Eglises d'Asie

Vives protestations après l’attaque de quatre catholiques dans le sud du pays

Publié le 09/02/2016




« Condamnation d’actes graves », « solidarité avec les victimes » et « ouverture d’une enquête immédiate ». C’est par ces propos que Mgr Baselios Mar Cleemis Thottunkal (1), président de la Conférence des évêques catholiques d’Inde (CBCI), s’est exprimé au sujet de l’attaque antichrétienne …

… survenue le 28 janvier dernier, à Coimbatore (2), dans l’Etat du Tamil Nadu, au sud de l’Inde. Quatre personnes ont été blessées, dont un prêtre catholique qui se trouve toujours dans un état grave.

D’après l’agence Matters of India, des responsables du diocèse catholique de Ramanathapuram ont rencontré le ministre du Développement rural de l’Etat du Tamil Nadu, à Coimbatore, le 1er février dernier, lui demandant que des mesures soient rapidement prises contre les assaillants et que des moyens de protection supplémentaires soient mises à disposition des chrétiens.

Des assaillants déterminés, une police passive

Le 28 janvier, trois laïcs catholiques et le P. Jose Kannumkuzhy, 49 ans, économe du diocèse syro-malabare de Ramanathapuram, ont été attaqués par un groupe d’une trentaine de personnes suspectées d’appartenir à des groupes extrémistes hindous, alors que les quatre, membres du Conseil pastoral diocésain, rejoignaient leur véhicule stationné devant le commissariat de police de Coimbatore, après que la police leur ait demandé de patienter dehors.

« Les quatre hommes ont tenté de quitter la voiture, mais l’attaque a continué. Le P. Kannumkuzhy est tombé sur la route et le groupe d’hommes l’a roué de coups de pieds, notamment à l’estomac. Ils ont voulu le tuer en le frappant avec une grosse pierre de granit », a déclaré le P. Johnson Veeppattuparambil, porte-parole du diocèse catholique de Ramanathapuram, et présent lors de la rencontre avec le ministre du Développement rural.

« Les hommes ont été trainés et frappés sur une distance de 2,5 kms, puis on les a ramenés à la police. Les témoins n’ont pas bougé et la police n’est pas intervenue, elle n’a même pas appelé une ambulance », s’est indigné le porte-parole du diocèse. « Pour rajouter de l’huile sur le feu, la police a installé les victimes devant les médias qui ont été autorisés à les photographier, comme s’ils étaient coupables. Les attaquants leur ont même demandé d’appeler ‘leur’ Jésus pour qu’il vienne les protéger », a-t-il précisé.

Hospitalisés le jour même, les trois laïcs ont pu quitter l’hôpital le 31 janvier, mais le prêtre, qui souffre de multiples traumatismes, notamment crâniens, se trouve toujours en soins intensifs.
« Cette attaque était préméditée, car ce n’est pas possible que tant de personnes se rassemblent au même endroit à une vitesse pareille », a déclaré Mgr Paul Alappatt, évêque catholique syro-malabare de Ramanathapuram.

Extension des attaques des hindouistes vers le sud du pays

Selon Matters of India, le ministre du Développement rural a qualifié l’attaque du 28 janvier de tentative de rassemblement et d’unité des hindous avant la visite programmée le 2 février, à Coimbatore, de Narendra Modi, Premier ministre indien et leader du BJP, le parti nationaliste hindou, qui prône l’« hindutva », l’hindouisation de la nation indienne.

Selon l’agence Ucanews, les trois laïcs et le P. Kannumkuzhy s’étaient rendus au commissariat de police de Coimbatore, suite à l’arrestation d’un prêtre capucin et de deux de ses employés. Directeur du centre social Assisi Snehalaya (‘Lieu de l’amour’), destiné aux enfants victimes du sida, à Ettimada, à 20 kms au sud de Coimbatore, le prêtre capucin avait été accusé de ne pas prendre soin des enfants du centre, après le décès d’un enfant atteint du sida.

Si depuis 2014, date de l’arrivée au pouvoir du parti nationaliste hindou à la tête du pays, les attaques contre les minorités religieuses, chrétiennes et musulmanes, se sont multipliées dans le centre et le nord de l’Inde, le sud de l’Inde, où se concentre près de la moitié des chrétiens indiens, semblait jusqu’à présent relativement épargné.

Aujourd’hui, il semble pourtant que ce ne soit plus le cas. « Nous sommes encore sous le choc. Nous ne pouvions imaginer qu’une telle barbarie aurait lieu dans cette partie du pays », a déploré le porte-parole du diocèse de Ramanathapuram.

Des violences déclenchées à dessein ?

On peut toutefois noter que le Tamil Nadu va connaître des élections législatives prochainement, sans doute vers la mi-avril 2016, et que l’expérience de ces dernières années en Inde montre que les actes de violence contre les minorités religieuses sont souvent déclenchés à dessein, ces actions permettant de mobiliser un vote hindou à l’approche d’échéances électorales à l’issue incertaines (et c’est le cas au Tamil Nadu où le paysage politique est fragmenté et où les enquêtes d’opinion ne permettent pas, à l’heure actuelle, de discerner quels seront les partis vainqueurs des prochaines élections).

Selon le dernier recensement en date, celui de 2011, 46 % des chrétiens indiens vivent dans le sud de l’Inde (Kerala, Tamil Nadu, Karnataka, Andhra Pradesh et Telangana), le Tamil Nadu étant le deuxième Etat comptant le plus de chrétiens (15,88 % des chrétiens indiens), après le Kerala (22,07 %).

Dimanche 7 février, dix jours après l’attaque de Coimbatore, des chrétiens, toutes générations confondues, se sont rassemblés pour une marche silencieuse dans la ville, afin de protester et de résister à l’extrémisme hindou.

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Coimbatore, 7 février 2016 : les chrétiens manifestent
(Copyright : St Mary’s cathedral, Coimbatore, Facebook)
 

(eda/nfb)