Eglises d'Asie

Amnistie de prisonniers : appel à la libération de Mgr Su Zhimin, 83 ans

Publié le 03/09/2015




Tandis que la Chine vient d’approuver une amnistie de prisonniers pour marquer le 70ème anniversaire de la « Victoire de la guerre de résistance du peuple chinois contre l’agression japonaise et les forces fascistes », célébrée ce 3 septembre par un défilé militaire géant à Pékin, des catholiques en appellent à …

… la clémence des autorités chinoises afin d’obtenir la libération de Mgr James Su Zhimin, 83 ans, évêque catholique « clandestin » de Baoding, détenu au secret depuis dix-huit ans.

Dans le texte d’une lettre remise au Front uni, l’instance du Parti communiste qui supervise les affaires religieuses, les proches de Mgr Su écrivent : « Bien que nous n’ayons pas d’information sur son état de santé, on peut aisément imaginer qu’un vieil homme, âgé de plus de 80 ans, ne soit pas plus vaillant que la flamme d’une bougie exposée au vent. Détenu depuis dix-huit ans, son leadership ainsi que ses capacités d’administrateur et son empreinte sur l’Eglise peuvent être considérés comme profondément amoindris. » Sa libération, précisent-ils encore, revêtirait « une signification immensément positive » pour le pays.

Ce n’est pas la première fois que des proches de Mgr Su s’adressent ainsi aux autorités. En octobre dernier, à l’occasion de l’anniversaire de l’arrestation de leur parent (qui a eu lieu le 8 octobre 1997), ils avaient écrit aux responsables du Front uni à Pékin. En janvier dernier, à l’occasion de la visite de Yu Zhengsheng, un des sept membres du Comité permanent du Bureau politique du Parti communiste, à Baoding, ils avaient récidivé et cette nouvelle démarche avait valu plusieurs jours de garde à vue à plusieurs d’entre eux.

Cette fois-ci, le texte de la lettre est signé par Su Tianyou, neveu de Mgr Su et membre respecté de la communauté catholique de Baoding, ainsi que par deux prêtres : le P. Cui Xingang, ancien recteur du sanctuaire marial de Donglu, désormais en résidence à Rome, et le P. Lu Genjun, vicaire général de la communauté « clandestine » de Baoding, libéré en août 2014 après huit années de détention.

Selon l’agence Ucanews, les proches du Mgr Su se sont vus répondre par des officiels du Front uni que l’arrestation de l’évêque « clandestin » avait été menée non sous leurs auspices, mais à l’initiative de la Commission pour les affaires politiques et juridiques du Parti, et qu’eux-mêmes ne savaient pas où il était détenu. « Selon ces officiels, [Mgr Su] représente une monnaie d’échange. Sa libération semble difficile aussi longtemps que les relations sino-vaticanes ne s’amélioreront pas », a confié à l’agence catholique une source proche de la famille de l’évêque.

Deux autres évêques du Hebei, cette province qui entoure Pékin, sont détenus au secret. Il s’agit de Mgr Cui Tai, évêque coadjuteur de Xuanhua, dont on n’a aucune nouvelle depuis son arrestation en août 2014. Et de Mgr Shi Enxiang, 94 ans, évêque de Yixing, disparu dans l’univers pénitentiaire chinois depuis quatorze ans et dont la mort a été annoncée en janvier dernier – sans toutefois qu’aucun élément matériel ne vienne depuis étayer cette nouvelle.

Selon l’agence Chine Nouvelle, l’amnistie annoncée ce 29 août concerne « plusieurs milliers de prisonniers », des anciens combattants ainsi que des prisonniers âgés, jeunes ou malades. Soit, toujours selon l’agence officielle, quatre catégories de « criminels » qui ne sont plus considérés comme une menace pour la société, parmi lesquels des vétérans condamnés qui ont pris part aux combats contre le Japon durant la Seconde guerre mondiale et pendant la guerre civile chinoise qui s’est achevée en 1949, ainsi que d’autres anciens combattants. Le plus âgé aurait 95 ans.

De plus, les criminels de 75 ans et plus, ainsi que ceux souffrant de handicaps physiques et étant incapables de prendre soin d’eux-mêmes, sont inclus dans l’amnistie. Mais en sont exclues les personnes reconnues coupables de « crimes graves » tels que détournement de fonds, corruption, terrorisme et crime organisé. Il n’est pas précisé si les personnes reconnues coupables de « crimes contre-révolutionnaires » sont amnistiables ou non. Ce sont pourtant les charges qui avaient été retenues contre Mgr Su Zhimin lors de son arrestation en 1996 pour avoir accepté l’épiscopat en dehors du contrôle de l’Association patriotique des catholiques chinois.

Dans un autre registre, les Etats-Unis ont demandé à la Chine la remise en liberté d’avocats et de militants chrétiens arrêtés le 26 août dernier alors qu’ils devaient rencontrer un envoyé du gouvernement américain en charge des questions de liberté religieuse dans le monde. Il s’agit notamment de Zhang Kai, avocat chrétien en pointe dans la défense des communautés du Zhejiang face à la campagne d’abattage des croix menée par les autorités de cette province.

Par ailleurs, dans ce contexte d’exaltation nationaliste mis en scène par le pouvoir, un autre anniversaire se profile. Le 8 septembre, les catholiques de Shanghai feront mémoire de la nuit du 8 au 9 septembre 1955, cette nuit où les autorités communistes arrêtèrent des centaines de prêtres, religieuses et laïcs. A cette époque où les communistes affermissaient leur emprise sur la Chine, Shanghai était perçue comme l’incarnation, pour les nouveaux maîtres du pays, de la compromission avec les « impérialistes ». La pression était particulièrement forte sur la communauté catholique de la ville, estimée à 120 000 membres et soupçonnée de vouloir saper la révolution. Ne parvenant pas à mettre en place l’« Association patriotique » autrement qu’en recourant à la force, le couperet s’est abattu dans la nuit du 8 au 9 septembre 1955. Les rafles se succédèrent ensuite et 4 000 catholiques furent ainsi arrêtés, dont Mgr Ignatius Kung Pin-mei (Gong Pin-mei), l’évêque jésuite de Shanghai.

Soixante ans plus tard, la date du 8 septembre reste sensible dans un diocèse dont l’actuel évêque, Mgr Ma Daqin, est empêché d’exercer son ministère et où le grand séminaire a été fermé.

(eda/ra)