la religion. De plus, les officiels du bureau bénéficieront de la promotion normale des fonctionnaires.

15. Mettre sur pied une Commission nationale pour les relations interreligieuses, composée des chefs religieux du bouddhisme, du christianisme, de l’islam, du brahmanisme, de l’hindouisme et du sikhisme pour qu’ils se mettent d’accord sur un code de conduite à tenir concernant la propagation de la religion, la construction de bâtiments, les activités concernant les honneurs rendus au roi, la conduite de sessions sur des problèmes techniques ou de société, tel que l’avortement.

16. Etablir des programmes de télévision sur la pratique de la Dhamma dans la vie quotidienne.

17. Encourager le rôle des moines dans le développement de la qualité de la vie et la solution des problèmes du sida, de la drogue, combattre l’illettrisme, favoriser la lecture, conserver l’environnement.

18. Encourager l’usage de la technologie pour propager la Dhamma : nouvelles longueurs d’ondes à la radio, chaînes câblées, etc.

19. Promouvoir des écoles bouddhiques où l’on enseigne le tripitaka en plus du cursus normal des études et établir un programme d’études du bouddhisme.

20. Faire des chants funèbres une occasion de propagation de la Dhamma, car des centaines de milliers de personnes entrent tous les jours à la pagode à l’occasion des cérémonies funèbres.

21. Promouvoir la pratique de la Dhamma par les fonctionnaires en organisant pour eux des retraites de trois à cinq jours à la pagode.

Visanu a conclu en disant que le gouvernement allait s’occuper de toutes ces questions. “Ce qui peut être fait tout de suite sera fait en priorité. Là où lois et règlements sont à changer, cela prendra davantage de temps, mais le Bureau national veut permettre au bouddhisme de renaître comme une religion moderne pour mieux servir.”

B.) Réactions à cette déclaration

On a vu que le premier danger pour le bouddhisme était, selon Visanu, la demande qu’il y ait un deuxième patriarche suprême : une proposition que le gouvernement refuse. Visanu s’est tout de suite fait attaquer. “Si le gouvernement a voulu exciter les hauts cris du public après qu’il a “découvert” un plan ourdi par quelques moines d’avoir deux patriarches, il a réussi. Et, par là-même, il a ruiné la crédibilité du clergé dans son ensemble”, écrit Sanitsuda Ekachai (2). “Deux patriarches suprêmes ? Quel blasphè-me ! Quelle proposition avide de pouvoir ! Nos moines sont-ils donc incapables d’avoir une meilleure idée qui puisse servir la société et pas seulement leur propre intérêt ?”

“C’est vrai, continue Sanitsuda, qu’il y a parfois eu des ressentiments entre les sectes Mahanikaya et Dhammayut et même qu’il y a eu des interférences politiques. Mais que l’on veuille que chaque secte ait son propre patriarche, ce n’est, au mieux, qu’une opinion marginale. Mais la semaine dernière, Visanu a fait d’une taupinière toute une montagne en projetant l’idée d’une menace sérieuse contre le boud-dhisme. Le fait qu’il soit responsable du Bureau national du bouddhisme a ajouté plus de crédibilité à sa déclaration. Le Premier ministre Thaksin Shinawatra s’est donné le rôle de sauveur en promettant de mettre fin à ce plan de division. De ce fait, le gouvernement apparaît comme le vrai protecteur du bouddhisme et du patriarche suprême, alors que le clergé, actuellement dirigé par un conseil de vieillards des deux sectes, est miné par des luttes internes.”

On a vu aussi que le gouvernement se propose d’établir un organisme central dirigé par des “professionnels” pour gérer les avoirs des pagodes. “Tout le monde sait, note Sanitsuda, que le gouvernement veut inclure les avoirs des pagodes dans son plan de conversion des biens. Le clergé, qui ne veut pas en perdre le contrôle, fait, naturellement, de la résistance. Le défi du gouvernement est de savoir comment briser cette résistance de façon à ce que les avoirs improductifs des pagodes soient transformés en entreprises profitables pour accroître les chiffres de la croissance économique.”

“Les relations entre le gouvernement et les dirigeants du clergé n’ont rien d’un long fleuve tranquille. Le projet d’une nouvelle Loi de la Sangha proposé par les supérieurs ecclésiastiques soulève l’opposition de nombreux secteurs car il mine l’autorité du patriarche suprême ; ce projet est toujours en suspens. La demande des supérieurs pour un ministère du Bouddhisme a été rejetée.” Sanitsuda se demande : “Est-il possible qu’en soulignant la corruption dans les pagodes et en agitant la menace représentée par l’installation de deux patriarches suprêmes, le gouvernement fait savoir au clergé qu’il ne permettra à personne de se mettre sur sa route ?” Soyons justes. La corruption dans les pagodes est réelle. Une réforme s’impose pour que les ressources retournent aux communautés villageoises plutôt que sur les comptes bancaires des moines. Mais la solution du gouvernement pour éliminer la corruption dans les pagodes va à l’encontre de son principe parce qu’elle vise à maximiser les profits et non le bien de la communauté. Le gouvernement doit aussi répondre à d’autres questions avant qu’il ne change les avoirs des temples, qui sont propriété collective, en une caution pour des empreints individuels. Il ne peut simplement pas exploiter la faiblesse du clergé et le discréditer de façon à faire main basse sur la richesse des pagodes qui devrait retourner sous le contrôle de la communauté villageoise.

C.) Comité monastique se substituant au patriarche : scissions dans le clergé ?

Courant janvier 2004, le Vice-Premier ministre Visanu Krue-ngarm, qui dirige le Bureau national du bouddhisme, a nommé un comité monastique de six membres sous la direction de Somdej Phra Phuttajarn, de la pagode Saket, pour travailler au nom du patriarche suprême, âgé de 90 ans et très malade. Cette nomination, a déclaré Visanu, va protéger la sainteté et l’honneur du patriarche des abus d’un groupe de ses propres collaborateurs (3).

Ces efforts du gouvernement pour résoudre le problème du grand âge des supérieurs du bouddhisme ont fait long feu quand plus de 15 000 moines de forêt menés par le bonze très populaire Luangta Maha Bua ont qualifié cette décision de blasphématoire. Les critiques ne mettent pas en cause le besoin d’avoir quelqu’un pour travailler au nom du patriarche, mais ils ne sont pas d’accord sur la façon dont la nomination a été faite, sans l’approbation du patriarche lui-même, ainsi que l’exigent la loi de la Sangha et la tradition monastique.

Thongkorn Wongsamut, le disciple le plus en vue de Luangta Maha Bua, a qualifié l’action de Visanu d’acte irrespectueux et d’intervention criante dans les affaires monastiques. Son attaque contre Visanu comprenait la protestation de masse par les 15 000 bonzes de forêt signalée plus haut, à la pagode Asakaram au début du mois de février 2004, et la menace de décapiter en public une effigie de Visanu.

D.) Une échauffourée entre opposants et partisans (4)

Le 10 février, un groupe de quelque 400 opposants à la nomination du comité monastique, menés par Thongkorn, s’est rassemblé devant les locaux de la Commission de la Fonction publique, en face du siège du gouvernement. Venu en bus des provinces d’Udorn Thani et de Khonkaen, le groupe s’est heurté une centaine de partisans de Visanu, menés par le militant politique Wasanchai Chokchana. Les deux groupes se sont livrés alors à une bataille verbale : les uns accusant Visanu de trahir la nation et la religion, les autres critiquant Thongkorn pour causer une scission au sein des bouddhistes et avoir détourné des donations faites à des pagodes. On a même été jusqu’à accuser Thongkorn d’être devenu anormalement riche à la suite d’une campagne lancée par Luangta Maha Bua pour sortir le pays de la crise économique de 1997. Les deux groupes se sont finalement dispersés sans que Thongkorn mette à exécution sa menace de décapiter l’effigie de Visanu.

Il reste que cette escalade d’agressivité des deux côtés a engendré un sentiment de malaise dans le public bouddhiste. En témoigne cette lettre à l’éditeur du Bangkok Post : “Jamais auparavant la hiérarchie bouddhiste en Thaïlande ne s’est trouvée dans un tel chaos. Visanu a fait un bon travail en nommant un comité monastique comme substitut du patriarche suprême. Quelque être humain que ce soit âgé de 90 ans a besoin de repos, physiquement et mentalement : c’est tout ce que vous pouvez faire à cet âge. C’est vraiment une mauvaise nouvelle que Thongkorn et ses supporters aient protesté ces derniers jours. S’il vous plaît, ne créez pas de division au sein du bouddhisme” (5).

E.) Quelques commentaires

Pendant que les deux camps en restaient là, les lettrés bouddhistes ont tiré la sonnette d’alarme. Des problèmes similaires se reproduiront à moins d’une réforme du clergé, ont-ils affirmé. “Il nous faut nous attaquer au problème sur un plan structurel a déclaré Sathianpong Wannapok (6). A présent, le système, très centralisé et clos de la direction du clergé, fait peser une charge très lourde sur les épaules du patriarche suprême, sans pour autant lui donner, à lui et au conseil ecclésiastique qu’il préside, le moindre soutien.

De plus, la structure, hiérarchique et féodale, est très vulnérable : divers abus peuvent venir du fait que les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire sont monopolisés par un petit groupe de moines, des supérieurs très âgés. Cette situation, qu’approuve la loi actuelle de la Sangha, ouvre la porte à toutes les fautes contre l’autorité du patriarche suprême, surtout comme c’est le cas dans la situation actuelle où celui-ci est affligé de plusieurs maladies dues au grand âge. Sathianpong a dit encore : “Il faut décentraliser la direction du clergé pour soulager la charge du patriarche et éviter de souiller sa sainteté.” Lui aussi demande que les systèmes de direction du clergé et d’administration des biens soient rendus indépendants, transparents et plus ouverts pour protéger l’honneur du Conseil monastique présidé par le patriarche.

Selon Sawang Udomsri, un autre expert à l’université bouddhiste Mahachulalongkorn, “la nomination d’un comité comme substitut du patriarche suprême n’est qu’une mesure à court terme qui, malgré les bonnes intentions avancées, peut devenir un facteur inattendu de divisions. Les moines et le gouvernement devraient affronter ce problème du grand âge dans les rangs des supérieurs du clergé et procéder à des réformes structurelles. Quand arrive le moment où un moine est qualifié pour la position la plus haute, il est déjà très âgé. A moins de changer la loi de la Sangha, les problèmes inhérents à une direction et un contrôle central par des vieillards sont inévitables” (7).

“Aussi importante que la réforme du clergé est sa nouvelle attitude vis-à-vis de la solution du conflit, a déclaré un autre moine, Phra Maha Jerm Suwaco (8). Pour commencer, les autorités monastiques doivent résoudre leurs problèmes en accord avec le code de conduite monastique et non en invitant l’Etat à intervenir dans leurs affaires. Elles doivent aussi être ouvertes à la critique au lieu de la disqualifier en la traitant d’hérésie. Pour permettre un dialogue paisible, les critiques doivent aussi observer le code de conduite bouddhique à propos du parler correct pour montrer leur sincérité et éviter de créer des divisions.” “Bien que certains des points soulevés par Luangta Maha Bua soient valides, le public ne peut pas les accepter parce que son approche est trop agressive a ajouté Phra Maha Jerm. Quant au public, il devrait regarder au-delà du phénomène de conflit pour comprendre les problèmes structurels qui affectent le clergé aujourd’hui. Le bouddhisme nous enseigne à résoudre les problèmes en allant à la racine des causes. “Les médias, a-t-il ajouté, pourraient aider les gens à comprendre l’ensemble du problème au lieu de se cristalliser sur des conflits violents pour vendre de la copie.”

F.) Résumé du conflit actuel à propos du substitut (9)

1. Le pourquoi de la substitution :

Le patriarche suprême, âgé de 90 ans, souffre d’un certain nombre de maladies inhérentes au grand âge, qui le rendent incapable d’assurer ses fonctions.

Certaines personnes ont abusé de sa mauvaise santé pour s’enrichir et se donner davantage de pouvoir.

Le moine le plus ancien est nommé en même temps qu’un conseil ecclésiastique pour agir au nom du patriarche suprême et protéger le prestige de sa charge jusqu’à ce qu’il soit à même de reprendre ses fonctions.

2. Le pourquoi de la protestation :

La formulation de la nomination peut être interprétée comme la nomination d’un “deuxième” patriarche. Ceci contreviendrait à la tradition monastique et à la loi de la Sangha.

Le gouvernement ne peut pas prouver que la nomination a été approuvée par le patriarche, comme l’exigent la loi et la tradition monastiques.

Le Vice-Premier ministre Visanu Krue-ngarm prétend que le patriarche suprême est trop malade pour donner une approbation formelle à la nomination et le public a été tenu dans l’ignorance la plus totale au sujet de l’étendue de sa maladie.

La nomination d’un patriarche par intérim ouvre la voie à l’intervention dans la direction du clergé et l’administration de ses biens.

3. Les demandes des protestataires :

Annuler la nomination.

Suivre les procédures exigées par la loi et la tradition monastiques en demandant l’approbation officielle du patriarche à la nomination d’un substitut.

Si le patriarche est trop malade pour accomplir ses tâches, que cela soit vérifié par un groupe de médecins.

Suivre la tradition monastique en nommant comme substitut le moine le plus ancien au lieu de prendre celui du grade le plus élevé.

4. Ce que dit la loi :

Si le patriarche suprême est incapable d’assurer ses tâches, il devrait nommer un moine de haut rang comme substitut.

Si le patriarche suprême ne le fait pas ou quand le substitut ne peut accomplir sa tâche, le moine le plus ancien dans le grade le plus élevé agira comme intérimaire. Et si l’intérimaire ne peut accomplir sa tâche, le conseil ecclésiastique nommera le moine suivant le plus ancien dans le grade le plus élevé.

G.) Un nouveau projet de loi de la Sangha

Tous les yeux sont tournés vers le nouveau projet de loi de la Sangha, maintenant que son principal partisan a été nommé substitut du patriarche suprême (10).

Ce projet avait déjà suscité une vive controverse en 2001. S’il était adopté, il libérerait le patriarche de toute tâche administrative en faveur d’un conseil ecclésiastique et d’un nouveau secrétaire appelé mahakanissorn. Ce mouvement était le fruit d’un effort pour préserver la sainteté du patriarche suprême au beau milieu d’un nombre toujours croissant de scandales affectant le clergé. La création du mahakanissorn était décrite comme un moyen d’accroître l’efficacité de la direction et du contrôle des affaires monastiques parce que le Conseil suprême n’était pas assez soutenu.

Ce projet de loi de la Sangha a reçu la bénédiction de Somdej Phuttajarn ou Somdej Kiaw, une personnalité renommée du Conseil des Anciens. Visanu, qui a signé la nomination de Somdej Kiaw comme substitut du patriarche, a aidé le clergé dans la préparation de ce projet. Ce projet a toutefois été sévèrement critiqué par les partisans de la réforme qui arguent, à juste titre, que la nouvelle structure restera aussi fermée, aussi féodale et aussi autoritaire qu’avant. Le conseil ecclésiastique continuerait de monopoliser le contrôle des trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire du clergé et les Anciens auraient le contrôle absolu sur la nomination des membres du mahakanissorn.

Rien ne semblait devoir empêcher le passage de la loi au Parlement jusqu’à l’arrivée sur la scène de Luangta Maha Bua qui a attaqué le projet comme une mesure malveillante pour réduire non seulement le pouvoir du patriarche mais encore l’autorité traditionnelle du roi dans le choix du patriarche. A l’époque, il avait gagné cette bataille, sans doute parce que le gouvernement avait besoin de lui et de son soutien pour renforcer sa propre popularité.

Les critiques de Luangta Maha Bua se sont faites plus violentes à l’occasion de la nomination du substitut du patriarche. Mais la situation a changé. Et ce projet de loi très controversé peut avoir acquis un nouveau souffle. Mais est-ce de cela dont le clergé a besoin pour regagner la confiance du public ? Sathianpong Wannapok, déjà cité, répète que le clergé a besoin d’un renouvellement des structures de sa direction pour faire face à ses problèmes, mais pas celui prévu dans le projet de loi. Lui aussi propose une séparation des pouvoirs, la décentralisation et une administration transparente des biens. Tout cela, la nouvelle structure devra l’approuver. “Le nouvel organisme devra aussi s’intéresser à la formation spirituelle et à l’éducation des moines, et non seulement à leur punition ou leur surveillance. Pour ce faire, le clergé va devoir revoir sa façon d’accepter les moines pour une ordination temporaire ou à vie. Les précepteurs doivent aussi remplir leur rôle de conseillers spirituels des moines qu’ils ordonnent. Ceci est leur responsabilité, selon le code de conduite monastique. A présent, les moines doivent payer le précepteur et peuvent ne jamais le revoir après leur ordination. Cependant, la structure de la direction du clergé est ainsi conçue qu’elle doit être en accord avec le cour du bouddhisme, c’est-à-dire qu’elle doit assurer l’autoformation spirituelle des moines pour se libérer de la convoitise, de la haine et de l’illusion pour pouvoir mener une vie de service public pure de tout égoïsme” (11).

“Il est triste de penser que toutes ces idées de réforme seront perdues dans une nouvelle controverse monastique si ce projet de loi de la Sangha est remis sur les rails. Les affrontements plus ou moins violents comme ceux du 10 février vont dominer l’attention des médias et le débat public ; et la population, plutôt passive, va de nouveau hausser les épaules et dire que tout cela ne la regarde pas.”

“Pourquoi les problèmes du bouddhisme thaï en sont-ils arrivés là ? se demande Sanitsuda Ekachai. “Peut-être les bonzes ne sont-ils pas les seuls à blâmer pour avoir perdu le contact avec les enseignements du bouddhisme. Il est probable qu’aucun d’entre nous ne s’en tire mieux.”

H.) Un groupe de sénateurs partisans du comité monastique

Nous terminons ce survol des récents problèmes de la Sangha en signalant qu’un groupe de sénateurs a appuyé la décision du gouvernement de nommer un comité monastique pour travailler au nom du patriarche suprême (12).

Le général de police Udom Charoen, du Bureau national du bouddhisme, a déclaré que 125 sénateurs ont envoyé une lettre à Visanu, l’assurant de leur soutien et regrettant l’action de Thongkorn qui a causé une scission parmi les moines et les laïcs bouddhistes.

Notes

(1)Matichon, quotidien de langue thaïe, édition provinciale, 13 décembre 2003 et Ampa Santimatanedol, Bangkok Post, 12 décembre 2003

(2)Sanitsuda Ekachai, Commentary, Bangkok Post, 18 décembre 2003

(3)Sanitsuda Ekachai, Bangkok Post, 15 février 2004

(4)Ampa Santimatanedol, Bangkok Post, 11 février 2004

(5)Surasak Piputtana, Postbag, Bangkok Post, 13 février 2004

(6)Cité par Sanitsuda Ekachai, Bangkok Post, 15 février 2004

(7)Ibid

(8)Ibid

(9)Postgraphics, Bangkok Post, 15 février 2004

(10)Sanitsuda Ekachai, Commentary, Bangkok Post, 19 février 2004

(11)Cité par Sanitsuda Ekachai dans ce commentaire

(12)Bangkok Post, 21 février 2004