Eglises d'Asie

Shanghai : renforcement du contrôle de Mgr Ma Daqin, en résidence surveillée depuis près de quatre ans

Publié le 03/05/2016




Ce 27 avril, une messe en la mémoire de Mgr Jin Luxian a été célébrée en la basilique de Sheshan. Célébrée trois ans jour pour jour après le décès, à l’âge de 97 ans, de celui qui fut l’évêque « officiel » de Shanghai de 1988 à 2013, cette messe s’est déroulée en l’absence de Mgr Ma Daqin, l’évêque …

… auxiliaire du lieu. Il semble que cette absence reflète un resserrement des conditions de résidence surveillée imposée par les autorités à cet évêque empêché de gouverner son diocèse depuis qu’en 2012, il a annoncé son retrait de l’Association patriotique des catholiques chinois.

On se souvient que, le 7 juillet 2012, Mgr Ma Daqin était ordonné évêque auxiliaire de Shanghai. Rome et Pékin avaient, chacun de leur côté, donné leur assentiment à cette ordination et il était entendu, pour le Saint-Siège, que la nomination de Mgr Ma était une manière de parvenir, à terme, à ce qu’un seul et même évêque, à Shanghai, dirige les communautés dites « officielle » et « clandestine ». On se souvient aussi qu’à l’issue de la messe d’ordination, Mgr Ma avait pris la parole pour, devant des représentants stupéfaits du gouvernement, annoncer qu’il se consacrerait désormais entièrement à son ministère épiscopal et qu’il démissionnait par conséquent de ses fonctions au sein de l’Association patriotique, cette instance imposée par le régime communiste pour exercer de l’intérieur un contrôle sur l’Eglise. Le soir même, Mgr Ma était soustrait à l’attention de ses fidèles et rapidement placé en résidence surveillée dans une chambre du petit séminaire, situé au pied de la colline au sommet de laquelle se trouve la basilique mariale de Sheshan, à une heure du centre de Shanghai.

Un évêque empêché de gouverner son diocèse

Ce 27 avril, la messe célébrée en la mémoire de Mgr Jin (pour le troisième anniversaire de sa mort et le centenaire de sa naissance) a été concélébrée par cinq évêques, venus des provinces voisines du Jiangsu et du Zhejiang et membres du conseil d’administration du séminaire régional de Sheshan. L’office était présidé par Mgr Joseph Shen Bin, de Haimen, en communion avec Rome ; une soixantaine de prêtres concélébraient et plus d’un millier de fidèles avaient pris place dans la basilique et son pourtour immédiat.

A l’évidence, une telle messe aurait dû être présidée par Mgr Ma. Le petit séminaire se trouve quelques dizaines de mètres plus bas, au pied de la colline, et l’enceinte du séminaire communique directement avec le chemin de croix qui monte vers la basilique. Dans le cadre de son placement en résidence surveillée, Mgr Ma n’est en effet pas confiné à sa chambre et il peut aller et venir, dans une certaine mesure, à Shanghai.

On aurait donc pu imaginer qu’il puisse monter du petit séminaire jusqu’à la basilique pour y célébrer cette messe de requiem. Mais c’est toutefois sans compter sur le fait que tout acte public lié à son ministère d’évêque, que ce soit dans le cadre de la liturgie ou pour gouverner son diocèse, lui est strictement interdit par les autorités civiles. Il semble que le refus par ces mêmes autorités d’autoriser Mgr Ma à prendre part à cette messe de requiem s’inscrive dans un resserrement des mesures de contrôle exercées sur sa personne.

Compte Weibo fermé

Depuis près de quatre ans qu’il est en résidence surveillée, Mgr Ma avait gardé un lien avec ses diocésains et plus largement la population du pays en publiant des méditations sur son blog ainsi qu’en rédigeant des prières qui étaient publiées sur son compte Weibo, l’équivalent chinois de Twitter. Ces écrits ne touchaient jamais directement à sa situation personnelle ni à celle de son diocèse, mais chacun était libre de lire entre les lignes. En mars dernier, son compte Weibo a soudainement été fermé.

Il semble cependant que son blog soit toujours consultable et n’ait donc pas été « harmonisé » – c’est-à-dire censuré – par la police de l’Internet. Ainsi que le rapporte l’agence Ucanews, Mgr Ma a posté sur son blog quatre textes pour rendre hommage à Mgr Jin Luxian. Le dernier en date remonte au 5 avril dernier et Mgr Ma y revient sur une interview accordée par Mgr Jin en 2000 au très officiel Quotidien du peuple. Mgr Jin donnait son point de vue sur les relations entre religions et socialisme en Chine populaire, et sur l’adaptation mutuelle entre catholicisme et société socialiste dans la Chine contemporaine. Selon Mgr Ma, cette adaptation mutuelle fait écho à la « sinisation » des religions qui est appelée de leurs vœux par les dirigeants chinois – une notion qui est régulièrement mise en avant par le président Xi Jinping. Pour Mgr Ma, l’Eglise ne méconnaît pas cette notion lorsqu’elle parle de l’« inculturation » de la liturgie et de la manière dont l’Evangile doit être transmis au sein de telle ou telle culture locale.

A en juger par certains commentaires laissés sur le blog de Mgr Ma, ce que souhaite exprimer l’évêque auxiliaire de Shanghai n’est pas toujours compris ou accepté. « Il semble que Mgr Ma est prêt à aller à Canossa et à suivre le chemin tracé par le Parti [communiste chinois] vers une Eglise indépendante [de Rome] », cingle un anonyme. Depuis Hongkong, d’autres font remarquer que la notion d’inculturation renvoie à la meilleure manière de communiquer la doctrine chrétienne au sein d’une culture donnée, sans attenter donc à l’intégrité du message évangélique, tandis que la sinisation implique une adaptation de la doctrine chrétienne au système politique chinois actuel, un système qui, s’il tolère les religions, les cantonne dans un espace très limité.

Il y a quelques semaines, sur place à Shanghai, des observateurs très au fait des réalités de l’Eglise locale avaient confié à Eglises d’Asie que l’avenir de Mgr Ma ne pourrait être réglé qu’au plus haut niveau, lors de négociations entre Rome et Pékin. A Eglises d’Asie, Mgr Ma Daqin lui-même avait confié qu’il lui était impossible de s’exprimer auprès d’un média étranger ; il avait seulement ajouté avoir besoin de la prière des catholiques et assuré de sa propre prière pour l’Eglise.

(eda/ra)