Eglises d'Asie

Après avoir fui leur pays, des centaines de chrétiens pakistanais se retrouvent en prison en Thaïlande

Publié le 18/03/2016




Entre 200 et 250 chrétiens pakistanais, qui ont fui leur pays à cause des persécutions religieuses, sont détenus dans des prisons en Thaïlande, malgré leur statut de « person of concern » accordé par le Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies (UNHCR) – un statut censé les protéger des arrestations …

… par la police thaïlandaise jusqu’au moment où leur demande d’asile politique est traitée par le HCR.

Ces chrétiens fuient en masse le Pakistan à cause des menaces très sérieuses exercées à leur encontre par certains groupes musulmans. Certains disent avoir été menacés de mort, d’autres ont été physiquement agressés ou ont vu des membres de leur famille être assassinés à cause de leur foi chrétienne. Les musulmans pakistanais qui se sont convertis au christianisme – et tombent sous le coup de la loi pakistanaise sanctionnant l’apostasie par la peine de mort – sont particulièrement visés.

Des réfugiés condamnés à la clandestinité

Le choix de la Thaïlande s’explique parce qu’il y est facile d’obtenir un premier visa de tourisme d’une durée de deux mois. Mais, une fois ce visa expiré, ces Pakistanais sont susceptibles d’être arrêtés par la police et emprisonnés. Or, 99 % des 6 ou 7 000 chrétiens pakistanais vivant actuellement en Thaïlande n’ont plus de visa en règle, selon la British Pakistani Christian Association (BPCA), l’une des rares organisations à venir en aide à ces chrétiens, qu’ils soient en détention ou en liberté.

En théorie, une fois obtenu le statut de « person of concern » du HCR, ces demandeurs d’asile doivent pouvoir vivre en liberté jusqu’à la conclusion de leur dossier. Elles ne peuvent toutefois pas travailler, ce qui les oblige à vivre dans des conditions misérables, avec souvent plusieurs familles entassées dans une chambre de quelques dizaines de mètres carrés, ou à travailler de manière clandestine avec les risques d’arrestations que cela comporte.

L’extrême lenteur du bureau local du HCR à traiter les dossiers – le délai officiel est de 90 jours, mais, dans les faits, l’examen d’un cas prend jusqu’à cinq ou six ans – a mené à l’exaspération les autorités thaïlandaises, lesquelles lancent des raids sur les immeubles où résident ces chrétiens pakistanais dans la banlieue de Bangkok, notamment dans les quartiers de Charansanitwong, de Pracha-Uthit, d’Onnuj, de Bearing, ainsi que dans la province voisine de Samut Prakarn.

« Nous n’avons aucun moyen de survivre. Nous ne recevons aucun revenu ni aucune aide durant les cinq ou six ans, avant que notre cas soit traité par les Nations Unies », explique à Eglises d’Asie Raymond John, un chrétien pakistanais âgé de 20 ans, en Thaïlande depuis 28 mois.

Enchaînés 24 heures sur 24

A l’issue de ces raids, les demandeurs d’asile sont emprisonnés, les hommes étant séparés des femmes, lesquelles sont détenues avec leurs enfants dans des cellules bondées et insalubres du centre de détention de l’immigration. Deux chrétiennes pakistanaises âgées de 30 et 40 ans sont décédées de maladie dans ce centre l’année dernière. Dans un cas de figure, les parents de quatre enfants âgés de 8 à 13 ans sont détenus, alors que leurs enfants se trouvent livrés à eux-mêmes à l’extérieur.

« La meilleure solution serait que les femmes qui ont des enfants ne soient pas arrêtées et détenues », considère Raymond John. De fait, la Commission thaïlandaise des droits de l’homme étudie la possibilité de placer les femmes détenues avec leurs enfants dans des centres non carcéraux gérés par des ONG.

Les hommes qui n’ont pas pu payer une amende équivalant à 100 euros après leur arrestation sont placés en détention dans la prison centrale de Bangkok avec des criminels condamnés. Ils doivent porter 24 heures sur 24 des chaînes pesant 4,5 kilos aux pieds, ce qui blesse leurs chevilles et rend les déplacements et le sommeil très difficiles.

Les représentants du HCR ne s’occupent plus des demandeurs d’asile une fois ceux-ci emprisonnés. Les seules visites et la seule assistance qu’ils reçoivent vient de membres du BPCA, qui leur fournissent nourriture et médicaments. Plusieurs prêtres du Jesuit Refugee Service (JRS) visitent presque quotidiennement la prison de l’immigration et apportent aussi des médicaments à l’ensemble des détenus, quelle que soit leur religion. En revanche, plusieurs des communautés catholiques thaïlandaises, notamment la paroisse du Saint-Rédempteur (Holy Redeemer Church), se sont montrées très hostiles aux chrétiens pakistanais, qu’elles considèrent comme des immigrants illégaux.

Le BPCA a monté une petite école à Bangkok pour les enfants entre 4 et 15 ans, car, du fait du délai très long  nécessaire au HCR pour traiter les dossiers, ces enfants risquent de passer plusieurs années sans recevoir aucune éducation. Le COERR (Catholic Office for Emergency Relief and Refugees), la Caritas thaïlandaise, s’occupe de son côté de mettre certains des enfants chrétiens pakistanais dans des écoles publiques thaïlandaises, mais ceux-ci ont beaucoup de difficultés à suivre les cours du fait de la barrière de la langue et sont l’objet de réactions racistes de la part de certains enfants thaïlandais.

(eda/ad)