Eglises d'Asie

Nouvel assassinat d’un blogueur athée

Publié le 12/05/2015




Le troisième en l’espace d’à peine trois mois. Ce 12 mai, Ananta Bijoy Das, un blogueur âgé de 33 ans se déclarant athée, a été tué à l’arme blanche. L’assassinat s’est produit en plein jour et en pleine rue tandis que la victime rejoignait son bureau. Après le meurtre, le 26 février dernier, de l’Américano-Bangladais …

Avijit Roy et celui, le 30 mars dernier, de Washiqur Rahman, Ananta Bijoy Das est le troisième blogueur critique de l’islamisme à trouver ainsi la mort depuis le début de l’année.

Ananta Bijoy Das a été tué à Sylhet, ville de l’extrême nord-est du Bangladesh, où il travaillait comme banquier. Ce matin, vers 8h30, à proximité de l’aéroport où se trouvait son bureau, il a été attaqué par quatre hommes masqués qui l’ont assailli à l’arme blanche et l’ont tué avant de prendre la fuite. Ananta Bijoy Das menait sur son temps libre une activité de blogueur ; il était l’organisateur à Sylhet du forum Jukti (‘Logique’) et le représentant sur place de Gonojagoron Moncho (‘La place du soulèvement public’), deux structures informelles réunissant des militants favorables à une évolution laïque de leur pays.

A la BBC, une avocate de Dacca spécialisée dans la défense des droits de l’homme, Sara Hossain, a déclaré qu’Ananta Bijoy Das partageait avec Avijit Roy le fait « d’avoir activement participé à l’animation du blog appelé mukto-mona (‘Libre-penseur’ en bengali), qui milite pour la libre pensée et qui s’en prend ouvertement au fondamentalisme religieux et tout spécialement au fondamentalisme islamique ». Les deux blogueurs ne faisaient pas mystère de leur athéisme, chacun d’eux ayant écrit à plusieurs reprises qu’ils n’étaient adeptes d’aucune religion. « Leurs noms étaient sur une liste de personnes à éliminer », a ajouté l’avocate.

Ces trois blogueurs faisaient partie de cette étroite mouvance de la jeunesse et des milieux intellectuels du Bangladesh qui persiste à écrire « contre l’extrémisme et l’obscurantisme » sévissant dans leur pays, critiquant notamment l’intolérance religieuse d’une nation aux institutions officiellement laïques. Depuis l’assassinat, en février 2013, d’un des leurs, le blogueur et architecte Ahmed Rajeeb (Rajib) Haider, égorgé à l’âgé de 30 ans, ils sont la cible des groupes islamistes, notamment du Jamaat e-Islami, dont plusieurs des leaders ont été condamnés à mort ces deux dernières années par des tribunaux pour leur implication dans les massacres qui ont accompagné l’indépendance du pays en 1971. Les milieux islamistes réclament l’exécution de tous les blogueurs athées et la promulgation d’une loi anti-blasphème. Pressions auxquelles les autorités gouvernementales ont répondu en multipliant les tracasseries administratives à l’endroit de ces blogueurs et en obligeant leurs hébergeurs Internet à effacer des centaines de posts considérés comme diffamant l’islam et Mahomet.

« Ananta n’avait pas d’ennemis. Il était un défenseur de la laïcité et il écrivait des articles sur des sujets scientifiques. Nous soupçonnons qu’il ait pu être assassiné par des militants islamiques », a déclaré le chef de la police de l’aéroport de Sylhet. Pour Shahiduzzaman Paplu, ami d’Ananta Bijoy Das et président du Syndicat des étudiants du Bangladesh, ce sont les islamistes qui ont commandité son assassinat. « Bijoy était sur la liste des 84 blogueurs à éliminer qui a été dressée par les militants islamiques », a déclaré ce proche de la victime à l’agence Ucanews, pour qui le mode opératoire des tueurs désigne leurs commanditaires.

Il y a quelques jours, l’organisation Al-Qaida dans le sous-continent indien (AQIS selon son acronyme anglais), dont la création a été annoncée en septembre 2014, a par ailleurs revendiqué l’assassinat d’Avijit Roy ainsi que celui de deux autres blogueurs. Auparavant, en novembre 2014, un autre groupe islamiste, Ansar Islam Bangladesh (‘Les défenseurs de l’islam au Bangladesh’), avait revendiqué sur Internet la responsabilité de la mort de ces trois mêmes blogueurs.

Selon les observateurs, la violence à l’encontre des athées et des libres-penseurs exercée par les partis islamistes vise à faire pression sur le gouvernement pour obtenir le vote d’une loi anti-blasphème similaire à celle qui est en vigueur au Pakistan. Même si l’actuel pouvoir en place a fermement affirmé son opposition à un tel projet, dans les faits, il n’a eu de cesse que de contenter ces partis extrémistes en harcelant et en arrêtant nombre de blogueurs militant pour la défense du caractère laïque des institutions nationales ; dans ce pays où 90 % des 160 millions d’habitants sont musulmans, le gouvernement a, à chaque fois, agi en utilisant les articles de loi qui, dans le Code pénal, punissent l’atteinte au « sentiment religieux ».

(eda/ra)