Eglises d'Asie

La loi sur les œuvres caritatives risque de rendre plus difficile le financement des associations

Publié le 28/04/2016




Des organisations religieuses et de défense des droits de l’homme craignent d’être frappés au portefeuille par une loi sur les associations caritatives. La première loi de ce type, adoptée mi mars pour être appliquée le 1er septembre prochain, renforcera le contrôle des autorités sur les finances des …

… associations. Une deuxième loi, relatives aux organisations non gouvernementales étrangères actives en Chine, adoptée ce 28 avril par l’Assemblée nationale populaire, fait elle aussi craindre un contrôle, politique cette fois, sur les groupes étrangers actifs dans le pays.

Constatant que la voie libérale adoptée par la Chine depuis les années 1980 a laissé de côté les plus démunis, notamment dans les campagnes, le gouvernement chinois veut développer le secteur de la bienfaisance. Les autorités espèrent notamment s’appuyer sur ce secteur pour sortir de la misère les 80 millions de citoyens vivant sous le seuil de pauvreté d’ici à 2020.

L’objectif de la loi adoptée le 16 mars est de mieux encadrer les activités caritatives, pour tenter de redonner confiance aux Chinois. Plusieurs scandales de détournement de fonds ont en effet durablement ternis l’image des ONG en Chine, dont le plus célèbre a impliqué la Croix-Rouge. Les citoyens chinois n’auraient donné en 2015 que l’équivalent de 0,2 % du PIB du pays, selon des chiffres officiels. Soit très en-deçà du taux de 2,1 % enregistré aux Etats-Unis. La Chine n’est classée que 144e sur 145 pays en matière de dons, selon une étude publiée l’an dernier par l’organisation britannique Charities Aid Foundation. Le peu de liberté laissé à la société civile n’a sans doute pas non plus encouragé de telles initiatives citoyennes.

Jusqu’ici, les règles en matière de financement laissaient une certaine liberté aux associations, qui évoluaient dans une « zone grise ». En vertu de la nouvelle loi, les organisations devront obtenir l’aval des autorités pour recevoir des dons. Mais les organisations de défenses des droits de l’homme craignent de se voir privées des dons qui les font vivre. « La nouvelle législation est un outil de plus que le gouvernement peut utiliser pour étrangler une organisation indépendante », dénonce CHRD (The Network of Chinese Human Rights Defenders). « Elle donne encore plus d’outils judiciaires à la police pour sanctionner les groupes qui sollicitent ou reçoivent des fonds », poursuit le groupe dans une tribune publiée sur son site.

L’agence officielle Chine Nouvelle décrit quant à elle un projet « essayant de recueillir l’aide venant des ‘bons samaritains’ pour réaliser l’objectif de réduction de la pauvreté fixé pour 2020 ». Malgré la référence biblique, aucune mention, dans le texte, de l’apport des organisations religieuses, pourtant très actives sur le terrain. C’est ce qui dérange ces organisations à base confessionnelle, en fort développement ces dernières années en Chine.

Dans une lettre ouverte publiée dans le quotidien China Ethnic News, spécialisé dans les questions ethniques et religieuses, le P. Jean-Baptiste Zhang Shijiang s’inquiète des difficultés que pourraient rencontrer les œuvres religieuses pour lever des fonds. Alors que la nouvelle loi permet de faire de la publicité pour collecter des dons, l’absence de référence aux associations religieuses risque de faire hésiter les médias à relayer les campagnes de ces associations, s’inquiète le prêtre. « Lorsque les bureaux gouvernementaux devront accorder le certificat autorisant la levée officielle de dons publics, ne risquent-ils pas de les refuser parce que (les religions) sont un sujet sensibles ? », se demande-t-il. Très actif au sein de l’Eglise catholique, le P. Zhang Shijiang a fondé en 1997 Beifang Jinde ou Jinde Charities, qui est devenue la plus importante organisation caritative catholique du pays.

Pour appuyer son argument, le P. Zhang cite Zhu Weiqun, ancien numéro deux du Front uni, l’instance qui supervise notamment les religions. « Sans discontinuer, le secteur religieux a accompli une tâche immense dans les services de bienfaisance, complétant admirablement le rôle du gouvernement en ce domaine, mais il n’a pas encore reçu le soutien suffisant. »

Pour éviter de pâtir de cette loi, le P. Jean-Baptiste Zhang invite les groupes religieux à éviter toute activité « sensible ». En Chine, des organismes religieux gèrent des orphelinats, des léproseries, ainsi que des maisons de retraite ; le diocèse de Shanghai, par exemple, mène des activités d’aide aux enfants handicapés et aux enfants de travailleurs migrants. Mais, toujours, les liens entre l’Eglise et ces actions caritatives restent discrets.

La question du financement des associations chinoises est sensible. En février dernier, un avocat défendant des chrétiens avait notamment été accusé d’être financé par des organisations américaines. Zhang Kai, qui défendait les chrétiens du Zhejiang en lutte contre une campagne de destruction de croix, avait déclaré dans des confessions forcées : « Je mets aussi en garde les soi-disant ‘avocats des droits de l’homme’ de me prendre comme avertissement, et de ne pas avoir de connivences avec les étrangers, de ne pas accepter d’argent d’organisations étrangères. » Il citait Bob Fu et Yang Fenggang. Le premier est directeur de l’organisation non gouvernementale China Aid, basée à Washington D.C., qui dénonce les atteintes à la liberté religieuse des chrétiens en Chine. Le second est le directeur du Centre sur les religions et la société en Chine, de l’université de Purdue (Indiana, Etats-Unis).

Chacun avait dénoncé la mise en scène, et expliqué de quels « financements » il était question. Le premier, Bob Fu, avait hébergé l’avocat aux Etats-Unis après l’avoir invité à donner une conférence. Le laboratoire de recherche du second lui avait octroyé une bourse d’études, aux Etats-Unis.

Récemment, le président Xi Jinping a rappelé que les autorités communistes se méfiaient toujours profondément des liens des religieux chinois avec l’étranger. « Nous devons résolument nous garder contre toute infiltration étrangère menée au nom de la religion et nous prémunir contre toute incursion idéologique par des extrémistes », a-t-il déclaré lors d’une réunion au sommet sur la politique religieuse tenue les 22 et 23 avril derniers.

(eda/sl)