Eglises d'Asie

L’épiscopat catholique mobilise ses fidèles en faveur des « énergies vertes »

Publié le 22/04/2016




Depuis plusieurs mois, l’épiscopat philippin a pris la tête de la contestation contre les énergies fossiles. Les manifestations se multiplient à l’approche des élections présidentielles et parlementaires du 9 mai, sur fond de campagne mondiale de désobéissance civile. Si les Philippines se sont engagées, lors de la …

… COP21 à Paris, à baisser de 70 % ses émissions de gaz à effet de serre, le pays continue pourtant à construire des centrales thermiques. Signe de l’importance accordée aux questions environnementales au sein de l’Eglise catholique, un Bureau de l’Environnement vient d’être spécialement créé à l’archevêché de Manille, la capitale.

Le 12 avril dernier, plusieurs représentants de l’Eglise catholique philippine ont, une nouvelle fois, défilés dans la ville de Quezón City, surnommée localement “« la capitale du charbon ». Cette manifestation anti-charbon fait partie d’un appel international intitulé « Libérons-nous des énergies fossiles », avec des manifestations prévues jusqu’au 15 mai en Allemagne, Indonésie, Australie, Nigéria, Brésil et aux Etat-Unis.

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« C’est immoral de laisser aux générations futures un tel fardeau, celui de la pollution et du coût induit par des mauvais choix énergétiques », a dénoncé l’archevêque catholique de Lipa, Mgr Ramon Arguelles. En quelques semaines, il est devenu l’un des visages de cette « croisade anti-charbon ». La province de Quezón concentre en effet plusieurs centrales électriques alimentées au charbon. D’une capacité de 735 mégawattts, la plus grosse usine se trouve à Pagbilao (735 MW). Deux autres à Mauban (500 MW et 420 MW respectivement). Un quatrième site de 1 200 MW est en construction à Atimonan.

A l’approche des élections présidentielles du 9 mai, Mgr Ramon Arguelles a notamment appelé les futurs élus à « tout faire pour protéger les familles des ravages causés par la pollution et le dérèglement climatique ». Le prélat s’exprimait dans la ville de Lucena, devant diverses associations de la société civile, réunies à l’occasion du lancement du mouvement national « Piglas Pilipinas » (en tagalog ‘Libérez les Philippines’), dans le cadre de la campagne mondiale« Break Free from Fossils Fuels 2016 ».

Les Philippines se sont engagées à réduire, de manière très ambitieuse, 70 % de leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, tout en continuant pourtant à construire des centrales à charbon, afin de répondre aux besoins d’une économie en forte croissance. Le pays se classe n° 2 mondial pour sa production d’électricité géothermique et produit actuellement plus d’un tiers de sa production en énergies renouvelables. « Il y a déjà 17 centrales fonctionnant au charbon dans notre pays et 29 autres sont en projet, c’est aberrant », juge Ian Rivera, coordinateur national du Philippine Movement for Climate Justice (PMCJ). Avec d’autres, il avait marché jusqu’à Paris, lors de la dernière conférence des Nations Unies sur le climat, afin de sensibiliser l’opinion sur le sort de l’archipel, particulièrement exposé au dérèglement climatique avec une vingtaine de typhons qui viennent frapper le pays chaque année.

« Nous ne changerons pas notre position : il faut se convertir aux énergies vertes, et c’est maintenant que nous devons agir. Notre soutien à cette campagne internationale de désobéissance civile est entier », assure Louise Alcade, militante au sein du groupe national Aksyon Klima (‘Action Climat’). Pour le P. Raul Enriquez de Pagbilao également interrogé par l’agence Ucanews, la promotion des énergies vertes et l’opposition du clergé au charbon « vont de pair avec la compassion donnée aux autres ».

Signe de l’importance accordée aux questions environnementales, le cardinal archevêque de Manille, Mgr Luis Antonio Tagle, vient de créer au sein de l’archidiocèse de la capitale un nouveau bureau dédié à l’Environnement. Placée sous la houlette de Caritas Manille, cette nouvelle structure doit permettre à l’Eglise catholique philippine d’être « plus réactive » lors des catastrophes naturelles, fréquentes dans l’archipel, et de pouvoir assurer « l’entretien et la défense de la Nature, un don du Ciel », indique le cardinal également président de Caritas Internationalis.

Au moment de la publication de l’encyclique de Pape Laudato si‘ sur l’environnement, les évêques catholiques philippins avaient été parmi les premiers à saluer l’initiative dans une déclaration publique : « Pour les chrétiens, c’est une obligation de se préoccuper d’écologie et du changement climatique, c’est une conséquence directe de la notion morale de gérance, d’intendance et une des dimensions de la charité chrétienne (…). Laudato si’ nous enseigne que le fond du problème du changement climatique, c’est la justice. »

« Nous ne faisons campagne pour personne, au contraire, nous mettons au défi les candidats d’inclure les enjeux environnementaux dans leur programme », a poursuivi Mgr Arguelles. « Les candidats à la présidence n’ont pas pris la mesure du problème environnemental de plus en plus urgent et ils échouent à proposer des solutions », critique Naderev Sano, ex-négociateur pour les Philippines aux Nations Unies et figure médiatique de la lutte contre le changement climatique. Après le passage du super typhon Yolanda fin 2013, le plus meurtrier connu dans l’archipel, il avait entamé une grève de la faim. Puis ‘Yeb’ Sano avait démissionné avec fracas avant la COP21, avant de participer à la marche jusqu’à Paris, aux côtés du PMCJ. Le diplomate est depuis devenu le directeur exécutif de Greenpeace.

Chargé du dossier ‘énergie’ au sein du mouvement Philippine Movement Climate Justice, Aaron Pedrosa admet de son côté le besoin d’une meilleure coordination sur le terrain.

Le 4 mai prochain, cinq jours avant les élections présidentielles et parlementaires, près de 10 000 manifestants sont attendus au rassemblement prévu contre la construction d’une usine de 600 mégawatts à Batangas, à moins de deux heures de route au sud de Manille.

(eda/md)