Eglises d'Asie

A peine ordonné, l’évêque auxiliaire de Shanghai est empêché d’exercer son ministère

Publié le 09/07/2012




Selon des informations en provenance de Chine, Mgr Thaddeus Ma Daqin, ordonné évêque auxiliaire du diocèse de Shanghai samedi 7 juillet, est empêché d’exercer normalement son ministère épiscopal. Il se « reposerait » au séminaire de Sheshan, proche de Shanghai, mais les autorités lui interdiraient d’agir en tant qu’évêque. …

… Les informations manquent quant à la nature des restrictions dont fait l’objet Mgr Ma, mais on peut penser que les motifs de celles-ci sont liées au fait que, lors de la messe d’ordination le 7 juillet dans la cathédrale de Xujiahui (Zikawei en shanghaien) à Shanghai, le nouvel évêque « officiel » a déclaré que, souhaitant se consacrer entièrement à son ministère épiscopal, il démissionnait des fonctions qu’il occupait au sein de l’Association patriotique des catholiques chinois.

Le 7 juillet, la cathédrale du diocèse de Shanghai était comble. Près de 1 200 personnes y avaient pris place. Une incertitude planait toutefois sur le déroulement de la cérémonie. En effet, si Mgr Ma allait être ordonné évêque auxiliaire du diocèse avec l’accord du pape, parmi les évêques qui avaient pris place autour de l’autel se trouvait un évêque illégitime (i.e. ordonné sans mandat pontifical). Or, au moment d’imposer les mains au nouvel évêque, seuls l’évêque consécrateur et ses deux assistants, tous des évêques en communion avec Rome le firent, à savoir Mgr Aloysius Jin Luxian, le vieil évêque « officiel » de Shanghai (âgé de 96 ans), assisté de Mgr Joseph Xu Honggen, de Suzhou (province du Jiangsu), et Mgr Joseph Shen Bin, de Haimen (Jiangsu) (1). Les trois autres évêques présents dans la cathédrale ne le firent pas, se cantonnant à concélébrer au milieu des prêtres : il s’agissait de Mgr Joseph Cai Bingrui, de Xiamen (Fujian), et de Mgr John Baptist Li Suguang, de Nanchang (Jiangxi) – tous deux en communion avec Rome –, et enfin de Mgr Vincent Zhan Silu, de Mindong (Fujian) – qui lui n’a pas été ordonné avec l’accord du pape.

En signe de protestation contre la présence de Mgr Zhan Silu, seule une petite partie des 86 prêtres du presbyterium « officiel » de Shanghai avait pris place dans la cathédrale. On comptait 30 prêtres autour de l’autel pour concélébrer la messe d’ordination, dont seulement douze incardinés dans le diocèse de Shanghai. Toutefois, avant le début de la messe dans la cathédrale, une trentaine de prêtres de Shanghai s’étaient réunis dans la chapelle de l’évêché, adjacent à la cathédrale, pour entendre lecture de la bulle papale nommant Mgr Ma évêque auxiliaire et écouter ce dernier dire sa profession de foi.

C’est après le déroulement du sacrement de l’ordination épiscopale que le nouvel évêque, Mgr Ma, a eu des paroles tout à fait inédites. « Je me souviens de ce que notre Sainte Mère l’Eglise m’a rappelé récemment : quand tu auras reçu le ministère épiscopal pour seconder Mgr Jin [Luxian], il faudra consacrer toutes tes énergies au ministère épiscopal et au travail d’évangélisation, et il sera gênant de continuer d’assumer certaines responsabilités. C’est pourquoi à partir de ce moment de mon ordination, il n’est désormais plus souhaitable pour moi d’être membre de l’Association patriotique », a-t-il déclaré, déclenchant dans l’assistance une vibrante ovation et de longs applaudissements.

En posant ce geste, Mgr Ma est le premier évêque « officiel » à ainsi publiquement annoncer qu’il quitte l’Association patriotique. Avant le 7 juillet, il était vice-président de l’Association pour Shanghai et siégeait à son comité permanent au niveau national. On peut rappeler ici que, dans sa lettre du printemps 2007, Benoît XVI avait écrit que le fait d’adhérer à l’Association patriotique était incompatible avec la doctrine catholique.

Dans son adresse, Mgr Ma a aussi fait allusion aux prêtres de Shanghai qui n’ont pas assisté à sa messe d’ordination. « Du fait de raisons particulières, de nombreux prêtres du diocèse ainsi que des religieuses n’ont pas pu être ici. Je voudrais dire que je les aime et que nous sommes en communion de prière », a-t-il déclaré, des mots qui, rapporte-t-on de Shanghai, ont été particulièrement bien reçus par le clergé shanghaien.

Enfin, à plusieurs reprises, Mgr Ma a fait référence à lui-même comme étant « ordonné en tant qu’auxiliaire » de l’évêque de Shanghai. La précision a son importance étant donné que le pape a effectivement nommé Mgr Ma Daqin évêque auxiliaire de Shanghai mais que Pékin le considère comme évêque coadjuteur de ce diocèse. Pour tous les catholiques de Shanghai, il est clair que Mgr Ma sera appelé, le jour venu, à prendre la succession de Mgr Jin Luxian, mais il est tout aussi clair qu’en s’affirmant comme « auxiliaire », Mgr Ma se place dans l’ordre hiérarchique tel qu’il a été voulu par Rome : l’ordinaire de Shanghai est Mgr Joseph Fan Zhongliang, 94 ans, évêque « clandestin » très affaibli par la maladie, son coadjuteur est Mgr Jin Luxian, évêque « officiel » du diocèse, et son auxiliaire est donc désormais Mgr Ma Daqin (2).

Le lendemain, dimanche 8 juillet, Mgr Ma Daqin n’a pas célébré la messe d’action de grâces prévue à la cathédrale. Le prêtre qui officiait, le P. Joseph Gu Zhangjun, semblait très affecté, tout comme l’assistance, où les rumeurs au sujet de l’absence de Mgr Ma allaient bon train. Injoignable à partir du samedi 7 juillet au soir, Mgr Ma a cependant de nouveau pu être localisé le 8 juillet soir, au moment où certains prêtres de Shanghai ont reçu un SMS de sa part, dans lequel il expliquait « avoir besoin d’un temps de repos et de retraite personnelle ». Il écrivait aussi : « Avec l’accord de Mgr Jin [Luxian], je suis auprès de Notre Dame de Sheshan. »

Selon des sources ecclésiales à Shanghai, la disparition de Mgr Ma durant 24 heures et son absence à la messe du dimanche ne peuvent qu’être reliées à sa prise de position lors de son ordination. Le 7 juillet, les officiels présents à la messe d’ordination « avaient le visage grave et fermé lorsqu’ils ont quitté la cathédrale », rapporte un témoin. Au traditionnel banquet qui est organisé après une ordination, les trois tables réservées aux officiels sont restées vides.

Le déplaisir des autorités semble donc évident. Il est confirmé par le fait que les instances « officielles » de l’Eglise, l’Association patriotique et la Conférence épiscopale, n’ont à l’heure actuelle, publié aucun compte-rendu relatif à l’ordination de Mgr Ma, contrairement à leur habitude en cas d’ordination épiscopale et comme elles l’avaient fait pour l’ordination épiscopale de Harbin le 6 juillet. Sur Internet, sur les sites catholiques en Chine, les informations concernant l’ordination de Shanghai ont disparu (notamment la vidéo où l’on voit l’assistance applaudir dans la cathédrale) et les moteurs de recherche chinois ne renvoient qu’aux informations relatives à son élection comme évêque. Un black-out médiatique semble donc avoir été décrété. Hier, le site de Xinde (‘La foi’) « invitait à la prière pour Mgr Ma Daqin qui aurait dû présider l’eucharistie dans la cathédrale de Xujiahui pour la première fois en tant qu’évêque, et qui aurait été emmené le samedi après-midi par des inconnus », en précisant qu’on « venait d’apprendre que ses mouvements étaient limités et qu’il était interdit d’exercer son ministère épiscopal ». Aujourd’hui, le lien vers cette information est désormais bloqué.

Par ailleurs, vendredi 6 juillet, l’ordination épiscopale illégitime – car menée sans mandat pontifical – du P. Joseph Yue Fusheng s’est déroulée comme les autorités l’avaient prévu. Dans la cathédrale du Sacré-Cœur de Jésus à Harbin, devant une maigre assemblée de 400 personnes et en présence d’une quarantaine de prêtres, le P. Yue a reçu l’ordination épiscopale de cinq évêques en communion avec Rome. L’évêque consécrateur était Mgr Johan Fang Xingyao, de Linyi (il préside l’Association patriotique au plan national) ; il était assisté de Mgr Paul Meng Qinglu, de Hohhot (Mongolie intérieure), de Mgr Paul Pei Junmin, de Shenyang (Liaoning), de Mgr John Wang Renlei, de Xuzhou (Jiangsu) (3), et de Mgr Joseph Yang Yongqiang, de Zhoucun (Shandong). A l’issue de la cérémonie, menée en présence d’un important déploiement policier, le P. Yue a déclaré : « Je sais que la route devant moi est ardue, mais je n’ai pas de regrets. Je suis prêt à me conformer à la volonté de Dieu et à porter ma croix. » Trois jours avant l’ordination illégitime, le Saint-Siège avait publié une note rappelant que l’ordination du P. Yue à l’épiscopat était contraire au droit de l’Eglise, qu’elle mettait en danger l’Eglise catholique en Chine et que les prélats qui y prendraient part s’exposaient à une peine d’excommunication automatique.

Né en 1964, ordonné prêtre en 1988, le P. Yue était le dernier des vice-présidents nationaux de l’Association patriotique, « élus » en décembre 2010, à ne pas être évêque.