Eglises d'Asie

L’Assemblée nationale vote une partie des amendements visant à améliorer la condition féminine

Publié le 18/10/2011




Le 11 octobre dernier, l’Assemblée nationale, chambre basse du Parlement pakistanais, a voté une partie des amendements proposés par le gouvernement à la loi de 2008 sur la « Prévention des pratiques défavorables aux femmes ». Les amendements adoptés visent notamment à empêcher les mariages forcés et à permettre aux femmes de jouir de droits égaux à ceux des hommes en matière d’héritage.

Selon Ibn Abdur Rehman, secrétaire général de la Commission des droits de l’homme du Pakistan, un organisme indépendant, ce vote, qui devra être confirmé au Sénat, vient couronner un travail entrepris depuis plusieurs années afin d’améliorer la condition féminine au Pakistan. En 2007, sous la présidence de Pervez Musharraf, avait été votée une « Loi sur la protection des femmes » qui avait permis d’assouplir quelque peu les « ordonnances Hudood » sur le viol et l’adultère, très pénalisantes pour les femmes (1). Mais l’opposition virulente des partis islamistes à toute évolution législative d’importance avait freiné les velléités de réforme et depuis, les avancées législatives en faveur d’une plus grande égalité entre les sexes étaient demeurées très limitées. Le vote du 11 octobre est « porteur d’espoir », explique I. A. Rehman, qui précise toutefois : « Nous avions formé un comité contre les mariages forcés, notamment les ‘mariages au Coran’, et voilà déjà cinq ans que nous avions envoyé nos recommandations au gouvernement. »

Les mariages forcés, indiquent les études des sociologues, sont courants dans certaines régions rurales du Sind et du Pendjab, mais ne concernent pas que les couches les plus pauvres de la société. Au sein des familles qui possèdent des terres, cette pratique, fréquente, a pour but d’éviter un éparpillement des biens fonciers en dehors du lignage principal. Par ailleurs, l’islam au Pakistan ayant repris en partie l’organisation sociale et religieuse du système hindou des castes, les familles veillent, par des mariages arrangés, voire forcés si nécessaire, à ce que les filles se marient au sein de leur caste d’origine.

Selon Azra Shad, responsable d’une ONG d’aide aux femmes, The Women Workers Help Line, de telles pratiques sont contraires à l’islam, mais, parce qu’elles sont profondément ancrées dans les mœurs, il est très difficile de les combattre dans l’actuel contexte d’islamisation de la société. Azra Shad dénonce notamment la pratique des « mariages au Coran », par lesquels, souvent pour des raisons liées au maintien de la propriété foncière au sein du cercle familial, les filles qui n’ont pu trouver de mari au sein de leur propre famille, se voient « mariées » au Coran au cours d’une cérémonie particulière. Une fois ainsi « mariée », la jeune fille se voit contrainte de demeurer toute sa vie entre les murs de la propriété familiale où elle consacrera ses jours à l’étude et à la récitation du livre saint de l’islam.

Cette pratique « est illégale et contraire à l’islam, dénonce Azra Shad. Celle qui est en victime est condamnée à ne jamais sortir de chez elle et ne peut plus entrer en contact avec quiconque. Même une simple hospitalisation à l’extérieur lui est interdite ».

Coordinatrice auprès de l’Organisation des femmes catholiques, une instance rattachée à la Commission ‘Justice et Paix’ de la Conférence épiscopale pakistanaise, Fouzia Jacob accueille avec prudence le vote du 11 octobre dernier à l’Assemblée nationale. Selon elle, il faut se garder de tout optimisme prématuré. « Les données statistiques manquent pour documenter précisément les mariages forcés, mais c’est une réalité qui existe au Pakistan et ces amendements nous apportent un certain espoir. Tout dépendra de la manière dont cette loi sera appliquée et de l’évolution des mentalités dans une société dominée par les hommes », a-t-elle déclaré à l’agence Ucanews (2), ajoutant que la condition des femmes chrétiennes n’était pas tellement plus enviable que celle des musulmanes. « Presque toutes les chrétiennes se voient contraintes à renoncer à la part d’héritage qui leur revient. La dot est finalement la seule forme de patrimoine qu’elles reçoivent », a-t-elle expliqué.

Dans les journaux pakistanais, les affaires de violence faite aux femmes sont légion. Il n’est pas de jour sans qu’un assassinat, un enlèvement, un ‘crime d’honneur’ ou un viol ne soit rapporté. Les cas de suicide et d’immolation par le feu ne sont pas rares. Dans ce contexte, l’appartenance à une religion minoritaire, comme le christianisme, représente une difficulté supplémentaire. Selon Rosemary Noel, de l’Organisation des femmes catholiques, « les chrétiennes au Pakistan sont parmi les plus pauvres des pauvres ». Chaque année, estime la Commission nationale pour les droits de l’homme, environ un millier de jeunes filles chrétiennes et hindoues sont enlevées, violées et forcées à contracter un mariage avec un musulman, tout recours devant la police ou la justice étant quasi impossible pour leur famille (3).