Eglises d'Asie

Après l’ordination de l’évêque “officiel” de Kunming, un deuxième évêque a été ordonné sans l’assentiment du pape

Publié le 18/03/2010




Mercredi 3 mai, en la cathédrale Saint-Joseph de Wuhu, le P. Liu Xinhong, 41 ans, a été ordonné évêque “officiel” de l’Anhui. Trois jours après l’ordination du P. Ma Yinglin sur le siège du diocèse de Kunming (province du Yunnan), ce fut la seconde ordination en l’espace de quelques jours à être menée au sein de l’Eglise “officielle” de Chine sans l’assentiment du pape. Selon des sources catholiques, les deux prêtres, avant leurs ordinations respectives, avaient été informés du fait que leur candidature à l’épiscopat n’avait pas reçu l’accord de Rome.

Selon le P. Joseph Nie Hengyou, prêtre du diocèse de l’Anhui (1), quatre évêques ont participé à la cérémonie d’ordination du P. Liu Xinhong. Mgr Wu Shizhen, évêque “officiel” de Nanchang, dans la province voisine du Jiangxi, a présidé la célébration ; il était assisté de Mgr Joseph Li Mingshu, de Qingdao, de Mgr Joseph Zhao Fengchang, de Linqing, et d’un quatrième évêque, venu du Shandong.

Selon des sources catholiques locales, les fidèles de la province, où les communautés “clandestines” sont fortes – surtout dans le nord et le nord-ouest de l’Anhui -, ne voient pas l’accession à l’épiscopat du P. Liu d’un bon oil. Que ce soit au sein des communautés “clandestines” mais aussi au sein des communautés “officielles”, les prêtres et les fidèles n’accepteront pas de travailler avec un évêque qui n’a pas reçu sa nomination du pape, ont précisé ces sources. Afin de prévenir tout éventuel trouble lors de la messe d’ordination, la Sécurité publique avait intensifié ses contrôles, notamment sur les responsables laïcs de communautés catholiques. Toujours selon ces mêmes sources, des responsables de communauté ont donc quitté leur domicile, à titre préventif, afin d’éviter une interpellation. Selon un responsable de communauté “clandestine”, le P. Liu Xinhong, qui était informé depuis déjà quelques mois du refus de Rome de le voir accéder à l’épiscopat, se retrouvera isolé au sein de son diocèse (2).

Comme à Kunming, aussi, l’ordination a été menée en dépit du fait que le candidat à l’épiscopat n’avait pas reçu l’assentiment du pape. La veille, dans un communiqué officiel, le cardinal Zen Ze-kiun, évêque de Hongkong, avait réagi en des termes forts, regrettant l’action de ceux qui exercent des pressions sur les évêques “officiels” de Chine pour qu’ils prennent part à ces ordinations épiscopales. L’évêque de Hongkong y avait vu un geste délibéré, visant à nuire aux négociations qui existent depuis quelques mois entre Pékin et le Vatican (3). Le cardinal Zen avait exprimé l’espoir que les autorités chinoises veilleraient à ce que de tels actes ne se reproduisent pas. Quelques jours plus tard, le 8 mai, l’évêque de Hongkong a publié un texte réaffirmant le fait qu’“en Chine, il existe une seule Eglise catholique et que tous se placent sous l’autorité du pape”. Il s’est interrogé sur l’appartenance à l’Eglise de ceux qui veulent des évêques pour cette Eglise mais refusent de les voir nommer par le pape.

A Kunming, la messe d’ordination a eu lieu en présence de Liu Bainian, vice-président de l’Association patriotique des catholiques chinois. Véritable patron de l’Association patriotique, il avait fait le voyage depuis Pékin. Neuf évêques “officiels” étaient présents. Mgr Bernardine Dong Guangqing, le vieil évêque de Hankou, présidait la cérémonie depuis son fauteuil roulant. Agé de 89 ans, très affaibli, Mgr Dong est le dernier survivant des premiers évêques ordonnés sans l’aval du pape, en 1958 (il a depuis été légitimé par le Saint-Siège). Il était assisté de huit évêques, venus de six provinces et, pour la très grande majorité, reconnus par Rome. Selon des témoignages recueillis à Hongkong, la plupart des neuf évêques avaient subi de fortes pressions de la part des autorités et de l’Association patriotique, pour prendre part à cette ordination.

Agé de 41 ans, le P. Ma Yinglin vit habituellement à Pékin, où il exerce d’importantes responsabilités dans les structures officielles de l’Eglise. Secrétaire général du Conseil des évêques de Chine, qui tient lieu de Conférence des évêques “officiels”, il est aussi l’un des vice-présidents de l’Association patriotique. Il fait partie des trois représentants du clergé catholique qui siègent à l’Assemblée nationale populaire. Le 30 avril, à Kunming, lors de la messe d’ordination, le P. Ma a dit ne pas se sentir digne d’assumer la charge d’évêque qui lui était confiée ; il a ajouté qu’étant “appelé par Dieu il l’acceptait “humblement” et s’efforcerait de la remplir de son mieux. Prononçant la formule exigée par le gouvernement lors des ordinations épiscopales, il déclaré vouloir “suivre l’enseignement de saint Pierre, être ‘soumis, à cause du Seigneur, à toute autorité établie parmi les hommes’ (Première épître de saint Pierre, 2,13pour mener les prêtres, les religieuses, les séminaristes et les laïcs dans le diocèse à obéir à la Constitution de la nation, à maintenir l’unité du pays et la solidarité de la société, et à contribuer à l’édification d’une société prospère et à la construction d’un pays socialiste harmonieux”.