Eglises d'Asie

Les étudiants du grand séminaire national ont refusé de prendre part à une messe célébrée par un évêque illégitime

Publié le 23/07/2014




Dimanche 29 juin dernier, la messe et la cérémonie marquant la fin de l’année universitaire ont été annulées au grand séminaire national de Pékin. Les étudiants du séminaire avaient en effet fait savoir qu’ils refusaient de prendre part à cette messe au cas où le recteur du séminaire, Mgr Joseph Ma Yingling, soit présent.

Selon l’agence Ucanews qui rapporte cette information, ce ne sont pas les séminaristes du grand séminaire national (1), au nombre de 150 environ, qui ont manifesté ce refus mais les étudiants inscrits dans le cycle supérieur du séminaire. Ceux-ci, au nombre d’une quarantaine, se répartissent entre les étudiants du cycle de formation continue ouverts aux prêtres et aux religieuses (cette année, ils étaient 22) et les étudiants du master en théologie et en philosophie que le grand séminaire national a mis en place en partenariat avec le ministère chinois de l’Education et la Fondation Verbiest en Belgique.

Le 23 juin dernier, cette quarantaine d’étudiants a appris du vice-recteur exécutif du séminaire, le P. Li Shuxing, que la cérémonie de remise des diplômes organisée à chaque fin d’année universitaire serait présidée Mgr Ma et suivie d’une messe célébrée par le même Mgr Ma. A l’annonce de cette nouvelle, les étudiants ont manifesté leur refus de devoir prendre part à une eucharistie présidée par Mgr Ma.

Recteur du grand séminaire depuis 2010, Mgr Ma a accepté l’ordination épiscopale pour le diocèse de Kunming, dans le Yunnan, en 2006, sans l’accord du pape, se plaçant de facto en situation d’excommunication. Habituellement, les années précédentes, Mgr Ma se contentait de signer et de remettre solennellement les diplômes produits par le séminaire. Cette année, rapporte la source citée par Ucanews, les étudiants ont été pris par surprise et c’est donc le 23 juin seulement qu’il leur a été annoncé que Mgr Ma viendrait présider la messe de clôture de l’année universitaire.

Selon cette même source, l’initiative ne viendrait pas de Mgr Ma lui-même, mais du vice-recteur du séminaire « qui aurait souhaité faire plaisir à son supérieur ». Quoiqu’il en soit, une fois la nouvelle connue, les étudiants se sont mobilisés pour faire connaître leur désaccord. En réponse, les autorités du séminaire ont cherché à transiger et annoncé que la messe ne serait pas célébrée par Mgr Ma, mais par Mgr Joseph Fang Xingyao, président du conseil d’administration du séminaire. Les étudiants ont exprimé leur désaccord à cette perspective, renouvelant leur refus de prendre part à la messe.

Mgr Fang a été ordonné évêque de Linyi, dans le Shandong, en 1997 avec l’accord du pape, mais il est tenu pour être une personnalité proche des autorités chinoises. Président de l’Association patriotique des catholiques chinois au plan national, il a, ces dernières années, présidé ou pris part à plusieurs messes d’ordination d’évêques illégitimes.

La conséquence immédiate de ce refus des étudiants du grand séminaire a été, outre l’annulation des cérémonies prévues pour ce 29 juin, la non-remise des diplômes. Les prêtres, religieuses et laïcs concernés ont donc regagné leurs diocèses respectifs sans diplôme. Depuis, le bruit court qu’à la rentrée prochaine, le cursus de formation continue pour prêtres et religieuses ainsi que le master en question ne seraient pas reconduits.

Contacté par Ucanews, le vice-recteur exécutif du séminaire, le P. Li Shuxing, a confirmé le fait que les étudiants étaient partis sans leur diplôme, « Mgr Ma ne les ayant pas signés [à la date de leur départ] ». Depuis, les diplômes auraient toutefois été signés et devraient être expédiés par courrier sous peu aux intéressés, a précisé le responsable. Quant à l’éventuelle suppression du cours de septembre prochain, il a ajouté que « le conseil d’administration [du séminaire] ne s’étant pas encore réuni », ce qui allait se passer n’avait pas encore été arrêté.

Le geste de défiance des étudiants du séminaire national n’est pas sans précédent. Le 6 janvier 2000, à une époque où tout laissait croire à un rapprochement entre Rome et Pékin, l’ordination de cinq évêques illégitimes était organisée à Nantang, la cathédrale de Pékin. Pour marquer leur désapprobation face aux ordinations illicites, les séminaristes, au nombre de 130 à l’époque, dont la présence était requise dans l’église, manifestèrent leur opposition à cette manœuvre en refusant d’y prendre part. Si l’ordination des cinq évêques illégitimes eut lieu, la sanction fut lourde de conséquences pour les séminaristes de dernière année : renvoyés dans leur foyer sans diplôme, ils se virent interdire de retourner au séminaire et beaucoup ne purent être ordonnés prêtre.

(eda/ra)