Eglises d'Asie

La Chine insiste sur le contrôle idéologique des religions

Publié le 15/02/2016




Juste avant le Nouvel An lunaire, les autorités chinoises ont rappelé aux responsables religieux qu’ils devaient s’efforcer d’intégrer la doctrine socialiste dans leurs prêches. Les officiels à la retraite du Parti et de la fonction publique ont quant à eux reçu l’ordre de rester à l’écart de toute pratique …

… religieuse.

Les religions doivent redoubler d’efforts pour promouvoir la culture chinoise et assurer leur compatibilité avec les valeurs du socialisme aux caractéristiques chinoises, a rappelé Yu Zhengsheng aux leaders des cinq religions reconnues par l’Etat. Membre du Comité permanent du Bureau politique du Parti communiste – instance de sept membres qui est le cœur du pouvoir chinois –, Yu Zhengsheng s’exprimait ainsi le 4 février dernier, veille de la fête du Printemps, pour présenter les vœux de Nouvel An aux responsables religieux et « aux croyants dans tout le pays », précise l’agence de presse officielle Chine Nouvelle.

Trouver des similitudes entre doctrine religieuse et doctrine socialiste

La tentative de « siniser » les religions en Chine, c’est-à-dire les rendre plus « chinoises », s’adresse surtout aux religions considérées comme non traditionnelles en Chine : le christianisme et l’islam. Cette campagne lancée l’année dernière se traduit sur le terrain par des séminaires obligatoires pour les responsables religieux au cours desquels ils doivent réfléchir à des similitudes entre doctrine religieuse et doctrine socialiste. Lors d’un discours en mai 2015, le président chinois Xi Jinping avait lui aussi évoqué le terme de « sinisation » des religions. Le concept avait ensuite été développé dans un article du journal d’Etat Zhongguo Minzubao qui insistait sur le contrôle des religions depuis la Chine, et non depuis l’étranger.

Yu Zhengsheng a appelé les religions à former « un pont » entre le Parti communiste et les « personnes religieuses » des cinq religions reconnues en Chine (bouddhisme, taoïsme, catholicisme, protestantisme, islam).

« Yu a demandé aux groupes religieux de Chine de continuer à s’enrichir de caractéristiques chinoises, de chercher dans les éléments positifs de leurs religions et de faire l’effort de construire une idéologie religieuse avec des caractéristiques chinoises », précise encore Chine Nouvelle.

Liu Yandong, Vice-Premier ministre, et Sun Chunlan, chef du Front Uni, l’organe du Parti qui gère les relations avec la société civile, des syndicats aux religions, étaient également présents à cette réunion de haut niveau avec les représentants des religions. La chaine de télévision nationale CCTV a diffusé des extraits des recommandations de Yu dans le journal télévisé du soir du 4 février. Cette rencontre aux airs de rappel à l’ordre intervient dans l’attente d’un sommet sur les religions annoncé pour la fin 2015, et qui n’est toujours pas arrivé.

Dans les lieux de culte, les injonctions à la « sinisation » (zhongguohua) se traduisent par des slogans comme ceux, blancs sur rouge, qui ornent les murs des villes et des campagnes chinoises. Un temple protestant qui doit fêter son 150e anniversaire cette année a ainsi choisi de nommer l’événement : « Le processus de sinisation de l’église chrétienne de Nanping », rapporte à Eglises d’Asie Michel Chambon, chercheur français et observateur familier de cette ville du Fujian. Au-delà des slogans, difficile de savoir si la campagne a une quelconque influence sur les fidèles.

En particulier dans les paroisses du Zhejiang, au sud de Shanghai, touchées par une campagne de démontage des croix depuis bientôt deux ans. Au total plus de 1 500 croix ont été détruites. Si la campagne a perdu en intensité depuis septembre 2015, elle n’est pas pour autant tout à fait terminée : depuis le début de cette année 2016, 18 nouvelles croix ont été démontées.

Interdiction d’appartenir à une religion pour les retraités du Parti

Parallèlement, les cadres de la fonction publique et les membres du Parti à la retraite ont reçu l’ordre de se tenir à l’écart de toute activité religieuse. D’après l’agence Ucanews, le Comité central du Parti et le Conseil des affaires de l’Etat ont publié une circulaire « qui statue que les cadres retraités ne peuvent pas croire en une religion, ne peuvent pas participer à des activités religieuses, et doivent résolument s’opposer aux sectes ». Les cadres à la retraite ne doivent pas non plus prendre part à des « coutumes ethniques », souligne le document.

L’ensemble des fonctionnaires ont interdiction de pratiquer une religion en Chine, même si beaucoup d’employés à des niveaux inférieurs ne s’en cachent pas et que nombreux sont ceux, parmi les milliers de cadres arrêtés pour corruption, qui sont accusés d’avoir consulté des maîtres taoïstes, bouddhistes ou en fengshui. Mais le Parti s’inquiète de la progression des religions et du fait que ses membres puissent perdre de leur ferveur communiste s’ils rejoignent des groupes religieux. Avant la campagne de destruction des croix, il était de notoriété publique que des responsables locaux du Zhejiang se montraient particulièrement accommodants avec les chrétiens, parce que certains pratiquaient eux-mêmes cette religion. La campagne a été vue notamment comme une reprise en main d’une province un peu trop ouverte.

Pour autant, c’est la première fois qu’un texte officiel évoque les fonctionnaires à la retraite, signe d’une part qu’aucune catégorie n’échappe à la mise au pas de la Chine voulue par le président Xi Jinping depuis son arrivée au pouvoir. Et signe, d’autre part, de l’attention accrue apportée aux retraités, de plus en plus nombreux en Chine, mais vus comme une catégorie de population plus « patriote », dont le régime doit garder le soutien.

(eda/sl)