Eglises d'Asie

Le vicaire général du diocèse d’Iligan élu adjoint au maire

Publié le 01/06/2016




Le 9 mai dernier, Mgr Jeemar Lucero Vera Cruz, vicaire général du diocèse d’Iligan (Mindanao), a été élu adjoint au maire de sa ville. Plusieurs membres de l’Eglise catholique philippine avaient pourtant désapprouvé la candidature politique du prêtre.

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bbc.co.uk

 

Selon l’alinéa 3 de l’article 285 du Code de droit canon (1), le clergé a interdiction de « participer à l’exercice du pouvoir » et en théorie, le P. Jeemar Lucero Vera Cruz peut être destitué de son ministère de prêtre.

« Je ne risque pas de sanctions canoniques car j’ai obtenu officiellement la permission de ma hiérarchie, je suspends seulement mes responsabilités pastorales et ecclésiales », a déclaré le principal intéressé. Interrogé par l’agence Ucanews, le P. Jeemar Lucero Vera Cruz, a indiqué qu’il se retirait temporairement de sa charge pastorale de prêtre « en réponse à l’appel de Dieu pour venir en aide aux électeurs de la ville d’Iligan ».

Joint par Eglises d’Asie, l’évêque d’Iligan a confirmé la suspension temporaire du prêtre. « Conformément au droit canon, le P. Jeemar Lucero Vera Cruz a été automatiquement suspendu de son ministère dès le dépôt de sa candidature. Il reste prêtre mais ne peut célébrer de messe en public », explique Mgr Elenido Galido. Ce dernier n’a pas exclu une possible réintégration du prêtre une fois son mandat achevé, sous certaines conditions. « En revanche, s’il brigue un second mandat, c’est une autre histoire », a prévenu Mgr Elenido Galido.

«Un prêtre candidat ne peut espérer le soutien de l’Eglise, la séparation avec l’Etat est très claire à ce sujet », a également rappelé l’évêque. Il évoque une décision « au cas par cas » et spécifique à Iligan, tout en admettant « un souhait de la part des électeurs ». De son côté, le président de la conférence des évêques philippins (CBCP), Mgr. Socrates Villegas, n’était pas joignable pour commenter le sujet.

Elu pour un mandat de trois ans, le P. Jeemar Lucero Vera Cruz a remporté l’élection avec plus de 12 000 voix face à l’adjoint au maire sortant, rapporte l’agence Philippines News.

Lors de la campagne électorale, le prêtre avait assuré à l’adresse de ses opposants : « En aucun cas, je n’instrumentalise l’Eglise ou ma fonction ministérielle pour servir mes propres aspirations politiques ». A Iligan, ville du nord de Mindanao, deuxième plus grande île de l’archipel, le prêtre catholique avait dénoncé le sort de centaines de familles toujours sans abri, près de six ans après le passage du typhon Washi. « Les pauvres ont tant perdu. C’est notre devoir de les aider à reconstruire leur vie, avait-il poursuivi. Cela exige un certain sens de la justice, de la charité et de l’équité. »

Le prêtre avait également évoqué l’arrestation du maire sortant, Celso Regencia, accusé d’avoir organisé la tentative d’assassinat d’un membre du Congrès. Candidat à sa propre succession et toujours en prison, l’édile a réussi à se faire réélire avec une confortable avance pour un second mandat, le même jour que le P. Jeemar Lucero Vera Cruz, avec qui il avait fait campagne.

Avec treize autres personnes, Celso Regencia est accusé d’être derrière l’attaque, en 2014, du député Vicente Belmonte, alors en déplacement à Iligan. A l’époque, Vicente Belmonte avait été blessé et trois membres de son équipe assassinés.

« Il [Celso Regencia] a bénéficié des votes solidaires des habitants d’Iligan qui pensent qu’il s’agit d’une victime opprimée par ceux au pouvoir », a jugé l’avocat du maire, interrogé par le quotidien The Philippine Star. Lors de ces élections, Queenie Belmonte, fille du député attaqué qui était également candidate au sein de l’équipe municipale, a elle aussi gagné.

Aussitôt élu, Mgr Vera Cruz a annoncé qu’il avait obtenu l’accord du maire réélu, depuis sa prison, pour le représenter en public, rapporte le Philippine Star. L’ancien vicaire général a promis de « démanteler les cartels à l’origine de la corruption dans la ville ». Avant d’exhorter les habitants à soutenir les efforts de la nouvelle administration pour lutter contre la criminalité. « Nous avons besoin d’une main de fer pour faire avancer les réformes, mais une main de fer guidée par le cœur », a-t-il ajouté. Allusion aux méthodes utilisées par l’ancien maire de Davao (Mindanao), Rodrigo Duterte, fraichement élu président des Philippines, et bien connu pour sa « main de fer » impitoyable, dans la gestion de la criminalité au sein de la première ville de l’île de Mindanao.

Hormis le P. Jeemar Lucero Vera Cruz, deux autres prêtres philippins étaient également candidats pour ces élections, dans la province de Samar Nord, dans le centre de l’archipel : le P. Walter Cerbito et, au sein du même diocèse de Catarman, le P. Jack Sapa, à la retraite, qui ont tous les deux perdu les élections. Le P. Walter Cerbito est arrivé deuxième, avec 70 467 voix, loin derrière le gouverneur en poste, candidat à sa propre succession, qui a obtenu 109 062 voix, rapporte le site d’informations InterAksyon. « Il est temps pour Samar-Nord de se redresser et, pour cela, quelqu’un doit se lever afin de faire advenir un changement véritable », avait affirmé le P. Walter Cerbito durant la campagne.

De son côté, le P. Jack Sapa briguait un mandat de conseiller de la capitale provinciale. Les PP. Walter Cerbito et Jack Sapa avaient été suspendus de leurs responsabilités pastorales à l’annonce de leur candidature.

Lors des dernières élections générales, en 2010, un autre prêtre, le P. Eddie Panlilio, déjà élu gouverneur de la province de Pampanga malgré la réprobation de ses supérieurs, avait fait part de ses ambitions présidentielles. Puis s’était rétracté. Entretemps, l’homme controversé avait demandé à être réduit à l’état laïc pour pouvoir se présenter à nouveau à la tête de sa province. Il avait finalement perdu l’élection, avant d’être suspendu de son ministère sacerdotal.

(eda/md)