Eglises d'Asie

Le président Xi Jinping maintient le cap de la politique en vigueur vis-à-vis des religions

Publié le 22/05/2015




Mercredi 20 mai, à Rome, le pape François a évoqué, lors de l’audience générale, la Chine et les catholiques chinois, tandis qu’à Pékin, le président chinois Xi Jinping parlait de la place et du rôle des religions dans la société chinoise. Fruit sans doute d’une coïncidence due aux hasards du calendrier, cette double actualité …

… ne présente pas de réelle nouveauté, sinon que le pape et le président chinois ont, chacun de leur côté, réaffirmé une ligne de conduite connue de longue date.

Place Saint-Pierre, le pape a rappelé que le 24 mai, « les catholiques en Chine prieront avec dévotion la Vierge Marie, auxiliatrice des chrétiens, vénérée dans le sanctuaire marial de Sheshan ». Le 24 mai est en effet la journée annuelle de prière pour l’Eglise en Chine, journée instituée en 2008 à la suite de la publication par le pape Benoît XVI de sa Lettre aux catholiques de Chine, le 30 juin 2007. A cette occasion, le prédécesseur de François avait rédigé une prière à la Vierge honorée à Sheshan, sanctuaire proche de Shanghai, et c’est très exactement un passage de cette prière que le pape a repris ce 20 mai à Rome, s’adressant à Marie avec les mots suivants : « Dans la statue qui domine le Sanctuaire, tu élèves ton Fils, le présentant au monde avec les bras grands ouverts en un geste d’amour. Aide les catholiques à être toujours des témoins crédibles de cet amour miséricordieux, les maintenant unis au roc qui est Pierre, sur lequel est construite l’Eglise. »

A Pékin, le président Xi Jinping s’adressait au Front uni, réuni pour trois jours à l’occasion de son 21ème congrès. Le président chinois a appelé les membres de cette instance à « améliorer » leurs travaux et « à mettre en commun les forces pour la réalisation du rêve chinois du grand renouveau de la nation chinoise ». Ce n’est qu’au cœur d’un long discours que Xi Jinping a prononcé quelques phrases ayant trait aux religions en Chine.

Le Front uni est l’instance supervisant les relations du Parti communiste chinois avec tous les groupes de la société civile qui ne sont pas le Parti, à savoir, par exemple, la Fédération des syndicats de toute la Chine (All-China Federation of Trade Unions, ACFUT) ou bien encore les structures des religions officiellement reconnues. Instance importante du pouvoir chinois, elle est aujourd’hui présidée par Sun Chunlan, après que son prédécesseur, Ling Jihua, un proche de Hu Jintao, le prédécesseur de Xi Jinping, a été démissionné, en décembre dernier, pour « graves violations de la discipline [du Parti] », synonyme de corruption.

Devant les membres du Front uni, le président Xi Jinping a précisé les orientations qui devaient être les leurs dans leur travail à l’égard des religions. « Le travail des religions est par principe un travail auprès des masses. Il faut appliquer la politique du Parti en matière de liberté de religion en suivant la loi et en gardant fermement le principe des trois autonomies », a-t-il développé, rappelant là ce que les dirigeants chinois affirment avec constance depuis des années. Il est nécessaire, a-t-il poursuivi, « de développer avec volontarisme la capacité des religions à s’adapter au système socialiste » et « cela induit de garder fermement le principe de sinisation ». Quant « au personnel religieux », leur « utilité » doit être « développée » afin de « conduire les religions pour développer l’économie, l’harmonie sociale et l’unité nationale ». « Le pays reconnaît la contribution des croyants et les encourage à continuer d’œuvrer pour le développement économique, social et culturel, ainsi que pour l’unité des groupes ethniques et l’unification de la patrie », a-t-il encore expliqué.

En soi, le discours du président Xi ne présente pas de nouveauté par rapport à ceux qu’ont tenus ses prédécesseurs. L’insistance sur la contribution que les religions doivent apporter à la réalisation du « rêve chinois » ne fait que réitérer une antienne bien connue, à savoir le fait que les religions n’existent en Chine que du fait de leur « utilité sociale » et dans la mesure où elles contribuent au « travail d’unification nationale ». Autrement dit, si le président Xi n’a, dans ces quelques lignes consacrées aux religions, fait preuve d’aucune nouveauté dans le sens d’une plus grande ouverture, il n’a pas non plus annoncé d’inflexion vers une plus grande répression. Les mesures draconiennes auxquelles se heurtent les bouddhistes tibétains et les musulmans du Xinjiang étaient déjà en place avant l’accession de Xi Jinping aux plus hautes fonctions ; de même, les mesures répressives édictées contre les chrétiens du Zhejiang, où une campagne d’abattage de croix et de destruction de lieux de culte a cours depuis dix-huit mois, ne font que manifester l’inconfort d’un pouvoir manifestement inquiet face à l’essor du christianisme dans cette région située au sud de Shanghai.

Quant aux relations avec Rome, le discours du président Xi Jinping n’apporte, là encore, aucun élément nouveau, sinon que la politique du Parti envers les religions demeure, à savoir que les religions n’existent que si elles sont soumises au Parti. En janvier dernier, le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’Etat du Saint-Siège, se félicitait de l’avancée des négociations avec la Chine en ces termes : « Nous sommes dans une phase positive. » Le 24 avril, la tonalité de ses propos était différente : le secrétaire d’Etat estimait qu’il n’y avait « pas de grandes nouveautés » dans les rapports diplomatiques entre Pékin et Rome, tout en espérant cependant, rapporte l’agence I-Media, la reprise d’un « dialogue substantiel ».

(eda/ra)